École doctorale Fernand Braudel
Centre de recherche ÉCRITURES (EA 3943)
APPROCHES BIBLIOMÉTRIQUES DES LITTÉRATURES FRANCOPHONES SUBSAHARIENNES
THÈSE
présentée par Mme Darly NTSAME
pour l’obtention du doctorat en langue, littérature et civilisation Spécialité : littérature générale et comparée
Sous la direction de M. Pierre Halen
Soutenance : 6 décembre 2018
Jury :
M. DIOP Papa Samba, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (Rapporteur)M. HALEN Pierre, Université de Lorraine
M. MBONDOBARI Sylvère, Université Omar Bongo (Rapporteur)
Mme RANAIVOSON Dominique, Université de Lorraine
Invitée :
Mme COULON Virginia, Université de Bordeaux 3
ANNÉE UNIVERSITAIRE 2017-2018
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DÉDICACE
À ma mère, qui aurait certainement été très fière de moi.
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REMERCIEMENTS
Ce travail n’aurait pas pu se faire sans le soutien indéfectible de Monsieur Pierre Halen, qui m’aaccordé sa confiance en acceptant de diriger ce travail, et a su m’insuffler la force ainsi que le courage de recommencer une nouvelle thèse. Je le remercie pour tout son soutien scientifique et humain.
Je remercie également Madame Virginia Coulon, la conceptrice et gestionnaire de la banque de données Littératures Africaines Francophones (LITAF) pour sa grande disponibilité et ses nombreux encouragements.
Mes remerciements vont également à tous les professeurs et le personnel de l’Université de Lorraine pour l’encadrement durant toutes ces années.
J’adresse également ma gratitude à tout le personnel de la Maison de l’Étudiant de Nancy, pour m’avoir durant quatre années, accordé leur confiance en renouvelant à chaque fois mon contrat grâce auquel, j’ai pu en partie financer cette recherche.
Je remercie ma famille, mes frères et sœurs pour leurs soutiens, leurs attentions et leursencouragements durant toutes ces années de recherche. À mon père, qui a su à chaque fois trouver les mots pour me donner la force de continuer, en m’octroyant une confiance indéfectible dansmes choix.
À Mustafa Keles, pour son soutien psychologique, matériel et financier, je lui serai éternellement reconnaissante.
À Ntsame Imeilda et à toutes mes amitiés pour le soutien et le réconfort aussi bien dans les moments de joie que de peine.
Je remercie toutes celles et ceux que je n’ai pas pu citer, mais qui ont participé àl’élaboration de cette thèse.
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Liste des abréviations
ACCT : Agence de coopération culturelle et technique
AEF : Afrique équatoriale française
AOF : Afrique occidentale française
APELA : Association pour l’étude des littératures africaines AUF : Agence Universitaire de la Francophonie
AUPELF : Association des Universités Entièrement ou Partiellement de langue française BNF : Bibliothèque nationale de France
CELFA : Centre d’études linguistiques et littéraires francophones et africaines
CCF : Centre Culturel français
CCFr : Catalogue Collectif de France
CIBDD : Collectif inter-réseau sur les banques de données
CLE : Centre de littératures évangéliques
CODERSIA : Conseil pour le Développement de la Recherche et Sciences Sociales en Afrique CRITAOI : Critique de l’Afrique et de l’Océan Indien
FCFA : Franc de la communauté financière africaine
GATT : General Agreement and Trade (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) IFAN : Institut Fondamentale d’Afrique Noire
LIMAG : Littératures magrébines
LITAF : Littératures africaines
LITOI : Littératures de l’Océan Indien
NEA : Nouvelles éditions africaines
NEAS : Nouvelles éditions africaines du Sénégal
NEI : Nouvelles éditions ivoiriennes
OIF : Organisation Internationale de la Francophonie
ORTF : Office de radiodiffusion-télévision française
RFI : Radio France Internationale
SUDOC : Système universitaire de documentation
UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture
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INTRODUCTION GENERALE
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1. Genèse du sujet
Cette thèse s’inscrit dans le cadre d’un nouveau champ disciplinaire que Michel Bernard a nommé les Études Littéraires Assistées par Ordinateur 1 (ELAO). En effet,l’utilisation de l’outil informatique dans les sciences humaines et littéraires a ouvert de nouvelles possibilités de recherche dans ces disciplines. En littérature, plus précisément,l’informatique n’est plus, depuis le début du XXe siècle, un simple outil d’écriture neservant qu’au traitement des textes. Elle est devenue une véritable méthode d’analyse littéraire, à l’instar de la sociocritique, de la psychocritique, de la poétique, etc. Ellepermet aujourd’hui, comme toutes ces approches, d’interroger le fait littéraire et son résultat, notamment le livre et le texte.
Pendant longtemps, son application dans le domaine littéraire a été une idée qui ne trouvait point de légitimité. Dès ses débuts, elle a été fortement contestée, car soupçonnée de vouloir complexifier davantage, et de façon inadaptée, l’analyse littéraire en y introduisant des numérisations. Michel Lenoble, lors d’un colloque organisé en 1985 par le CNRS à Nice 2, se demandait d’ailleurs si cette union n’était pas un « mariage impossible», parce qu’il considérait comme improbable l’adaptation de l’outilinformatique aux questions littéraires. Deux autres raisons expliquent cette réticence. La première a été le lien, du moins le lien supposé, entre l’informatique et la mathématique, qui a longtemps été un élément dissuasif chez les littéraires. En effet, la mathématique et la littérature ont souvent été deux domaines diamétralement opposés à divers titres ; de ce fait, il y avait une difficulté à saisir de premier abord, quel usage la recherche littéraire pouvait-elle faire du langage et des programmations informatiques. La deuxième raison est plus pragmatique ; elle émane de l’inaccessibilité relative de l’outil informatique pendant plusieurs décennies pour des usagers n’ayant aucune formation dans ce domaine, et souvent aucun crédit matériel pour acheter des équipements alors très coûteux.
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C’est une expression créée par Béhar Henri pour intituler son séminaire à l’Université de Paris 3. Elle est désormais très couramment reprise par d’autres auteurs.
Lenoble (Michel), « Statistiques lexicales et critique littéraire, le mariage impossible ? », in : Brunet (Étienne) et alii, dir., Méthodes quantitatives et informatiques dans l’étude des textes, Genève-Paris : Slatkine-Champion, 1986, p. 287-301.
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Ainsi, l’amélioration des programmes informatiques (création de la micro- informatique, créations des logiciels informatiques et des nouveaux supports de mémoire) aussi bien que la vulgarisation de ces outils ont permis de réduire la complexité techniqueexigée au départ, de même que les coûts d’investissement. Grâce à cela, l’informatique a pu s’adapter à la recherche dans plusieurs domaines en améliorant considérablementl’ensemble de leurs potentialités. En littérature notamment, elle est devenue un moded’exploration à partir duquel la recherche littéraire a pu s’ouvrir vers des perspectives autres que qualitatives et esthétiques.
Cependant, si, dans le monde anglo-saxon, les programmes informatiques se sont rapidement insérés dans les études littéraires, en France, il a fallu attendre les années 1970 pour que cette réalité devienne effective. Aujourd’hui, une alliance efficace s’est progressivement établie entre ces deux disciplines, et désormais, l’informatique s’inscritcomme un stimulant, à la fois, de l’analyse, de la création et de l’enseignement des littératures.
L’introduction de l’outil informatique dans les études littéraires s’est faite de diverses façons, mais singulièrement par deux voies : la lexicographie informatisée, d’unepart, les bibliographies numériques 3, d’autre part. Ces deux approches ont largement facilité l’emploi des méthodes quantitatives pour l’approche linguistique interne des textes et celle des œuvres considérées comme des publications. Les travaux pionniers des équipes d’Étienne Brunet 4 et Charles Muller 5 sont des exemples précis de la première de ces catégories. Mais, si la linguistique s’est facilement accommodée des traitements informatiques, ceux-ci ont été pratiqués plus tardivement dans les sciences de littérature.
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Au départ, les banques de données n’étaient que de simples bibliographies informatiques, c’est l’évolution et la réorganisation de cet ensemble qui fera progressivement aboutir à la structure de la banque de données telle que nous la définirions dans les pages suivantes.
Les travaux d’Étienne Brunet sont pionniers dans le domaine de la statistique lexicale et ses extensions. Il a développé des outils de recherche comme le logiciel Hyperbase pour la recherche quantitative en linguistique.
Charles Muller est le fondateur de la linguistique quantitative et un des concepteurs de la banque de données Trésor de la langue française qui deviendra plus tard Frantext. Son travail s’estattaché à l’étude statistique du vocabulaire dans les œuvres de plusieurs auteurs français dont Corneille, Proust, Hugo, etc.
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Ce retard s’explique par une élaboration plus lente des dispositifs favorisant l’exploitationdu numérique dans ce secteur disciplinaire.
Les premières banques de données littéraires ont en effet, été créées dans un but purement linguistique, à l’instar de Frantext qui reste encore aujourd’hui la plus vaste etla plus ancienne de toutes en ce qui concerne la langue française. Il a fallu attendrejusqu’aux années 1990 pour que puissent émerger, en même temps que des banques de données plus adaptées aux questions propres aux études littéraires, des méthodes quantitatives appropriées. Ces nouvelles approches ont réorienté la recherche dans cette discipline, en y introduisant des analyses computationnelles pouvant permettre de mesurer la répartition et l’évolution de toutes les composantes littéraires. Grâce à elles, la recherche au sujet des œuvres littéraires a pu s’étendre au-delà des préoccupations esthétiques et thématiques (on parle dans ce cas de méthode qualitative), pour s’intéresser aux questions de production et de diffusion des œuvres, en vue de comprendre les conditions de création, de consommation et même de diffusion des écrits littéraires. End’autres termes, elles ont donné la possibilité d’appréhender quantitativement l’histoirelittéraire. On parle, à cet égard, d’histoire littéraire quantitative, une approche de la littérature dont Röthlisberger 6 est le précurseur. Il a pu poser des cadres généraux pourl’emploi des méthodes quantitatives dans l’étude de la production intellectuelle, du livreet d’autres types d’imprimés et, en particulier, de la production relevant de la littérature.
L’histoire littéraire quantitative s’inscrit dans une démarche socio-historique d’analyse de la littérature, puisqu’elle l’analyse comme un «phénomène social». Cependant, elle nécessite une double interrogation : quantitative et historique. Dans un premier temps, elle mesure la production, la consommation ou la diffusion des écrits littéraires, et, dans un second temps, elle analyse l’influence des enjeux sociaux d’une époque sur ces trois paramètres. En somme, elle permet de juxtaposer les données statistiques de la littérature aux réflexions socio-historiques afin d’établir une analyse plus objective visant à questionner la causalité.
Il faut rappeler que jusque dans les années 1950, la grande majorité des travaux d’histoire littéraire se limitaient à des méthodes qualifiées de « traditionnelles », c’est-à-
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Röthlisberger (Ernest), « Rapport sur la statistique internationale des œuvres littéraires », in :Bulletin de l’Association littéraire et artistique internationale, 14e session, Congrès de 1892 : Imprimerie de Kuzalmann, 1892.
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dire, dont les analyses privilégient la sociologie descriptive ou critique des œuvres enpuisant dans leurs contextes historiques et littéraires et dans les biographies des auteurs. Cette démarche s’est vue fortement contestée dans la seconde moitié du XXe siècle, à cause de son caractère jugé à la fois simpliste et subjectif. Alain Vaillant écrit à ce propos que, « force est d’avouer que même pour ceux qui s’en réclament le plus ouvertement, l’histoire littéraire n’est souvent guère plus que la critique littéraire, ponctuée de quelques repères historiques ou de précisions biographiques » 7. Comme lui, d’autres théoriciens de la discipline 8 remettent alors en question cette façon de procéder. Selon eux, les travaux d’histoire littéraire qui ont emprunté cette démarche se sont construits sur des bases purement anhistoriques, qui ont, de ce fait, occulté les facteurs extérieurs ayant influencé l’évolution historique d’une littérature. Or, la production matérielle du livre comme celle de la littérature qui, jusqu’il y a peu, en dépendait pour exister est très sensible à un ensemble de changements historiques qui doivent obligatoirement être pris en compte. Beaucoup préconisent alors, de s’intéresser davantage à ces évolutions socio- historiques et de prendre appui sur l’interdisciplinarité pour reconstruire une véritable histoire littéraire qui anéantirait, ou du moins réduirait sensiblement ce que qu’AlainVaillant nomme « la subjectivité inévitable de l’histoire littéraire » ; celle-ci, en effet, qui « préside, bien souvent de façon souveraine aux jugements portés sur les œuvres, a de tout temps, contribué à fragiliser la critique et l’histoire littéraire aussi bien dans leurs fondements théoriques que dans leur praxis » 9. Dans cette logique, Sophie Dubois explique que
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[l]’idée même de « communication littéraire » interdit de ne s’arrêter qu’à un pôle de la triade auteur-texte-lecteur et oblige le chercheur à penser la littérature dans ses interrelations. Ainsi, pour bien asseoir sa méthode, A. Vaillant fait le procès de ces absurdes mais inévitables classements que
Vaillant (Alain), L’Histoire littéraire. Paris : Armand Colin, 2010, p. 24. Lanson (Gustave) ;1925, Escarpit (Robert) 1970 ; Béhar (Henri) ; 1996.
Cité par : Gnaoulé Oupoh (Bruno), « Histoire littéraire et littératures Africaines », in : Syllabus Review, vol°6, n°2, 2015, p. 149-179; p. 159. [En ligne],https://www.ens.cm/files/syllabus_lettres/SyllabusVol_62149_179.pdf page consultée le 23 mai, 2016.
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l’historien impose à la littérature avant de montrer que c’est plutôt dans lesinterstices qu’il faut chercher des pistes pour renouveler l’histoire littéraire 10.
À l’instar d’Alain Vaillant, elle suggère de repenser l’histoire littéraire à partir d’un point de vue extérieur, c’est-à-dire, qui s’étend au-delà même des œuvres, dans l’objectif d’y intégrer les facteurs exogènes qui ont pesé sur son parcours. Les méthodes quantitatives, dans ce cas, ont apporté une densité à cette démarche. Elles ont rendu possible lajuxtaposition d’éléments prouvant une corrélation entre les indices deproduction/diffusion et les variations socio-historiques qui les déterminent. De plus, elles ont permis de s’éloigner de cette vision plutôt canonique de l’histoire littéraire, quis’appuie sur quelques textes-clefs, presque toujours les mêmes, dont l’analyse se fait engrand détail, pour la réinterroger à partir d’un corpus plus englobant qui intègre toutes les données aussi nombreuses et hétérogènes soient-elles.
Ces méthodes ont apporté de quoi renforcer et stimuler l’interprétation de l’histoire littéraire et, loin de constituer une alternative méthodologique, elles sont une sorte de plus-value permettant de relier des informations éparses. Sans vouloir rejeter les approches dites « qualitatives », il sera question ici d’approfondir ses analyses sur la base des données quantifiées. Pour Jacques Fontanille,
[il] ne s’agit pas de récuser une démarche aux dépens de l’autre, mais de sedemander jusqu’à quel point elles peuvent être « ajustées » l’une à l’autre et à quel degré d’approximation (acceptable ou inacceptable) l’une peut se substituer à l’autre 11.
Dans cet extrait, il suggère de faire un couplage intelligent entre ces deux méthodes en jumelant leurs approches, dans le but de construire une histoire littéraire plus approfondie ; établie sur la base d’une analyse résultant de leur croisement.
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Dubois (Sophie), « Théorie & pratique de l’histoire littéraire : la littérature comme système & comme acte de communication », in : Acta fabula, vol. 13, n°1 (Nouveaux chemins de l’histoire littéraire), 2012. [En ligne] http://www.fabula.org/acta/document6742.php , page consultée le 22 mars 2017.
Fontanille (Jacques), « L’informatique littéraire de quelques effets corollaires », in : Vuillemin(Alain), dir., Les banques de données littéraires comparatistes et francophones, Limoges : Presses universitaires de Limoges, 1993, p. 11-16 ; p. 12.
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C’est dans le cadre de cette approche socio-historique et quantitative de la littérature que nous avons choisi de situer notre recherche consacrée aux possibilités offertes par les analyses bibliométriques des littératures subsahariennes francophones. Elle se basera essentiellement sur la banque de données LITAF (Littérature Africaine Francophone). Nous réinterrogerons donc l’évolution de ce corpus à partir d’une série dequantifications des données bibliographiques contenues dans LITAF. Nous tenterons, plus précisément, de montrer comment les possibilités actuelles de quantification, ou encore de gestion des données, peuvent aider à décrire et à évaluer de façon pertinentel’évolution historique de cette littérature, aussi bien d’ailleurs que d’en donner une visionsynchronique. En d’autres termes, notre principal but sera de mettre en exergue les avantages d’une telle méthode pour l’étude de l’activité littéraire de cette aire géographique (et, aussi, nous le verrons, relative à cette aire, puisqu’il faut tenir comptede la diaspora). Pour ce faire, nous nous intéresserons à ce qu’on peut appeler le rythme de production, en essayant de montrer dans quelle mesure les facteurs socio-historiques ont pu l’influencer.
Pour y parvenir, il nous a paru nécessaire de dresser au préalable un état des lieux à propos de la problématique des banques de données en littérature. Cette problématique conditionne en effet la présente recherche, et son examen permettra de donner un aperçu général sur cette structure dans le but de l’appréhender entièrement.
2. Les banques de données littéraires
Les importantes mutations informatiques intervenues au cours du siècle dernier ont grandement contribué au développement scientifique dans plusieurs domaines.Aujourd’hui, la plupart des communautés scientifiques profitent des mémoires informatiques afin de sauvegarder prioritairement leur production et, par ailleurs, de dynamiser leurs compétences. Ainsi, la création des banques de données a amplement reconditionné la conservation et l’accès à l’information. Jean Claude Vareille la présente comme une véritable révolution. Il écrit à ce sujet :
Dès l’origine, un des problèmes fondamentaux de l’homo sapiens fut en effetde « stocker » les connaissances acquises. Cette conservation, d’abord réalisée
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par la mémoire humaine (d’où le rôle des griots, des aèdes, etc.) le fut ensuite par le livre et la bibliothèque. Voici venu le temps des «banques de données » 12.
En effet, l’accroissement fulgurant des connaissances et la volonté de les diffuser àtravers le monde imposent aujourd’hui l’utilisation des nouvelles technologies del’information et de la communication pour les activités de stockage, d’échange et detraitement. Dès lors, la banque de données se présente comme le support opérationnel permettant de s’insérer dans cette dynamique. Elle reste un support avec une structure organisationnelle offrant la possibilité à toutes les sciences de s’adapter à la compétitivité et aux autres exigences du monde moderne. Pourtant, dans le domaine des études delittérature, l’usage des banques de données reste assez marginal.
On ne peut savoir combien de banques de données il existe dans cette discipline,car un bon nombre d’entre elles ne sont pas pérennes. Actuellement, les banques dedonnées littéraires ne représentent qu’une infime proportion de l’ensemble des sitesnumériques. Ce désintérêt s’explique certainement par une méconnaissance du dispositif. De nombreux amateurs de littérature le restreignent encore spontanément à son premier usage, qui répondait à des fins techniques, de l’ordre de l’accumulation des données. Aujourd’hui, hormis la simple consultation, elles ne servent réellement qu’à une minoritéde chercheurs, qui sont devenus des précurseurs en la matière. Pour qu’elles deviennentun outil incontournable pour la recherche littéraire, il faudrait que sa nécessité et ses apports soient plus largement connus, c’est-à-dire, que soit stimulée la prise de conscience de ses enjeux.
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La banque de données littéraire se présente comme
une encyclopédie informatique, pouvant contenir selon le type de banques de données: la chronologie des évènements historiques, sociaux, politiques, économiques, la biographie des écrivains, les textes littéraires aussi bien orauxqu’écrits, les bibliographies, les courants et prix littéraires, l’histoire de la
Tiré de la préface de Vareille (Jean-Claude), in : Vuillemin (A.), dir., Les banques de données littéraires comparatistes et francophones, op.cit., p. 9.
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culture, les mouvements des idées, les éditeurs, les institutions littéraires, les médias de diffusion 13.
Ainsi conçues, les bases de données littéraires jouent un rôle désormais essentiel en tant que supports incontournables de stockage des informations. Elles permettent, par ailleurs,une collecte de l’information adaptée aux besoins des utilisateurs et répondent efficacement aux exigences de fiabilité et d’exhaustivité des résultats. De plus, ellesoffrent une capacité de conservation totalement illimitée ; aucun centre de documentation physique (du type de la bibliothèque traditionnelle), aussi immense soit-il, ne peut contenir autant que ces banques de données. Elles peuvent donner accès à plusieurs centaines de millions de documents dans divers domaines et dans plusieurs disciplines à la fois. En outre, seule la banque de données offre un accès quasi-immédiat, ce qui lui procure plus de flexibilité par rapport à d’autres supports documentaires. En effet, de nos jours, la majeure partie des personnes possède ou a la possibilité d’accéder à un ordinateur ; grâce à cela, communiquer avec une banque de données est devenu presque instantané, sans aucune condition de temps ou de lieu (en tout cas pour ceux qui habitentdes zones suffisamment équipées en câbles et en serveurs, et d’abord en énergie électrique régulièrement fournie, ce qui est certes encore loin d’être la situation pour toutes les sociétés, d’où le concept de « fracture numérique »).
Par ailleurs, ce support, simplifie amplement les mises à jour, et certaines banques de données le font de façon continue en garantissant ainsi un accès rapide à de nouvelles informations, que la possibilité de consultation « ouverte » et de téléchargement permetd’obtenir instantanément. Ces sources peuvent en outre être utilisées simultanément, carl’espace informatique admet l’interaction : un site comme Worldcat, par exemple, donne déjà un accès simultané à des centaines de catalogues de bibliothèques dispersées de par le monde. Dans ce contexte, les usagers peuvent à la fois se procurer des informations, en mettre en ligne eux-mêmes, s’interpeller, se corriger, en somme, s’enrichir davantage les uns par les autres.
Si, dans la banque de données, on ne voit généralement qu’un espace de stockage et de sauvegarde des informations, elle constitue, au-delà de cet aspect, un champ
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Foussier (Frédéric), « SPIRIT : aide à la constitution de bases de données bibliographiques », in : Vuillemin (A.), dir., Les banques de données littéraires comparatistes et francophones, Idem.,p. 170-179 ; p. 177.
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d’investigation aussi riche que varié qui offre des opportunités impressionnantes à larecherche littéraire. D’une part, elle rend possible la réalisation en une brève durée d’un travail qui aurait été long et fastidieux manuellement ; d’autre part, elle permet laréalisation des travaux totalement inédits qui n’auraient pas pu se faire sans l’existence deces nouveaux terrains de recherche. En effet, le traitement digital des données qui y est fait offre des supports d’application opérationnels variés aux chercheurs. On peut mentionner, à titre d’exemples, les travaux de recension, de comparaison, de comptage, etc. De même, il est possible, par le biais d’une banque de données, d’approfondir la complexité d’une recherche. L’informatisation des données, dans ce cas, offrel’opportunité d’augmenter le nombre de critères de recherche (ou « filtres ») qui, dans lecas d’un catalogue de bibliothèque par exemple, peuvent dépasser la dizaine en mode « avancé ». En mode « normal », les logiciels permettent de plus en plus souvent les recherches multicritères. Ces modes d’interrogation, appelés systèmes de couplage et de co-occurrence14, rendent possible l’obtention des résultats «multicritères» pouvant conduire à l’identification de phénomènes encore inconnus. Aujourd’hui, la banque de données séduit par ailleurs par son effort d’organisation, car elle met à disposition des outils qui permettent à la fois de guider la lecture, de générer des nouveaux modesd’écriture et d’orienter plus amplement la recherche en littérature.
Chaque banque de données possède ses propres spécificités. Les références sont regroupées et sélectionnées selon des critères variables (auteurs, genres, zones géographiques, types de publications, langues, sources dépouillées, formes,organisations…), qui peuvent être activées en fonction des buts visés et des publicsauxquels les données sont destinées. En littérature, il existe plusieurs types de banques de données, mais trois catégories se dégagent comme les plus représentatives, à savoir :
- Les banques de données bibliographiques ;
- Les banques de données textuelles (texte « intégral » ou extraits) ;
Les banques de données factuelles qui fournissent de manière générale des données validées et analysées.
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Ce sont tous les deux, des paramètres qui peuvent être actionnés pour interroger une banque de données. Ils permettent de croiser en une seule demande plusieurs index afin d’obtenir des informations « multifacettes », provenant de « champs » distincts.
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Ces catégories présentent chacune une utilité bien définie. Néanmoins, les ressources numériques proposant les textes des œuvres restent jusqu’à présent les plus prisées, très certainement parce qu’elles permettent une très grande diversité de travaux de recherche, qui les utilisent en quelque sorte comme leur « terrain » privilégié. Dans cette catégorie, la plus ancienne est Trésor de la langue française, dont une mouture est devenue « Frantext » après de multiples modifications. Cette bibliothèque informatique est, à ce jour, l’un des plus grands projets de conception d’une banque de données pour la littérature française ; elle est la plus fournie, la plus complète et la plus exploitée dans ce domaine, ce qui lui confère une importance capitale. Frantext est un répertoire textuel presque exclusivement littéraire, qui couvre la période du XVIe au XXIe siècle. On yretrouve près de 3000 œuvres représentant plus d’un millier d’écrivains et près de 500éditeurs, des données qui sont en constante augmentation. Toutefois, les recherches dans cette banque de données ne peuvent répondre qu’à des critères syntaxiques, ainsi, la grande majorité des travaux de statistiques dans cette discipline s’en est servie comme corpus.
On retrouve par ailleurs les banques de données bibliographiques ; elles servent plus souvent à l’identification ainsi qu’à la localisation des ouvrages et des titres des périodiques. Cependant leur description documentaire est généralement sommaire, même si des efforts sont constamment fournis pour enrichir les données (par exemple, diverscatalogues de bibliothèque proposent aujourd’hui, pour les ouvrages récemment encodés, la couverture, la table des matières, parfois même une description du contenu) ou permettre à celui qui les consulte de les enrichir lui-même (des liens numériquespermettent alors de glisser vers d’autres répertoires, par exemple vers la biographie de l’auteur). Dans cette catégorie, l’activité principale est la consultation ainsi que laconstitution précise et efficace d’un corpus relatif à une thématique particulière, une période littéraire ou un auteur précis.
Depuis quelques décennies, la création des banques de données factuelles est soutenue. Dans cette catégorie, les plus en vue sont les dictionnaires électroniques, notamment, comme le Grand Robert, le Littré, l’Encyclopédia Universalis ainsi que leDictionnaire des œuvres littéraires qui sont disponibles en version électronique sur CD- ROM ou en accès direct sur la toile. Exemple d’un autre ordre : l’équipe de recherche deMaurice Gross a mis en place une banque de données qui fournit un ensemble de
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constructions syntaxiques pour chaque verbe 15. Enfin, il existe des banques de données plus complexes, qui peuvent rassembler des textes en plus de différents types d’informations, en particulier des images.
L’usage de la banque de données s’est répandu dans le monde des études de littérature. Au fil des années, son utilité ainsi que sa structure ont progressivement évolué. Elle n’est plus simplement un dispositif servant à emmagasiner des données ou encore un corpus approprié en vue de leur traitement sériel ou quantitatif (comme Frantext, base du dictionnaire intitulé Trésor de la langue française). Elle est aussi devenue un outil pédagogique de plus en plus sollicitée dans l’enseignement des matières littéraires au collège, au lycée ainsi que dans l’enseignement supérieur. L’exemple le plus marquantdans ce cas, est le vaste projet de « banque de données d’histoire littéraire » (BDHL) 16, lancé par Henri Béhar en 1985 avec pour objectif de créer un corpus approprié permettantd’enseigner différemment l’histoire littéraire. Cette banque de données a été conçue comme un support documentaire important qui offre (en principe) à tous la possibilité de réévaluer selon sa propre démarche l’histoire littéraire à partir de données fiables. Elle estutilisée à l’Université de Paris 3-Sorbonne Nouvelle.
Pour Henri Béhar, l’histoire littéraire reste un domaine englué dans la subjectivité de celui qui la conçoit et cette matière ne possédait jusqu’alors aucune publication capable de produire des informations très nombreuses et de diverse nature pour la reconstituer de façon solide. Aussi, la BDLH a été créée au moment où s’affirmait lanécessité de réinterroger l’histoire littéraire aussi bien dans la méthode employée que dans les analyses qui en découlent. Dans La littérature et son golem 17, il nous explique que, depuis Lanson et ses Méthodes de l’histoire littéraire (1925), cette discipline n’aplus connu d’avancées significatives ; or, elle n’est point figée. Son évolution s’enrichit largement avec d’autres notions, d’autres concepts et en répondant à d’autres nécessités.De ce fait, elle mérite à chaque étape une actualisation.
La mise en place d’un tel projet n’a pu se faire qu’à travers l’usage des supportstélématiques (pour leur espace de stockage important) qui ont pu englober toute la
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Nous n’avons pu trouver le lien de cette banque de données, elle n’est pas disponible en ligne.http://www.phalese.fr/bdhl/bdhl.php c. 16.06.2018
Béhar (Henri), La littérature et son golem. Paris : Honoré Champion, 1996.
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matière à traiter et ont rendu possible l’organisation coordonnée de toutes les données nécessaires. Cette nouvelle vision de la banque de données en littérature avait pour but principal de renouveler les pratiques de recherche mais aussi de rendre beaucoup plus vivantes les méthodes pédagogiques dans l’enseignement des littératures. Les informations dont elle se compose visent un très large public, aussi bien les étudiants que les amateurs de littérature, les journalistes, les historiens, etc. Elles permettraient à tout curieux ou à tout chercheur de pouvoir établir l’histoire littéraire selon ses proprescritères.
L’adoption de la banque de données dans les études littéraires au cours de ces dernières décennies a introduit de grands changements dans la création littéraire, dans la littérature en elle-même, mais surtout dans la recherche littéraire. On parle aujourd’hui delittérature générée par ordinateur18 et des méthodes statistiques et quantitativesappliquées à l’étude des textes, de l’histoire littéraire et de la vie littéraires, et, de manièregénérale, de l’instrumentalisation de l’informatique comme mode d’interrogation du texte et du fait littéraires. Notre travail de thèse emprunte cette démarche, celle de questionner la littérature – en l’occurrence francophone et subsaharienne – à partir des supports informatiques dont on se sert de plus en plus. Mais dans quelles conditions ?
La plupart des recherches littéraires analysent d’abord le texte, et sans recourir àdes méthodologies numériques ; effectivement, comme l’écrit Denis Saint-Jacques, « lalittérature est d’abord une affaire de texte, de structure linguistique et discursive, d’imaginaire et d’esthétique, toutes valeurs peu quantifiables à l’évidence. Le quantitatif,pourrait-on croire, n’a rien à voir avec le littéraire » 19. Et, de fait, toute recherche
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C’est une nouvelle forme de création littéraire induite par ordinateur. Elle consiste à produire des textes sous la forme de suites de caractères alphanumérisés, par le biais d’un clavier ou d’unscanner.
Saint-Jacques (Denis), « La bibliométrie : le cas du best-seller au Québec », in : Lintvelt (Jaap) ; Milot (Louise), dir., Le roman québécois depuis 1960 : méthodes et analyses, Sainte-Foy : Université Laval / CRELIQ, 1992, p. 285-295 ; p. 285.
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littéraire est presque par définition centrée sur le texte, qui est à la fois « son point de départ absolu et son aboutissement » 20.
Dans notre travail, nous ne dérogerons pas à ce principe. Certes, il n’interroge pas le texte comme unité, ni même son contenu verbal, thématique ou autre, mais bien son contexte de production, en tant qu’ensemble ayant permis l’existence même de ce texte parmi d’autres ; ceci, afin d’expliquer leur évolution et de comprendre les conditions qui organisent cet ensemble. Nous souhaitons donc, en quelque sorte, donner une « valeur quantifiable » à l’étude des textes. Aussi, sans remettre en question, parce que ce n’estpas notre objet, les tendances générales déjà établies de la critique des littératures francophones autrefois dites « négro-africaine » et aujourd’hui plus souvent qualifiées de« subsahariennes », il s’agira non de les réinterpréter en soi, dans leur textualité, maisd’en interpréter l’existence même, à partir d’analyses quantitatives, qui pourront permettre de confirmer ou de réviser ces tendances générales qui ont été basées surd’autres points de vue (la qualité stylistique, l’originalité thématique, l’engagement politique, etc., de chaque auteur et de chaque œuvre).
En parlant des études littéraires qui recourent à des méthodes quantitatives, Christine Ducoutieux dit comprendre « la répugnance de certains face à ces thèses dont le texte est émaillé de tableaux et de graphes [;] le plaisir de la lecture y est rarementsatisfait et l’œil s’agace… » 21. Afin d’éviter de tels embarras, nous avons jugé utile de présenter, au préalable, tant la méthode que le corpus que nous utiliserons dans ce travail. Cela permettra peut-être de prévenir tant bien que mal les appréhensions que certains pourront avoir à l’égard d’une thèse « émaillée de tableaux et graphiques ».
20
21
Ducourtieux (Christine), « Frantext ou comment l’envie de lire revient au bibliothécaire », in :Quedema(Bernard), dir., Frantext: autour d’une base de données textuelles. Paris: Didier Érudition, vol°2, 1992, p. 35-37 ; p. 36.
Ducourtieux (C.), « Frantext ou comment l’envie de lire revient au bibliothécaire », op.cit., p.35.18
3. Justification du corpus 22
Les analyses bibliométriques peuvent être effectuées à partir de données compilées manuellement; cependant, il est évidemment préférable qu’elles se basent sur l’utilisation des nouvelles mémoires numériques, à l’exemple de la banques de données qui offre un corpus beaucoup plus dense (variétés d’informations réunies sur un seulsupport) et plus facilement analysable du fait qu’elle soit entièrement informatisée, structurée en fonction des usages potentiels, au moyen d’indices qui permettent de les exploiter aisément. De plus, les données, bien qu’elles ne soient jamais entièrement complètes dans des domaines comme ceux qui nous occupent, peuvent davantages’approcher de l’exhaustivité dans une banque de données que dans d’autres systèmes deconservation. Par ailleurs, ce type de corpus offre une multitude d’opportunités aux recherches littéraires : elle permet l’exécution d’un très grand nombre de tâches mais aussi des interrogations complexes. Les études les plus en vue sont les études méthodiques des faits de langue établies par des procédures statistiques et numériques ; ce genre de travaux sont essentiellement élaborés dans le domaine de la linguistique, etc’est notamment le cas de la lexicométrie 23 ; dans cette catégorie, la plupart de ces analyses ont été effectuées sur la base de Frantext pour les domaines de langue française.
En littérature, l’analyse quantitative des données permet de réinterroger chaquemilieu littéraire sur le plan historique, sociologique, géographique et même de dresser un bilan de l’édition. Le rendu quantitatif des résultats dans ces études apporte plusd’objectivité aux représentations ; sans prétendre arriver à des certitudes absolues, elles donnent lieu à des observations dont la probabilité de vérité est toujours plus grande. Ainsi, toute interprétation qui s’appuie sur cette démarche, possède un caractère plus « objectif », ce qui est un apport non négligeable dans les domaines littéraires.
En prenant appui sur cette méthode, de nombreux travaux ont pu être menés, avec pour objectif de questionner l’évolution historique de la production quantitative du livreaussi bien que d’autres types imprimés littéraires, voire même non-littéraires. La thèse de
22
23
Nous utilisons le terme dans le sens d’« ensemble de données exploitables dans une expérience d’analyse ou de recherche automatique d’informations » ; http://www.cnrtl.fr/definition/corpus - c. 06.2018.
Partie de la linguistique qui étudie statistiquement l’emploi des mots.
19
Robert Estivals, intitulée La Bibliométrie bibliographique24, en est un exemple marquant. Cette étude est à la fois l’une des plus significatives selon nous, et l’une desplus vastes analyses bibliométriques portant sur les bibliographies européennes. Grâce à une méthode bibliométrique (donc quantitative), cet auteur met en lumière l’influence des facteurs socio-historiques et même démographiques sur les fluctuations de la production du livre et d’autres imprimés en Europe. Partant de là, il a consacré, par la suite,l’ensemble de son œuvre à la question des méthodes quantitatives pour l’analyse de laproduction écrite et livresque.
En mai 1989, un colloque organisé par la Bibliothèque nationale de France et la Société des Études romantiques a donné lieu à d’intéressantes publications sur la quantification des œuvres de quelques auteurs français, relevant de plusieurs genres littéraires. Selon Guy Rosa, cette manifestation est d’une importance capitale pourl’histoire littéraire quantitative qui, à cette époque, n’était encore qu’un «savoir naissant ». Pour cette rencontre, cette auteure s’est intéressée à l’œuvre de Victor Hugodans une communication intitulée : « Quot libras in duce ? L’édition des œuvres de Hugo1870-1885 » 25. Sur la base d’une bibliométrie comparative, elle a pu mettre en évidence les variations éditoriales hugoliennes à partir de différents corpus dont les déclarationsd’imprimeurs, les registres du dépôt légal, la Bibliographie de la France, ainsi que le Catalogue des imprimés de la Bibliothèque Nationale. Lors de cette même manifestation, Stéphane Vachon, dans sa communication intitulée : « Balzac en feuilletons et en livres.Quantification d’une production romanesque 26 », retrace l’évolution quantitative de la production et de l’édition romanesques balzaciennes à partir des données de la Bibliographie de la France. Les actes de ce colloque ont été publiés sous le titre significatif de Mesure(s) du livre, sous la direction d’Alain Vaillant.
En marge de ce colloque, d’autres publications ont exploité des corpus littéraires à partir de démarches quantitatives ou bibliométriques. Guy Rosa, dans une autre étude
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25
26
Estivals (Robert), La Bibliométrie bibliographique. Thèse de doctorat en Sciences de l’informationet de la communication, Université de Paris 1, sous la direction de Pierre Vilar : Service de reproduction des thèses de Lille 3, 1971.
Rosa (Guy), « Quot libras in duce ? L’édition des œuvres d’Hugo 1870-1885 », in : Vaillant (A.), dir., Mesure(s) du livre. Paris : Bibliothèque Nationale, 1992, p. 223-256.
Vachon (Stéphane), « Balzac en feuilletons et en livre. Quantification d’une productionromanesque. », in : Vailliant (A.), dir., Mesure(s) du livre, op. cit., p. 257-287.
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intitulée « Le peuple des poètes : étude bibliométrique de la poésie populaire de 1870 à 1880 » 27, étudie l’évolution de la production de la poésie populaire durant une décennie du XIXe siècle. Cette analyse conçue à partir de la Bibliographie de la France, retrace surla base d’une série de quantifications, l’ensemble des phénomènes éditoriaux et la typologie des auteurs qui ont publié de la poésie durant ces années. Alain Vaillant, dans un article qui reprend le titre « Mesure de la littérature » 28, élargit amplement le champd’investigation en s’intéressant à la production littéraire française dans son ensemble. Dans cet article, il rend compte des différents aspects de la production littéraire française du XIXème au XXème siècle, aussi bien dans ses formes génériques que dans ses pratiques esthétiques, en s’appuyant sur les analyses bibliométriques permises par la Bibliographie de la France (BF).
D’autres travaux incluant les méthodes bibliométriques ou, plus généralement, quantitatives ont été faits à propos de la littérature québécoise et de la littérature francophone belge. Sur la base des lectures faites lors de nos recherches, les plus représentatifs sont ceux de Björn-Olav Dozo 29 pour le cas de la littérature francophone belge et ceux de Jacques Michon 30 dans le cadre de la littérature québécoise.
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28
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30
Rosa (G.), « Le peuple des poètes, Étude bibliométrique de la poésie populaire de 1870 à 1880 »,in : Romantisme, n°80, « L’édition populaire », 1993, p. 21-55. [En ligne]http://www.gstatic.com/generate_204 .
Vaillant (A.), « Mesure de la littérature », in : Triaire (Sylvie), Planté (Christine) et Vaillant (A.), dir., Féminin / Masculin : écritures et représentations. Montpellier : Presses universitaires de la Méditerranée, 2003, p. 187-202. [En ligne] https://books.openedition.org/pulm/817?lang=fr .
Dozo (Björn-Olav), Mesures de l’écrivain, Liège : Presses Universitaires de Liège, 2011, et La vie littéraire à la toise, Bruxelles : Le cri édition, 2010. Les deux ouvrages ont pour corpus la base dedonnées du Collectif Interuniversitaire d’Étude du Littéraire (CIEL). Ces travaux sont axés sur l’étude quantitatif et sériel de la population d’écrivains francophones belges. En interrogeantdifférents paramètres, il y retrace la constitution de ce « personnel littéraire » à travers plusieurs cycles périodiques.
Michon (Jacques), a formé en 1982, une équipe qui a travaillé des années durant sur l’histoire de l’édition littéraire québécoise. Il a dirigé un ouvrage en trois volumes, qui est paru sous le titre deHistoire littéraire du Québec au XXe siècle, Québec : Fides, 1999- 2004- 2010. Les textes proposés dans ce cas, se basent sur différents outils notamment : les catalogues et banques de données bibliographiques. Plusieurs autres travaux menés dans ce cadre, sont disponibles sur le site https://www.usherbrooke.ca/grelq/ .
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Deux thèses dirigées par Robert Estivals ont enrichi ce corpus spécifique. Lapremière s’intitule Le livre scolaire au Congo des origines à 1985 : étude bibliométriquedes livres destinées à l’enseignement primaire 31. Sur la base d’une bibliométrie, cette étude retrace l’évolution de la production et la diffusion du livre scolaire au Congo tout en détaillant le modèle bibliologique propre à ce contexte. La seconde thèse, intitulée La production des imprimés non périodiques au Liban, de 1733 à 1920 32, permet de saisirl’importante influence du contexte socio-politique sur les flux de production des imprimées périodiques au Liban.
Qu’en est-il des travaux bibliométriques effectués sur un corpus littéraire négro- africain ? Ils sont loin d’être inexistants ; ainsi, dans Littératures d’Afrique noire, un tableau quantitatif établi par Robert Cornevin présente l’ensemble des livres d’auteursafricains publiés entre 1954 et 1965.
Tableau 1 : Livres d’auteurs africains subsahariens publiés en français (1954-1965) 33
Année |
Nombre de livres |
Édités par Présence Africaine |
1954 |
17 |
2 |
1955 |
15 |
3 |
1956 |
18 |
3 |
1957 |
19 |
2 |
1958 |
14 |
6 |
1959 |
22 |
7 |
1960 |
22 |
7 |
1961 |
22 |
5 |
1962 |
26 |
8 |
1963 |
28 |
8 |
31
32
33
Ossété, (Jacques), Le livre scolaire au Congo des origines à 1985 : étude bibliométrique des livresdestinés à l’enseignement primaire. Thèse de doctorat en Science de l’information et de la communication, sous la direction de Robert Estivals, Université de Bordeaux 3, 1992.
Bostany (Jouma), La production des imprimés non périodiques au Liban de 1733 à 1920. Thèse dedoctorat en Science de l’information et de la communication, sous la direction de Robert Estivals, Université de Bordeaux 3, 1997.
Tableau tiré à des fins d’illustration, in : Cornevin (Robert), Littératures d’Afrique noire de langue française. Paris : Presses universitaires de France, 1976, p. 25.
22
1964 |
30 |
6 |
1965 |
22 |
7 |
255 |
64 |
Ce tableau est la première analyse quantitative faite sur la base d’un corpuslittéraire francophone subsaharien. En 1992, Françoise Cévaër, dans sa thèse intitulée :Littératures d’Afrique noire : les conditions de production et de circulation du livre de 1960 à nos jours 34, propose une analyse de la production littéraire livresque (de 1960 à1992) sur la base de quantifications établies à partir des données concernant la production livresque fournies par l’UNESCO. En s’appuyant sur ces statistiques, elle a pumesurer l’impact des bouleversements socio-historiques et les transformations des conditions matérielles de la production du livre sur l’évolution de cette littérature, mais aussi, sur celle de ses consécrations successives.
Dans une approche assez similaire, Claire Ducournau, dans son ouvrage récent intitulé : La Fabrique des classiques africains 35, croise les analyses bibliométrique 36, prosopographique37 et ethnographique pour interroger, aussi bien, les conditions de
34
35 36 37
Cévaër (Françoise), Littératures d’Afrique noire : les conditions de production et de circulation du livre de 1960 à nos jours, Thèse de doctorat, culture et communication, sous la direction de Claude Filteau, Paris 13, 1993, Lille, A.n.r.t, 1993.
Ducournau (Claire), La Fabrique des classiques africains. Paris : CNRS Éditions, 2017.
Son analyse bibliométrique a été faite à partir de la banque de données LITAF.
Nous citons l’auteur elle-même en référence pour expliciter l’usage de cette méthodeprosopographique dans son travail: «Nous avons d’abord constitué une base de donnéesprosopographique. À partir de sources diversifiées, des informations biographiques ont été collectées sur des écrivains originaires d’Afrique subsaharienne francophone en activité entre 1983 et 2008. La population a été définie autour d’un double critère : une socialisation précoce et/oudurable dans l’un des dix-huit pays d’Afrique subsaharienne continentale en situation de diglossie, où le français est en position de langue haute ; et une reconnaissance minimale en tant qu’écrivain,attestée par la présence sur au moins deux listes de visibilité littéraire, selon une méthode utilisée en sociologie de l’art et de la littérature. Le respect de ces critères a permis de former unepopulation de référence de 404 écrivains. Une population restreinte de 151 auteurs plus reconnus,présents quant à eux sur au moins six listes de visibilité littéraire. C’est sur ce groupe qu’ont portéles analyses les plus approfondies : saisie détaillée des informations biographiques, codage de 101 variables, suivi de leur traitement statistique, visant à mieux connaître les caractéristiques sociales, géographiques, mais aussi génériques et éditoriales de ces écrivains ». p. 25-26.
23
production, de publication, de réception et de consécration des écrivains francophonesd’Afrique subsaharienne au cours de la période allant de 1960 à 2012. Dans cette analyse, elle a pu mettre en lumière l’ensemble des éléments structurels qui conditionnent l’entréeou encore la réception de ces auteurs et de leurs œuvres sur la scène littéraire internationale.
Ces trois études sont, à notre connaissance, les seules à avoir interrogé le domaine littéraire subsaharien francophone au moyen de méthodes quantitatives.
La quasi-totalité des travaux de bibliométrie reposent sur des banques de données concernant la littérature française ou d’autres ensembles francophones. Le corpus littéraire subsaharien dans son ensemble n’a pas encore véritablement fait l’objet d’uneexploitation quantitative ou bibliométrique. Or, il existe des supports permettant de tels traitements depuis plusieurs années.
En effet, le développement de la littérature comparée et la mise en place du réseau des « Littératures francophones » de l’AUPELF-UREF 38, avec l’aide de plusieurs centres de recherche, ont permis la création, dans un premier temps, d’un disque compactdocumentaire en langue française : Orphée. Volume 1 39, axé sur les littératures francophones Dans un second temps, plusieurs banques de données se sont intéressées aux littératures issues des milieux francophones notamment : Littératures africaines francophones (LITAF), Littératures maghrébines (LIMAG) et Littératures de l’OcéanIndien (LITOI) qui sont, jusqu’à présent, les plus connues et les plus dynamiques. Toutesles trois regorgent d’immenses données bibliographiques. Malgré cela, elles n’ont pas encore fait l’objet d’une étude scientifique approfondie qui pourrait traduire leurimportance dans le domaine des littératures écrites en langue française. Il serait dommage de ne pas les exploiter, car l’analyse quantitative de ces données peut apporter un
38
39
AUPELF-UREF : Association des Universités Partiellement ou Entièrement de Langue Française – Université des Réseaux d’Expression Française.
C’est un disque compact documentaire qui a été présenté ouvertement le 16 octobre 1993, lors d’un sommet réunissant des chefs d’États des pays francophones, qui avait eu lieu à l’Ile Maurice.À cette période, il réunissait environ 30 000 notices bibliographiques axées sur les littératuresd’expression française issues de trois espaces dont : l’Afrique subsaharienne, le Maghreb et l’Océan Indien.
24
éclairage significatif sur l’histoire des littératures francophones aussi bien que surl’histoire littéraire générale.
Selon Gustave Lanson, qui pense certes davantage aux relations entre les régions etla nation françaises, il faut se représenter l’histoire littéraire d’un point de vue inclusif :
L’histoire générale de la littérature française et francophone se préciserait et se compléterait par ces travaux d’histoire locale, qui seraient faits à l’aide des ressources de chaque région, ville ou province où la vie nationale apparaîtrait 40.
Or, les outils numériques permettent désormais ces perspectives incluantes, en laissant la possibilité, en activant les filtres appropriés, de n’observer qu’une partie ou plusieursincluses dans l’ensemble plus vaste.
Nous avons choisi comme corpus principal la banque de données LITAF(Littératures Africaines Francophones), afin de faire porter les méthodes quantitatives surun corpus qu’elles n’ont pas encore totalement exploité ; ceci, avec pour objectif final de mesurer, à partir de ce corpus, la production littéraire, et plus généralement écrite 41 en Afrique francophone subsaharienne et d’en faire ressortir les spécificités. Pour y parvenir, nous nous sommes livrées à une série d’interrogations formulées à partir des possibilités que nous offrait le paramétrage de la banque de données ; cette série trace en quelque sorte le cheminement qui sera emprunté pour le développement de nos analyses.
40 Lanson (Gustave), cité par Baldensperger (Fernand), in : Études d’histoires littéraire 4e série,Paris : Hachette, 1939, p. 34.
41
Nous entendrons toujours le mot littérature, conformément à l’étymologie, en référence auxproductions écrites, et, en ce cas, imprimées. Nous y incluons donc les textes retranscrits ouadaptés, sous forme écrite, à partir de l’orature (le CNRTL ne connaît ni « orature » provenant del’anglais, ni « oraliture », inventé à partir de « littérature », ni même le paradoxal mais très fréquent « littérature orale » ; http://www.cnrtl.fr/ - 17.06.2018).
25
4. Problématique
La problématique centrale de ce travail consiste à démontrer l’importance d’uneapproche bibliométrique pour l’étude de l’histoire littéraire subsaharienne francophone. Quelles analyses, se demandera-t-on, peuvent découler de cette approche numérique ? Quelle évolution générale de la littérature subsaharienne francophone peut-on observer sur cette base ? Quels sont les évolutions et les tendances qui s’en dégagent ? Que nous apprennent les quantifications quant à la question des genres ? quant à leurs évolutions ? quant à leur hiérarchisation ?
La littérature subsaharienne francophone est souvent présentée comme un ensemble, mais il existe des disparités nationales et chaque pays possède des conditions de production littéraire propres, que l’on se propose d’examiner de façon quantitative.Quelle est la part relative de la production de chaque pays ? Quels sont les grands foyers de production littéraire en Afrique francophone subsaharienne ? En outre, le volume de production littéraire est-il en lien direct avec les autres aspects de l’évolution nationale, par exemple le poids démographique de chaque État ?
Depuis son émergence, la littérature subsaharienne francophone repose sur des structures éditoriales qui régulent sa production. Nous nous proposons d’en prendre la mesure afin de déterminer les plus prolifiques et de quantifier par ailleurs la part relative de l’édition des genres littéraires. En somme, la bibliométrie nous permettra d’envisager l’histoire littéraire d’un nouveau point de vue, basé sur des calculs numériques. Dans cette perspective, nous nous posons la question de savoir si l’usage de la bibliométrique permet réellement de consolider l’histoire littéraire déjà établie. Cette question en amèneune autre, celle de savoir si l’usage de cette méthode permet de faire émerger des aspects encore méconnus de cette littérature.
Telles sont les interrogations auxquelles nous tenterons d’apporter des réponsesdans cette thèse. Le choix d’une stratégie de recherche ne peut être opéré qu’en fonctiond’objectifs bien définis : ici, la méthode bibliométrique incluant le traitement statistique des données. Cependant, devant le risque de confusion que présentent le mot statistique et les dénombrements auxquels il renvoie par définition, il nous paraît nécessaired’expliquer les principes de cette méthode et d’éclairer son application dans cette étude.
26
5. Questionnements méthodologiques
Les prémisses de la bibliométrique remontent au début du XXe siècle. Cependant, ilest difficile jusqu’à présent de cerner exactement cette méthode. Aujourd’hui encore, elle est très certainement en train d’être expérimentée, car il en existe plusieurs tendances, et ce tâtonnement incessant complexifie sa caractérisation. C’est pourquoi il est important de rappeler au préalable les étapes de son développement, et les outils mis en œuvre pourson application, afin de délimiter l’usage que nous en ferons dans cette thèse. Pour ce faire, il est essentiel de remonter le cours de son histoire.
La bibliométrie a évolué de manière discontinue: plusieurs études se sont succédées pour parvenir à une méthode plus complète. Les analyses considérées comme pionnières dans cette démarche sont celles de Cole et Eales 42, réalisées en 1917. Elles avaient un double but : celui d’inventorier toute la production scientifique portant surl’anatomie entre 1850 et 1860 et, par la suite, celui de retracer son évolution thématiqueen mettant en relief les variations des intérêts scientifiques durant ces années. Une décennie après, Gross et Gross 43 réorientèrent son application en décidant, cette fois,d’évaluer exclusivement les citations insérées dans des travaux scientifiques publiés dansdes revues ayant un intérêt pour la chimie. Cette quantification a permis d’établir, d’une part, une hiérarchisation de ces périodiques selon la richesse de leurs contenus et, d’autre part, de tirer de ce lot, les travaux incontournables pour la discipline. Quelques années plus tard, en 1934 plus exactement, un bibliothécaire britannique du nom de Samuel Bradford 44 modélisa, à l’aide d’une démarche mathématique, la répartition des journaux selon leur capacité à représenter un domaine scientifique. Il créa ainsi une méthodesimple d’organisation de la documentation, appelée la « bibliothéconomie », qui fut trèsbénéfique aux bibliothécaires. Cette nouvelle technique de classification des documents permit, entre autres, l’amélioration de la gestion économique des bibliothèques.
42
43
44
Eales (Nellie, Barbara); Cole (Francis, Joseph), « The History of comparative anatomy: Part 1- a statistical analysis of literature », in: Science Progress, vol°11, n°44, 1917, p. 578-596.
Gross (Paul); Gross (Michael), « College Libraries and chemical education. », in: Science, vol° 66, 1927, p. 1229-1234.
Bradford (Samuel), « Sources of information on specific subjects. », in: Engineering, vol°137, 1934, p. 137-150.
27
La même année, Paul Otlet consacra un chapitre de son Traité de la documentation, le livre sur le livre, théories et pratiques 45 à la question de la mesure du livre et d’autresdocuments écrits : c’est une thématique sur laquelle il a axé, par la suite, l’ensemble deson œuvre. P. Otlet a établi une ligne de démarcation entre la simple conservation des supports documentaires, exclusivement réservée aux bibliothécaires, et une autre science donnant la priorité à l’analyse de leur contenu typographique et paratextuel. Ces éléments longtemps marginalisés ont suscité plus d’intérêt, en rendant en même temps possible la description minutieuse de tout document et la mesure de son importance relative. Dans sa démarche, il est nécessaire, au préalable, de détacher dans et à propos de chaque document un certain nombre de données considérées comme des indices quantifiables. Ce procédé a donné naissance à l’«infométrie», qui se définit comme un traitement mathématique et statistique des indices paratextuels et typographiques des documents. Cette nouvelle méthode, durant le milieu du XXe siècle, a énormément servi pour jauger toute la production littéraire scientifique et technique. L’infométrie n’est pas restée figéedans son application, et c’est de son usage continu qu’est née la bibliométrie.
Contrairement à l’infométrie dont l’application est restée plus centrée sur les sciences et techniques, la bibliométrie s’est adaptée à une plus large variété d’usages. Sonapplication s’étend à des données plus hétérogènes, à la fois humaines, économiques, livresques etc. Néanmoins, telle l’infométrie, son application à ses débuts n’a pu se faire qu’au moyen d’un usage important de la mathématique et de la statistique, la rendant très complexe. Il a fallu attendre les années 1960, afin que Solla Price 46 puisse mettre en place une application plus accessible de la bibliométrie, faisant abstraction à la « statistique selon la rigueur mathématique exigée » 47. Cette adaptation a donné la possibilité à tous les domaines scientifiques, notamment aux sciences humaines et sociales, de pourvoir user de la méthode bibliométrique pour l’évaluation de leur propre domaine.
45
46 47
Otlet (Paul), Traité de documentation. Le livre sur le livre. Théorie et pratique. Bruxelles : Éditions du Mundaneum, 1934.
Price (Solla), Little science, big science, New York: Columbia, 1963.
Rostaing (Hervé), La bibliométrie et ses techniques, Toulouse/ Marseille : Éditions Sciences de la Société/Centre de Recherche Rétrospective de Marseille, 1996, p. 23.
28
Initialement, la bibliométrie est : « un terme générique qui rassemble une série de techniques statistiques cherchant à quantifier les processus de la communication écrite » 48. Cependant, chaque discipline possède des caractéristiques et des pratiques propres qui affectent différemment ses conditions d’application. Dans les scienceshumaines en général, le rôle important joué par le livre rend l’usage de la bibliométrieparticulièrement délicat. Dans ce cadre, elle se base essentiellement sur le dénombrement du support imprimé en augmentation continue, dans le but d’en mesurer les fluctuations continuelles. En littérature aussi, l’unité de compte est livresque ou textuelle, toutefois la bibliométrie littéraire, telle qu’on souhaite l’employer ici, se basera aussi sur les indices signalétiques émanant de ces supports.
Selon Robert Estivals, les indices signalétiques, ce qu’il nomme plus exactement la« bibliographie signalétique », permet de « mesurer l’objet écrit dans sa matérialité ». Il propose ainsi une catégorisation qui permet de les identifier aisément. Cette catégorisation se compose de différents indices, dont :
les indices de support (poids, volume, feuille, page) ; les indices de signes phonétiques (caractère, mot, ligne), ou idéographiques (schémas, estampes, gravures etc.) ; ceux des procédés de fixation (manuscrit, imprimé, film etc.) et des sous-systèmes de communication (livre, périodique, etc.) ; les indices de reproduction (exemplaires, produits, achetés, conservés, prêtés; de réimpressions, des rééditions, etc.) 49
Tous servent à classifier ou encore à catégoriser le document écrit. Mais surtout, ce sont des indices déterminants qui permettent d’accéder aussi, aux circonstances de leur production, de leur diffusion, ou encore de leur consommation.
Notre propre démarche bibliométrique consistera à juxtaposer les données statistiques aux données signalétiques en vue d’obtenir des indicateurs précis quiserviront d’appui à notre analyse, et finalement de poser les bases d’histoire quantitative de la littérature subsaharienne francophone.
48
Estivals (R.), « Bibliométrie et bibliologie (histoire, sociologie et prévisions intellectuelles) », in : Estivals (R.), Meyriat (Jean), Richaudeau (François), dir., Les sciences de l’écrit ; Encyclopédie internationale de la bibliologie. Paris : Éditions du Retz, 1993, p. 66-75 ; p. 66.
49
p. 73.
Estivals (R.), Bibliométrie et bibliologie (histoire, sociologie et prévisions intellectuelles), art. cit.,
29
Selon Alain Vaillant,
[l’]histoire quantitative joue le même rôle que les données expérimentales dansles sciences physiques : elle sert à infirmer et à confirmer les hypothèses, donc à dépasser le niveau de l’observation extérieure, grâce à un constant-va-et-vient entre les phénomènes envisagés et les abstractions statistiques 50.
On peut comprendre, à la lecture de cet extrait, qu’un travail d’histoire littéraire quantitative, telle qu’on l’envisage ici, ne saurait se réduire « au simple plaisir de compter ». Cela nécessite d’aller au-delà de ces constats pour rechercher des justificationsà partir d’autres faits. Pour rendre cette réalité plus évidente, nous avons esquissé unschéma qui présente et résume à la fois la procédure à suivre dans ce cadre :
Données Quantification Interprétation
Les méthodes bibliométriques, de manière générale, ont trois fonctions, à savoir : une fonction descriptive, une fonction évaluative et une fonction de veille. Dans ce travail, nous utiliserons essentiellement la fonction descriptive, car elle correspond le mieux à notre projet. Notre démarche consistera à effectuer le décompte du nombre des indexations et publications ayant telle ou telle caractéristique, et/ou appartenant à telle ou telle rubrique de classification ; elle consistera également à mesurer l’activité littéraire d’un auteur, d’un pays, d’une période littéraire voire d’une maison d’édition. Les outils statistiques employés seront simples (des courbes, des calculs d’indices et des moyennesmobiles).
6. Organisation
Cette thèse s’articulera autour de cinq grandes orientations, celles que nous avons suivies pour exploiter cette banque de données, et s’organise par conséquent en autant dechapitres.
Le premier chapitre, intitulé « LITAF : fondements, évolutions et perspectives », est une présentation détaillée du corpus. Il retrace l’historique de cette banque de données,
50
Vaillant (A.), « Mesure de la littérature », art. cit., p.192.
30
depuis sa création jusqu’à nos jours ; il en explique les fondements, les composantes et les enjeux actuels.
Notre deuxième chapitre s’intitule « Évolutions séculaires de la production écrite ». Il dressera un état des lieux global et quantifié de toutes les références accumulées dans LITAF. L’objectif de ce chapitre est de rendre compte des fluctuations de la production écrite durant ces différentes phases historiques, dans le but de faire ressortir les conditions de production propres à chacune de ces périodes.
Le troisième chapitre, « Bibliométries génériques », s’intéressera aux catégorisations. Nous analyserons, dans cette partie, la production relative des différentes formes génériques et catégories littéraires, afin d’établir, d’abord, une hiérarchie des catégories textuelles qui se basera sur leur volume de production, et, ensuite, afin de suivre comparativement ou distinctement leur évolution dans le temps (en nousconcentrant sur certains d’entre eux).
Notre quatrième chapitre, intitulé «Analyses comparatives des productions nationales », portera sur les productions littéraires nationales. Il s’agira de mesurer le niveau de production globale ainsi que celui des grandes catégories génériques de chaque pays concerné pour en faire une analyse comparative. L’objectif est d’identifier les grands foyers de production littéraire, et, sur cette base, d’interroger chaque contexte national de production.
Le dernier chapitre – « Mesure de l’édition littéraire » – porte essentiellement surl’édition. Nous tenterons d’y construire une histoire quantitative de l’édition de la production littéraire de l’Afrique francophone subsaharienne. Ce chapitre nous permettra de mesurer l’activité de plusieurs éditeurs, dans le but de les classer par niveau deproduction et de saisir l’influence de chacune de ces structures sur la production généralede cette littérature. Il sera par ailleurs question d’évaluer l’édition des catégories génériques les plus importantes (numériquement).
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Chapitre 1.
LITAF : fondements, évolutions et perspectives
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L’usage de la banque de données en France s’est étendu, depuis la fin du siècle dernier, au domaine de la littérature et de la recherche littéraire. Autre évolution durant ces dernières décennies : la recherche littéraire en France a pris une nouvelle direction ens’intéressant de plus en plus aux littératures étrangères écrites en langue française. En 1989, un réseau nommé « Littératures francophones » 51, coordonné dès sa création par Jean-Louis Joubert, a été spécialement conçu dans cette perspective. Ses principales missions étaient, d’une part, de favoriser les échanges entre les différents instituts derecherches et des départements d’études françaises des universités membres de l’AUPELF 52, et, d’autre part, de rassembler les moyens matériels et de mobiliser les ressources humaines nécessaires pour dresser un inventaire exhaustif de la production littéraire francophone aussi bien écrite qu’orale. Ce programme avait pour objectif final la création de plusieurs banques de données consacrées aux littératures francophones del’Afrique, du Maghreb et de l’Océan Indien, car ces « espaces » littéraires 53 n’enpossédaient pas encore à cette période.
Il est nécessaire d’ouvrir ici une brève parenthèse pour expliquer que le sens del’adjectif « francophone » est en réalité double, ou triple : d’abord, il désigne l’ensembledes pays de langue française (nous ne nous intéressons pas ici aux différences de statut du français dans les différents pays), y compris la France qui participe de manière
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52
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Ce réseau a été, au départ, constitué par des équipes de recherches allemandes, camerounaises, françaises, congolaises, sénégalaises, libanaises, hollandaises et américaines, et s’est largementétendu par la suite.
C’est l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française, association àla fois internationale et non gouvernementale. Elle fut créée en 1961 à Montréal. Depuis 1987, elles’est dotée d’un réseau regroupant plusieurs universités et autres établissements d’enseignementsupérieur qui utilisent la langue française.
Nous utilisons à dessein le terme très vague d’espace littéraire, en sachant que la notion de champ littéraire (dans le cadre des approches en sociologie de la littérature) serait certes plus rigoureuse.Mais il nous faut partir de la réalité d’un domaine qui s’est structuré sur la base d’appellationsconventionnelles plus politiques que critiques, et peut-être à dessein ambiguës : sur quelle base objective, par exemple, admet-on de classer un écrivain comme Henri Lopes comme un auteur du Congo-Brazzaville ? Il a certes exercé des responsabilités politiques dans et pour ce pays, mais iln’en est pas moins né à Kinshasa, son père avait la nationalité belge et il a vécu en France la plus grande partie de sa vie. Le fait est qu’il y a de l’arbitraire dans ce genre de classements, mais nousconsidérons que ces derniers sont des donnés.
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importante à ces institutions (ACCT 54, OIF 55, AUF56 , RFI 57 principalement), dont le siègeprincipal est d’ailleurs à Paris ; dans un second sens, qui ne nous intéresse pas ici,l’appellation désigne comme « francophones » les pays non français de cet ensemble ; enfin, dans une troisième acception, officieuse mais correspondant à un usage pratique structurant, « francophone » désigne les pays « du Sud » où le français est « en partage ». Ceux-ci forment en effet un sous-ensemble défini en partie par l’histoire coloniale de la France, et inséparablement par l’histoire des indépendances et par des structures socio- économiques et politiques issues de ces deux épisodes historiques, ainsi que par des structures culturelles et identitaires : toutes ces caractéristiques présentent nombre de points communs les différenciant des pays du « Nord » : Belgique, Suisse, Canada, Luxembourg. D’un autre point de vue, les différences de moyens budgétaires expliquentlargement l’existence pratique du sous-ensemble « Sud », le plus souvent demandeur de moyens à la structure commune, financée en grande partie par le sous-ensemble « Nord ».Certes, cette division en hémisphères n’est qu’officieuse, mais elle a des conséquencespratiques, comme la subvention par l’AUF, par exemple, de voyages Sud<–>Sud et Sud–>Nord, et non de voyages Nord–>Sud. Tout ceci explique pourquoi les littératures dites « francophones » sont à comprendre généralement ici, dans le troisième sens, comme les littératures relatives aux Pays du Sud appartenant au grand ensemble « francophone » celui-ci correspondant aux deux premiers sens du mot.
Le recensement des travaux bibliographiques consacrés aux littératures francophones, tout « espace » (du Sud) confondu, a été établi sous l’égide du réseauAUPELF-UREF 58 dont la contribution financière et matérielle a conféré plus d’envergure au
54
55 56
57 58
Agence de coopération culturelle et technique, qui est devenue l’Agence intergouvernementale dela francophonie (AIF) en 1996 et a intégré l’OIF en 2006.
Organisation internationale de la francophonie.
L’Agence Universitaire de la francophonie. C’est une association créée dans les années 1970. Ellerassemble plusieurs universités et grandes écoles en plus de nombreux réseaux universitaires et centres de recherche scientifique situés partout à travers le monde, ayant pour dénominateur commun est l’usage de la langue française. Son but est de créer plus de solidarité et d’engagementdans le développement de la francophonie. Cette agence a largement soutenu la création desbanques de données littéraires en lien avec des espaces francophones d’Afrique et d’Océan Indien.
Radio France Internationale.
C’est l’Association des universités partiellement ou entièrement de langue française et à la fois uneassociation internationale non gouvernementale. Elle fut créée en 1961 à Montréal. Depuis 1987,
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projet. Il avait pour but d’unifier en un seul ensemble des bibliographies relatives à chaque « espace » littéraire francophone, déjà élaborées ou étant en cours d’élaboration. Les anthologies et les dictionnaires portant sur la littérature francophone d’Afrique noire, du Maghreb et de l’Océan Indien ont été les ouvrages les plus exploités dans ce cadre.L’issue de ce projet a conduit à la mise en place de plusieurs banques de données en littérature francophone.
Le lancement initial du projet s’est fait lors de deux journées d’études internationales portant sur «La bibliographie et documentation sur les littératures francophones », organisées à Sèvres le 12 et 13 janvier 1989. Le principal enjeu de cesrencontres a été de rendre compte de l’urgente nécessité d’établir des bibliographiesinformatiques pour les milieux littéraires francophones qui accusaient un retard important en matière de développement informatique ; ceci supposait de dynamiser la collecte des données bibliographiques ainsi que la recherche dans ces domaines.
Cette idée s’est par la suite matérialisée, lors d’une nouvelle journée d’étude sur « Les banques de données littéraires, comparatistes et francophones », organisée en Sorbonne le 28 septembre 1989. Elle a été l’occasion de présenter les premièresmaquettes bibliographiques qui étaient en train d’être constituées dans ce sens, maquettesqui permettaient de mesurer la faisabilité d’une telle démarche sur le plan technique. Le disque documentaire Orphée 59 a été la première tentative de schématisation du projet en question. Les résultats plus concrets sont arrivés quelques années plus tard, sous la forme de trois importantes banques de données bibliographiques : Littératures maghrébines (LIMAG) 60, Littératures africaines francophones (LITAF) et Littératures d’Océan Indien
elle s’est dotée d’un réseau regroupant plusieurs universités et autres établissements d’enseignement supérieur qui utilise la langue française.
- 59 Disque compact documentaire, fait en plusieurs volumes dont le premier réunissait 30 000 références bibliographiques sur les littératures d’Afrique, du Maghreb et de l’Océan Indien. Lamaquette de la Bibliographie de littérature comparée (BCL) y était aussi incluse.
- 60 Limag est une banque de données sur les littératures maghrébines. Réalisée par la Coordination
Internationale des chercheurs sur les littératures du Maghreb (CICLIM) sous la direction de Charles Bonn (Université de Lyon2). Cette banque de données recense les livres, des thèses, des articles sur cette littérature. Elle recense également des adresses, des bibliographies et documents en texte intégral. Cette banque de données a été conçue pour un usage public et scientifique. Elle a cessé ses mises à jours depuis 2015.
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(LITOI) 61. Toutes les trois ont été créées sous une forme sommaire ; elles ont par la suite été renouvelées et développées afin d’atteindre un niveau de compétitivité adaptée auxexigences modernes. Aujourd’hui, LIMAG a arrêté ses mises à jour depuis fin 2015,LITOI n’est pas disponible en ligne.
La création de ces bibliographies informatiques a permis en quelque sorte de donner une orientation générale pour la faisabilité d’autres projets de ce genre. En effet, ces trois banques de données peuvent désormais servir de référence pour la constitutiond’autres dispositifs similaires. Ils pourront être développés en s’appuyant sur l’expérienceacquise par ces dernières : la structure de base et les tables d’une de ces banques dedonnées pourront, par exemple, être utilisées comme structure de création d’une autre.Par ailleurs, tout projet comportant la création d’une banque de données dans les aires duSud pourra s’appuyer sur le collectif de l’AUF, qui comporte des spécialistesd’informatique appliquée à la littérature et à la linguistique.
Dans une même optique, le réseau UREF avait mis en place le Collectif inter-réseau sur les banques de données (CIBDD) 62 que les chercheurs s’intéressant aux Littératures du Sud pouvaient rejoindre s’ils le souhaitaient. Ce collectif visait à susciter et surtout à coordonner des projets de constitution de bases de données dans le cadre des actions des réseaux de chercheurs de l’AUF, le cas échéant avec d’autres réseaux externes à cette organisation. De plus, il aidait à préparer, selon des appels d’offre et des modalités àdéfinir, des formations ciblées capables de répondre aux problématiques particulières des chercheurs confrontés à la réalisation des banques de données textuelles ou lexicales (lexicologiques, lexicographiques ou terminologiques). Toutefois, ce projet a été avorté,avant d’atteindre son but ultime qui selon Alain Vuillemin, était la fusion de ces différentes bases de données en une seule ; une banque de donnée fournie et performante
61 C’est une banque de données conçue par Jean Louis Joubert dans le cadre du Centre d’études desLittératures Francophones et Comparées de l’Université de Paris 13. Elle récence, toute laproduction littéraire, des îles de l’Océan Indien Occidental (les Comores, Madagascar, Maurice, laRéunion, les Seychelles). Litoi est une banque de données entièrement bibliographique.
62
C’est un collectif qui rassemble les chercheurs de différentes disciplines (notamment littéraires etlinguistes), et dont le but est de mener des projets de banques de données interdisciplinaires.Toutefois ce collectif n’existe plus.
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pour les littératures francophones qui pourra faire de la concurrence aux autres banques de données des milieux anglophones tel que : MLA Bibliography63.
C’est dans ce contexte général que l’on pourrait situer la création de la banque de données LITAF. Mais quelles ont été les facteurs spécifiques qui ont favorisé sa création ? Quels en sont les enjeux ? Comment s’est-elle constituée ? À l’initiative de qui ? À partir de quoi ? Quels sont ses défis et perspectives actuels ?
A. Les enjeux de la création d’une banque de données pour les littératuressubsahariennes francophones
Il importe de rappeler que les travaux bibliographiques concernant les littératures francophones subsahariennes ont débuté vers la fin des années 1970. Ils avaient un objectif commun qui est, de répertorier et de sauvegarder à la fois, la production littéraire africaine francophone subsaharienne qui, à cette époque, commençait à prendre aussi bienune place importante qu’un volume important dans le domaine des littératures écrites en français hors des frontières françaises. En effet, jusque dans les années 1980, les sources bibliographiques disponibles à propos de la littérature francophone subsaharienne restent très aisées à répertorier du fait de leur petit nombre. Comme ouvrages et travaux conçus dans ce cadre, on retrouve : la Bibliographie des auteurs africains et malgaches de langue française 64 de Thérèse Baratte, qui a été plusieurs fois rééditée dans des versions revues et augmentées, et dont la quatrième et dernière édition fut publiée en 1979 ; leDictionnaire des œuvres littéraires négro-africaines de langue française des origines à 1978, coordonné par Ambroise Kom et paru en 1983 65 ; le Guide de la littérature africaine (de langue française), de Patrick Mérand et Séwanou Dabla, édité en 1979 66 ; le63
64
65
66
https://www.mla.org/Resources –c. 08/2018.
Baratte (Thérèse) ; Chauveau (Jacqueline), Bibliographie des auteurs africains de langue française, 4e éd., Paris : Nathan, 1979. Cet ouvrage s’intéresse à toute la production écrite, ycompris la littérature.
Kom (Ambroise), Dictionnaire des œuvres littéraires négro-africaines de langue française des origines à 1978. Sherbrooke : Naaman, 1983.
Mérand (Patrick) ; Séwanou Dabla, Guide de la littérature africaine (de langue française), Paris :L’Harmattan /ACCT, 1979.
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numéro spécial de la revue Notre librairie (n°64, avril-juin, 1982) intitulé 1800 titres de littérature : Afrique, Antilles, Océan Indien. Enfin, un ouvrage codirigé par Virginia Coulon, paru en 1983, qui s’intitule A new Reader’s Guide to African Literature 67, dans lequel on trouve une vaste bibliographie relative à la littérature africaine francophone.Toutefois, ce livre n’existe que dans une version anglaise.
L’ensemble de ces travaux a été très bénéfique et essentiel, car ils offraient à cette époque, une ressource documentaire importante, permettant d’établir une bibliographiequasi-exhaustive de la littérature africaine francophone subsaharienne. Tous représentaient alors un enjeu important de sauvegarde mais aussi de mise en lumière de cette littérature dont l’évolution connaissait une forte croissance. Néanmoins, ils présentent tous des limites dans leur exploitation. En effet, la quasi-totalité de ces ouvrages sont des bibliographies sélectives : le support imprimé étant trop restrictif, ils nepouvaient se permettre d’aller au-delà d’une certaine limite, alors qu’une bibliographie plus exhaustive aurait nécessité davantage de page, de volumes peut-être, donc de moyens budgétaires et humains. Ces ouvrages se donc sont limités à répertorier quelques genres littéraires et non la production littéraire dans son entièreté. En outre, la limite temporelle restait aussi un obstacle à surmonter, car ces travaux constituaient des bibliographies rétrospectives, le terminus ad quem étant passé depuis plusieurs années déjà au moment des parutions. Enfin, leur description signalétique très sommaire ne répondait pas entièrement aux besoins d’information des lecteurs qui souhaitaient rester au fait des dernières parutions en ayant aussi accès à une description plus détaillée des ouvrages référencés.
En dépit de ces besoins, la production de ces quelques travaux bibliographiques portant sur la littérature africaine francophone subsaharienne a cependant nettement ralenti au cours de la décennie, alors même que l’édition d’œuvre et la publication de travaux critiques connaissaient une progression sans précédent. D’après Virginia Coulon,
67
[d]ans la seule décennie 1980-1990, cette production a presque doublé par rapport aux trente années antérieures. Ne pas poursuivre les travaux
Bundy (Carol); Coulon (Virginia.); Zell (Hans), A new Reader’s Guide to African Literature. London : Heinemann, 1983.
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bibliographiques revient à escamoter près de 50 % de la production littéraire del’Afrique francophone 68.
Un évident déséquilibre s’instaurait progressivement entre production et recensement. Il était, de ce fait, plus que nécessaire de parer à cette disparité, en prenant des mesuresefficaces afin d’éviter la dispersion d’une bonne partie des références de cette littératuredont les rythmes de production s’accéléraient. La mise en place d’une bibliographie courante semblait être la solution la plus adaptée et, pour y parvenir, l’apport de l’informatique était plus que nécessaire. Elle seule pouvait répondre aisément à une telle demande, en offrant la possibilité de dépasser les répertoires imprimés, trop restrictifs dupoint de vue de l’espace, comme nous l’avons vu, et peu aisés à consulter comme àcomposer ; ainsi, dans une version imprimée, il faut parfois répéter des références si elles concernent deux rubriques différentes 69, ou organiser des renvois internes, des index, etc.
Pour toutes ces raisons, la création d’une banque de données demeurait l’alternativela plus sûre du fait, qu’elle pouvait plus aisément répondre aux exigences d’un projet aussi ambitieux. En effet, même s’il est illusoire de penser qu’une banque de données, dans ce domaine, pourrait être exhaustive, il faut au moins reconnaitre qu’elle reste plus proche de ce but qu’un dictionnaire ou un livre bibliographique. De surcroît, elle seule peut inclure entièrement des indices signalétiques et descriptifs de ces œuvres et, par conséquent, faciliter l’accès aux références. Elle peut aussi être régulièrement enrichie etmise à jour, et même corrigée si nécessaire, ce qui n’est pas le cas du support imprimé.C’est donc pour rendre plus efficace la collecte bibliographique qu’a été créée la banque de données LITAF, dans un contexte que nous allons à présent rappeler.
68 69
Coulon (V.), Bibliographie francophone de littérature africaine. Vanves : EDICEF, 1994, p. 4.
C’est le cas par exemple dans : Nahimana (Salvator), Hatungimana (Jacques), Barakamfituye (Léonidas), Quinze ans (1985-1999) d’écrits sur le Burundi : contribution à la documentation bibliographique. [Louvain-la-Neuve] : Rencontre Interdisciplinaire de chercheurs (R.I.C.), 2000, 245 p., un répertoire organisé en rubriques disciplinaires dont les données ont ensuite été entièrement reprises dans le fichier http://mukanda.univ-lorraine.fr/
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B. La création de LITAF
Le projet LITAF est, à l’origine, une idée du groupe de recherche : « Langues, livres et littératures d’Afrique noire » du CNRS de Bordeaux, dirigé par Alain Ricard, groupe dont Virginia Coulon, conceptrice et gestionnaire de cette banque de données, faisait partie. Ce projet, dont les débuts furent très timides, a pris de l’ampleur en devenant un programme du grand réseau « Littératures Francophones » de l’AUPELF-UREF auquel il est encore associé. Il a été au départ conçu avec des moyens modestes ; sa finalité première était simplement de rendre compte du développement de la littérature en langue française en Afrique subsaharienne exclusivement, avec l’objectif de classer ses auteurs par nationalité mais également de répertorier l’ensemble de ses auteurs féminins.
C’est suite à la parution d’un second numéro bibliographique de la revue Notre librairie, dont Virgina Coulon était l’un des co-auteurs et qui proposait 2500 titres de littérature africaine sub-saharienne (n°94, juillet-septembre 1988, 198 p), qu’a été établi une convention entre cette dernière et le réseau AUPELF-UREF, dont l’objet étaitl’élaboration d’une bibliographie informatisée des littératures francophones sub- sahariennes. Les clauses de cet accord, d’un côté, confiaient à Virginia Coulon le soin de reprendre, de poursuivre et d’harmoniser tout le travail bibliographique qu’elle avait déjà effectué, afin d’en donner une version informatique. De l’autre côté, le réseau AUPELF- UREF s’engageait à apporter les moyens matériels et le réseau de compétences nécessaires pour mettre sur pied cette banque de données : une coalition qui s’est avérée très efficace.Pour Virginia Coulon, un tel projet devrait forcément répondre à des exigencesd’exhaustivité et de perfectibilité, et se fixer trois objectifs :
- être la plus complète possible ;
- permettre des mises à jour régulières ;
- pouvoir être maniée et exploitée aisément tout en permettant que la structuration interne de cette banque de données rende possible des extensions futures.
Les premiers pas dans la conception de ce fichier ont requis une attention particulière et un nombre important d’heures, voire de jours de travail. Comme l’explique Virginia Coulon : « Les premières étapes furent longues et difficiles. Il fallait se former en micro-
40
informatique, s’équiper, trouver un logiciel et se former à son utilisation, concevoir lastructure de la Base à tester » 70. Comme la plupart des banques de données en littérature, la construction de LITAF s’est faite en deux étapes : une étape en quelque sorte classique,consistant dans le recensement des données bibliographiques établies à partir de critères bien spécifiques. Il a fallu pour cela établir un plan d’enquête, et choisir les différentsinstruments d’investigation. La seconde étape consistait dans l’encodage des donnéesdans la base informatique.
Le plan d’enquête utilisé dans ce cadre a été élaboré avec la collaboration d’Hélène Dufeau, ingénieur documentaliste au CNRS de Bordeaux. Il s’agit d’une fiche dont les différentes rubriques permettent d’obtenir des renseignements complets à propos d’une
publication. Le détail de ce formulaire est présenté ci-dessous.
70
Coulon (V.), Bibliographie francophone de littérature africaine, op. cit., p. 8.
41
La première phase consistait à remplir toutes les rubriques de ce formulaire pourposséder le plus d’informations possible à propos d’une parution. Pour ce faire, un travail de dépouillement de plusieurs sources a été effectué. En ce qui les concerne, il nous a paru important de dresser un panorama général des principales sources dépouillées ayant rendu possible la mise en place de cette banque de données, afin de mettre en évidence, à la fois, l’ampleur du projet et la fiabilité des références qui s’y trouvent, mais aussi de rendre compte du gigantesque travail fourni par Virginia Coulon 71.
C. Les sources dépouillées
Dans l’objectif d’en faire une présentation concise, nous avons classé ces sources en fonction de leur nature, mais surtout par ordre historique en les scindant en deux catégories. La première présente les principales sources sur lesquelles la banque dedonnées s’est d’abord appuyée et la seconde, celles qui se sont ajoutées au fil des années. Toutes ces sources ont été importantes pour la réalisation de ce projet, et elles n’ont cessé
71
Nous ne les avons pas personnellement consultées ; nous nous sommes basées ici sur les informations fournies par MadameVirginia Coulon.
42
de croître au fil des années, mais LITAF a débuté avec un dépouillement de sources assez restreint ; comme il a été signalé dans les pages précédentes, cette banque de données est une continuité du numéro 94 de la revue Notre librairie paru en 1988, dont labibliographie s’était appuyée sur quelques sources.
1° Les sources primaires
Les sources primaires sont constituées par divers répertoires communiqués, par les bibliographies existantes, par les revues, mais aussi par des consultations plus informelles (visite de librairies, contacts personnels).
a. Inventaires divers
Virginia Coulon a utilisé plusieurs inventaires qui lui ont été fournis par différents contributeurs. Dans cette catégorie, nous avons les listes communiquées par Paulette Lordereau, une conservatrice au service des acquisitions de la BNF et membre du GRDd’Alain Ricard.
Ensuite, nous avons celles qui ont été obtenues par le truchement des centres culturels français (CCF) des pays de l’Afrique francophone. Elles étaient la propriété de la direction de la revue Notre librairie (qui deviendra par la suite Culture Sud). Ces inventaires sont des bibliographies concernant la production littéraire de toute l’Afriquefrancophone subsaharienne. Les éléments qui s’y trouvent ont été répertoriés à l’initiativedu Ministère des Affaires Étrangères, du Ministère de la Coopération et du Développement et, par la suite, du Ministère de la Culture. Plus de mille listes ont été fournies lors de cette collaboration, qui ont toutes fait l’objet d’une exploitation détaillée.
Il y a par ailleurs, les dossiers de presse du Centre de Documentation Africaine de Radio France Internationale (RFI), qui a toujours des relais dans toute l’Afriquefrancophone. Cette chaîne de radio française détient des catalogues d’informations en tout genre sur cette région, qui sont continuellement mis à jour. Ils se composent entre autres, de nombreux articles concernant les parutions littéraires de chaque pays ; tous ont été dépouillés par Virginia Coulon pour la conception de LITAF.
Enfin, toutes les bibliographies du Groupe de recherche d’Alain Ricard sur leslittératures africaines ont aussi servi dans le cadre de ce travail ; ces bibliographies ont été
43
établies à partir de la revue professionnelle Livres Hebdo, dont le groupe épluchait régulièrement les colonnes.
b. Les bibliographies et catalogues constitués
La quatrième édition de La Bibliographie des auteurs africains de langue françaisea été une source très importante pour la constitution de cette banque de données. À cetouvrage s’ajoutent plusieurs catalogues d’éditeurs français, notamment: Présence Africaine, L’Harmattan, Maspero, Nathan, Hachette etc. Ainsi que quelques cataloguesd’éditeurs africains. A new Reader’s Guide to African Literature, dont Virginia Coulonen est l’un des co-auteurs pour la partie littérature francophone, a aussi été une référence importante lors de ce grand dépouillement.
c. Les revues
En ce qui concerne les revues dépouillées, nous les avons toutes rangées dans untableau. L’encodage de certaines revues reste cependant incomplet.
Tableau 2 : Revues dépouillées pour la mise en place de LITAF
Revues |
États du dépouillement |
Abbia (Yaoundé) |
n°1 au n°30 entre 1963 -1975 (dépouillement incomplet) |
(L’) Afrique littéraire et artistique |
n°1 au n°82 entre 1983-1987 (dépouillement incomplet) |
Annales de la Faculté des Lettres et SciencesHumaines d’Abidjan, série D (Côte d’Ivoire) |
n°1 au n°15 entre 1969 -1982 (dépouillement incomplet) |
Annales de la Facultés des Lettres et Sciences Humaines de Dakar (Sénégal) |
n°1 au n°21 entre 1971-1991 (dépouillement incomplet) |
Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Yaoundé (Cameroun) |
n°1 en 1969 (dépouillement complet) |
Bulletin de l’IFAN |
vol° 10 à 46 entre 1948 -1987 (dépouillement incomplet) |
Cahier d’Études Africaines |
vol° 3 à 27 entre 1961-1987 (dépouillement incomplet) |
Canadian Journal of African Studies |
vol°1 à 33 entre 1967-1999 (dépouillement incomplet) |
Cultures et Développement |
vol°1 à 17 entre 1968-1985 (dépouillement incomplet) |
44
Culture du Sud |
Devenue Notre Librairie |
Écriture française |
vol°1 à 6 entre 1979 et 1984 (dépouillement complet) |
Études françaises (Montréal) |
vol° 1 en 1986 (dépouillement complet) |
Études francophones (la suite de la Revue Francophone de Louisiane) |
vol°1 en 1986 (dépouillement complet) vol° 24 en 2009 (dépouillement complet) |
Études littéraires |
vol° 1 en 1968 (dépouillement complet) vol° 39 en 2008 (dépouillement complet) |
Études littéraires africaines |
n°4 en 1997 (dépouillement complet) n°33 en 2012 (dépouillement complet) |
Éthiopiques |
n°1 à 11 entre 1975-1979 (dépouillement complet) n°25 à 28 en 1981 (dépouillement complet) |
Francofonia (Cadiz Espagne) |
n°1 à 19 entre 1992 et 2007 (dépouillement complet) |
The French Review (Illinois) |
vol° 43 en 1969 (dépouillement complet) vol° 69 en 1995 (dépouillement complet) |
L’Homme |
vol°1 à 34 entre 1961-1994 (dépouillement incomplet) |
International Journal of Francophone Studies |
vol°1 à 9 entre 1998-2006 (dépouillement complet) |
Jeune Afrique |
1980-1995 |
Journal de la Société des Africanistes |
vol. 1 à 65 (dépouillement complet) |
Le Mois de l’Afrique |
n°2 à 206 entre 1966-1983 (dépouillement incomplet ) |
Notre Librairie (Ancien Culture du Sud) |
n°7 à 172 entre 1969-2009 (dépouillement complet) |
Notes Africaines |
n°39 à 190 entre 1948-1986 (dépouillement incomplet) |
Nouvelles Études Francophones (suite ded’Études Francophones) |
vol°19 année 2004 (dépouillement complet) vol° 21 année 2006 (dépouillement complet) vol° 25 année 2010 (dépouillement complet) vol° 27 année 2012 (dépouillement complet) |
Palabres (Brême, Allemagne) |
vol°1 n°1 à 4 année 1997 (dépouillement complet) vol° 2 n°1 à 2 année 1998 (dépouillement complet) vol° 3 n°1 à 2 année 2000 (dépouillement complet) |
45
Peuples noirs, peules africains |
n°1 à 66 et n°79 à 80 entre 1978-1991 (dépouillement incomplet) |
Présence Africaine |
n°1 à 162 entre 1947-1999 (dépouillement incomplet) |
Présence Francophone |
n°1 à 177 entre 1970-2011 (dépouillement incomplet) |
Recherche Pédagogie et Culture (Paris) |
n°16 à 68 entre 1975-1984 (dépouillement complet) |
Revue de littérature et d’esthétique négro- africaine (Abidjan) |
n°1 à 8 entre 1977-1987 (dépouillement complet) |
Tangence suite de d’Urgences |
n°1 en 1981 Urgences (dépouillement complet) n°89 en 2009 (dépouillement complet) |
Zaïre Afrique/ Congo Afrique (Kinshasa) |
n°121 à 260 entre 1978-1991 (dépouillement incomplet) |
Plusieurs autres revues, outre que celles qui sont énumérées dans ce tableau, ont aussi fait l’objet d’un dépouillement. Cependant, seuls les titres répertoriés ci-dessus ontpu jusqu’à présent, faire l’objet d’un recensement systématique. Il faut toutefois signaler que, les dépouillements incomplets ne concernent dans ce cas, que les notices concernant la critique littéraire. Dans la plupart des cas, il reste très peu de numéros ou de volumes à dépouiller, ou cela peut déjà avoir été fait, car l’état d’avancement présenté dans ce tableau, relève de quelques années déjà.
d. Les visites rendues
Des visites régulières ont été effectuées par Virginia Coulon dans les librairies spécialisées dans la littérature africaine francophone, situées dans le Quartier Latin, pour une consultation et une vérification des références des ouvrages.
2° Les sources secondaires
Au fil des années, d’autres sources vont s’ajouter pour compléter le travaild’inventaire entamé les années précédentes. Nous les avons appelées sources secondaires pour établir une précision chronologique.
a. Bibliographies thématiques diverses
Dans ces sources secondaires, nous rangeons d’abord toutes les bibliographies établies par des chercheurs travaillant dans des universités américaines, françaises et
46
africaines, notamment dans des revues et lors des colloques. Elles ont le plus souvent un objet particulier (un auteur, un thème, etc.) ; elles ont toutes été des sources importantes pour la réalisation de LITAF. Virginia Coulon s’est surtout appuyée sur celles qui ont été fournies à l’occasion des colloques de l’APELA dont elle en est membre. Toutefois,l’ensemble de ces bibliographies a d’abord été soumis à une vérification minutieuse avantd’être repris dans la banque de données.
b. Les sources créées par l’arrivée d’internet
Virginia Coulon précise que l’arrivée d’internet a rendu plus aisée l’accès auxinformations bibliographiques à propos de la littérature négro-africaine francophone. Ainsi, les différents catalogues en ligne notamment : Worldcat, la BNF, le CCFr, SUDOC, et les catalogues en ligne de toutes les bibliothèques nationales des pays développés ont étéde vraies sources pour l’enrichissement de cette banque de données. Il importe de préciser tout de même que, lors du dépouillement de ces sources, la présence d’une notice dans un de ces catalogues restait la preuve ultime de l’existence d’un ouvrage ; la remarque vaut surtout pour les catalogues de catalogues (Worldcat, CCfr, Unicat, etc.).
Également en ligne, les catalogues d’éditeurs peuvent comporter des données fausses et des imprécisions : « Un éditeur peut mettre dans son catalogue un titre qu’il n’ajamais fait paraître » 72, ou, parfois, il ne corrige pas, après la publication effective, une fiche établie à titre prévisionnel. De ce fait, il était nécessaire d’être précautionneux envérifiant chacune des références émises dans ce contexte.
c. Les voyages effectués
Deux voyages d’acquisition ont été effectués en Afrique francophone pour le compte de la bibliothèque de littérature africaine du CELFA 73 (gérée durant trente ans par Virginia Coulon) de l’Université de Bordeaux 3, aujourd’hui devenue Université Bordeaux Montaigne. Ces voyages ont été très importants non seulement en termesd’achat d’ouvrages, mais également de vérification des références.
72 73
Entretien personnel avec Virgina Coulon, fait, le 1er avril 2016.Centre d’études linguistiques et littéraires francophones et africaines
47
d. Les bibliothèques privées
Enfin, l’accès aux bibliothèques personnelles des chercheurs en littérature africaine francophone, comme celle d’Alain Ricard qui fut très exploitée, constitue un apport important lors de ce gigantesque dépouillement.
D’une manière générale, toutes les sources dépouillées pour la constitution de cette banque de données ont fait l’objet d’efforts permanents de vérification et d’autocorrection. Elles sont la preuve de l’immensité de la recherche effectuée dans ce cadre. Mais, après le travail de dépouillement effectué en amont, il a fallu, en aval,s’intéresser aussi à son usage, au mode de consultation, et donc aux besoins des usagers. Le travail, des deux côtés, est nécessairement inachevé et un grand nombre de références est encore absent du fichier global. Il reste encore aussi à normaliser certains nomsd’auteurs notamment, ceux qui doivent s’écrire en fonction d’une onomastique particulière, à vérifier minutieusement les orthographes des toponymes et, le cas échéant, des énoncés en langue non-européennes, à classer des documents par catégories et enfin, continuellement, à effectuer la saisie informatique de nouvelles données. Tout ce travail est actuellement en train de se poursuivre. Depuis sa conception, LITAF étend son répertoire grâce à des mises à jour annuelles faites par Virginia Coulon elle-même.
D. Présentation détaillée de la banque de données
LITAF donne des informations assez complètes sur la production littéraire en langue française relative à l’Afrique francophone subsaharienne: c’est sa spécialité. Plus globalement, cette banque de données répertorie « la production écrite » au sujet del’Afrique francophone subsaharienne, qu’elle soit produite par des auteurs africains ou par des auteurs d’autres sphères géographiques.
1° À propos des mots « littérature, « africaine », « francophone »
Pour présenter la composition exacte de cette banque de données, il est importantd’apporter quelques précisions. La première est que sa conceptrice véhicule en quelquesorte à travers son œuvre sa conception de la littérature francophone subsaharienne. Elle
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y associe, ainsi, toute la littérature qui cadre peu ou prou avec la réalité africaine notamment subsaharienne, sans la séparer de celle que l’on pourrait dans ce contexte qualifier d’«authentique74», c’est-à-dire produite par des auteurs autochtones, donc originaires de ces pays ou de cette zone géographique. On pourrait dire qu’elle se situedans la perspective qui était celle de Roland Lebel, pour lequel la littérature africaine est constituée par l’ensemble des œuvres relatives à l’Afrique, et portant témoignage surl’élément physique et humain, sans distinction de l’origine des auteurs. Par ailleurs, parler simplement de littérature pour les notices présentes dans cette banque de données est assez simpliste, car on y retrouve également plusieurs genres ou catégories qui relèvent de « la littérature par extension », à titre d’exemples : les gravures, les expositions, la filmographie, les dossiers de presse… Dans cette banque de données, la notion de littérature prend un « contenu sémantique très riche 75». De plus, elle se compose aussi bien de références livresques que d’autres types d’imprimés. C’est pourquoi, l’expression« production écrite » nous semble plus appropriée pour englober toutes les références qui y sont répertoriées. Nous l’utiliserons de ce fait couramment tout au long de ce travail. Enfin, LITAF reprend également les œuvres d’auteurs africains relevant d’autres sphèreslinguistiques, traduites en langue française.
Les mots « africaine » et « francophone » que reprend l’intitulé de la banque dedonnée impliquent en outre deux réalités distinctes : une réalité linguistique qui estl’usage de la langue française et une réalité géographique dont on se doit de préciser les contours. Puisque, « africaine » ne renvoie pas exactement au continent africain. Lors de nos différentes présentations, il nous a d’ailleurs été maintes fois demandé si cette banquede données incluait la production littéraire du Maghreb et de l’Océan Indien. Ce qui n’estpas le cas, et qui s’explique en partie au moins par le fait que deux autres projetsexistaient parallèlement : LITOI et surtout LIMAG, comme nous l’avons rappelé. Mais la distinction entre ces projets repose elle-même sur une répartition géographiqueconventionnelle, séparant surtout l’Afrique dite « du Nord » de l’Afrique dite « Noire » ;cette répartition est très ancienne, elle a perduré à l’époque coloniale malgré l’unification
74
75
L’expression « authentique » ici, est empruntée à Riesz (Jànos) dans son ouvrage intitulé De la littérature coloniale à la littérature africaine, Paris : Karthala, 2007.
Coulon (V.), « LITAF : une base de données de littératures africaines au carrefour de tous les questionnements », in : Coulon (V.) ; Garnier (Xavier), dir., Les littératures africaines ; textes et terrains, Paris : Karthala, 2011, p. 457-467 ; p. 459.
49
qu’aurait pu apporter la « plus grande France » et elle a sans aucun doute été encore renforcée par la mouvance de la négritude, qui, pour diverses raisons, a repris à son compte le critère « racialiste » qui dominait alors les représentations. LITAF recense, concrètement, toute la production littéraire de dix-huit pays d’Afrique subsaharienne que nous citons par ordre alphabétique à savoir : le Bénin, le Burkina-Faso, le Burundi, leCameroun, la Centrafrique, le Congo, la Côte d’Ivoire, le Djibouti, le Gabon, la Guinée- Conakry, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Rwanda, le Sénégal, le Tchad et le Togo.
2° Mises à jour
Depuis sa création, cette banque de données a fait l’objet d’une mise à jour annuelle régulière. En 2004, elle a été complètement restaurée avec la mise en place d’une nouvelle grille d’interrogation suivie d’une mise à jour avec l’addition de nouvelles données. Cette actualisation a été régulière jusqu’en 2014, année marquée par un arrêt périodique des mises à jour annuelles, dû à des problèmes d’ordre personnel de lagestionnaire de cette banque de données. Cependant jusqu’en 2014, cette bibliographieinformatique présente un répertoire quasi-complet concernant la littérature africaine francophone subsaharienne. En octobre 2016, elle a été une nouvelle fois complétée, avecl’ajout de plusieurs notices concernant les années 2014, 2015 et 2016. Toutefois, contrairement aux mises jour des années précédentes, celle de 2016 n’est pas complète ; en outre, plusieurs références de ces trois années n’ont toujours pas été enregistrées. La mise à jour de 2016 a également permis une réorganisation structurelle de la banque de données avec un nouveau système de paramétrage induit par la création d’une nouvellegrille d’interrogation. Ce réaménagement a été très bénéfique pour notre travail commenous l’expliquerons dans les pages suivantes.
Aujourd’hui comme par le passé, LITAF est gratuitement accessible en ligne viainternet. C’est une banque de données essentiellement bibliographique : aucun texte n’yest mis en ligne. Elle propose toutefois quelques résumés de livres ainsi que quelques notes et chapitres d’ouvrages. En septembre 2017, une mise à jour des données a été effectuée pour les mêmes années : 2014, 2015 et 2016. Toutefois, l’arrêt qui a eu lieu en 2014 a créé un léger déséquilibre au niveau des mises à jour annuelles, et cette banque de
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données peine désormais à atteindre son objectif d’une quasi-exhaustivité comme ce fut le cas en 2014.
3° Les notices contenues dans LITAF
LITAF propose un total de 29763 notices (selon la dernière mise à jour établie le 13/07/2017) et plus de la moitié d’entre elles décrivent des œuvres littéraires. En ce qui concerne ces dernières, nous avons des romans, des nouvelles, de la poésie, du théâtre, des mémoires, des chroniques, des essais etc. Ensuite, nous avons des recueils et anthologies dont le volume global avoisine les 600 notices. Mais un travail d’inventaire etde saisie reste à faire en ce qui concerne les œuvres courtes publiées isolément (surtout des nouvelles et des poèmes) dans une anthologie, un recueil ou une revue. Depuis la mise à jour effectuée récemment, cette bibliographie se compose désormais de plus de 10886 notices de critique : on retrouve dans cette autre rubrique les notices concernant des ouvrages et des articles critiques parus en revue ainsi que quelques chapitresd’ouvrages.
Par ailleurs, LITAF compte 1410 (selon la recherche à partir de l’indexation mots- clés) notices concernant des traductions en français d’œuvres littéraires africaines écritesdans d’autres langues, en l’occurrence européennes – anglais, portugais, espagnol – ou africaines.
La catégorie de « littérature traditionnelle » comporte quant à elle près de 587 notices. On y trouve des légendes, des mythes, des recueils de proverbes, des travaux scientifiques etc.
Enfin, il existe d’autres catégories telles que la littérature pour la jeunesse, la bande dessinée ou encore l’édition scolaire (manuels de littérature) ; le recensement de ces dernières catégories n’est actuellement pas à jour, il le sera certainement lors des mises à jour ultérieures.
4° Le catalogage des genres et catégories littéraires indexés
LITAF possède un système de catégorisation générique fin et diversifié, allant des genres qu’on peut qualifier rapidement de majeurs aux genres moins représentés
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numériquement ou considérés comme plus marginaux par l’usage. En outre, on relève aussi une multitude d’autres catégories textuelles descriptives que l’on a préféré classer etdésigner comme étant des catégories littéraires ou textuelles. Dans le tableau suivant, nous reprenons l’ensemble de l’indexation générique établie par LITAF ; il présente à la fois les genres et catégories indexés et les « sous-genres » 76 dont ils se composent.
Tableau 3 : Catalogue des catégories et des sous-catégories indexées dans LITAF
Numéros |
Catégories et genres littéraires indexés |
Sous-genres et sous catégories |
1 |
Annuaire |
Jeunesse Théâtre |
2 |
Anthologie |
Bande dessinée Chanson Essai |
3 |
Aphorismes |
Aucun |
4 |
Autobiographie |
Aucun |
5 |
Bande dessiné |
Roman graphique |
6 |
Bibliographie |
Anthologie |
76
Cette appellation, utilisée faute de mieux, ne suppose aucun jugement qualitatif de notre part.
52
Roman |
||
7 |
Biographie |
Aucun |
8 |
Catalogue |
Bande dessinée Cinéma |
9 |
Chanson |
Chansons |
10 |
Chronique |
Extrait chronique |
11 |
Citations |
Aucun |
12 |
Compte rendu |
Anthologie |
13 |
Conte |
Conte inédit |
14 |
Correspondances |
Aucun |
53
15 |
Critique |
Anthologie |
15 |
Critique [E journal] |
[E journal] : poésie [E journal] : théâtre |
16 |
Cuisine |
Aucun |
17 |
Dictionnaire |
Bande dessinée |
18 |
Discographie |
Aucun |
19 |
Document sonore |
Aucun |
20 |
Dossier de presse |
Aucun |
21 |
Éditorial |
Aucun |
22 |
Entretien |
Entretien enregistrement son Extrait |
23 |
Essai |
Ressource internet Photographie |
24 |
Étude |
Aucun |
25 |
Exposition |
Aucun |
26 |
Filmographie |
Aucun |
27 |
Glossaire |
Aucun |
28 |
Gravures |
Aucun |
54
29 |
Guide |
Culturel Pratique |
30 |
Index |
Aucun |
31 |
Jeunesse |
Autobiographie Bande dessinée Bibliographie Coloriage Poésie Récit Roman Théâtre |
32 |
Journal |
Aucun |
33 |
Lexique |
Aucun |
34 |
Littérature traditionnelle |
Anthologie |
35 |
Manuel scolaire |
Aucun |
36 |
Mémoires |
Aucun |
37 |
Nouvelle |
Aucun |
38 |
Poésie |
Aucun |
39 |
Préface |
Aucun |
40 |
Récit |
Extrait |
41 |
Recueil |
Citations |
42 |
Répertoire |
Aucun |
43 |
Roman |
Roman feuilleton (inédit) Roman feuilleton |
55
Roman |
||
44 |
Scénario |
Aucun |
45 |
Théâtre |
Aucun |
46 |
Thèses |
Aucun |
La longueur de ce tableau montre l’ampleur des efforts qui ont été déployés pour la constitution de cette banque de données, mais aussi, l’immensité des informations quel’on peut y retrouver. Comme il a déjà été dit, LITAF est une banque de données bien fournie et richement variée.
L’indexation générique rassemble en tout 243 termes dont 46 principaux genres et catégories avec pour la plus grande majorité des sous-genres ou des sous-catégories. Rappelons que cette catégorisation, n’a été établie qu’à partir de la collecte primaire des données. En effet, chaque document collecté dans ce cadre, faisait systématiquementl’objet d’une classification générique dans la catégorie ou le genre correspondant ; s’il n’existait pas de catégorisation appropriée pour le document, elle était immédiatement créée. De ce fait, toutes les catégorisations de LITAF, comportent au moins une notice, même si, pour certaines d’entre elles, l’informatisation des données n’est pas encoretotalement effectuée. Cette façon de procéder explique le nombre important de genres et catégories littéraires qui composent cette banque de données ; en outre, cette indexation générique est mouvante : lors de la dernière mise à jour (en 2017), les catégories « Cuisine » et « Gravures » ont été ajoutées.
Par ailleurs, l’indexation des documents est partagée entre plusieurs genreslittéraires et des d’autres catégories de documents (livres et autres imprimés) qui sont ou peuvent être perçues, comme étant de la « littérature par extension ». Il faut préciser que, le contenu de cette banque de données évolue au fil de ses mises à jour et de ses reconfigurations. Elle a débuté avec une indexation générique plus restreinte et plus axée sur les genres littéraires considérés comme les plus représentatifs, au fur et à mesure del’extension du volume des données collectées, elle s’est ouverte sur d’autres types detextes ou simplement de documents qui selon Virginia Coulon, sont perçues comme étant des productions littéraires.
56
5° Les publications « fixes » de LITAF
Depuis sa création, ce travail d’encodage informatique a rendu possible la réalisation sous forme imprimée ou gravée (en ce sens, elles sont « fixes », et relèvent, de ce point de vue, de l’écrit) de quelques ouvrages essentiellement bibliographiques dont les références sont consignées dans la rubrique « Librairie » de LITAF. Cette partie de la banque de données présente tous les ouvrages documentaires (cédéroms et livres) ayant un lien direct avec LITAF. Nous en avons dressé la liste par ordre chronologique de parution, et nous les avons classés selon leur support de publication.
Plusieurs numéros bibliographiques de la revue Notre librairie (devenue désormaisCultures Sud) ont été réalisés à partir de LITAF. On recense au total quatre numéros, dont la réalisation s’est appuyée sur cette banque de données :
- - « 2500 titres de littérature : Afrique sub-saharienne », Notre librairie, n°94, juillet- septembre 1988, 198 p.
- - « 1500 nouveaux titres de littérature : Afrique sub-saharienne », Notre librairie, n°129, janvier-mars 1997, 143 p.
- - « 1250 nouveaux titres de littérature d’Afrique noire, 1997-2001 », Notre librairie, n°147, janvier-mars 2002, 207 p.
- - « Bibliographie (œuvres postérieures à 1980) : Afrique Noire », Notre Librairie(n°spécial ‘Nouvelles Écritures Féminines 2. Femmes d’ici et d’ailleurs’), n°118, juillet- septembre 1994, p. 121-130.
Il faut cependant rappeler ici également qu’en leur temps, une partie de ces donnéesa également été publiée dans les Études littéraires africaines, la revue de l’Association pour l’Étude des Littératures africaines (APELA77), dont elles ont pendant plusieurs annéesconstitué l’essentiel du sommaire. La rubrique «À signaler» proposait en effet, semestriellement, de 1996 à 2002 soit dans les 12 premières livraisons de la revue 78, une bibliographie courante des publications. L’année 2002 constitue ainsi un point de repèreintéressant : c’est à partir de cette année-là que les chercheurs de l’Association estimentque la forme numérique, dont nous avons déjà décrit les avantages par ailleurs, a rendu
77
78
Association pour l’Étude des Littératures Africaines, site accessible en ligne : http://www.apela.fr/-c. 25.08.2018
Ces livraisons sont aujourd’hui accessibles en ligne à l’adresse :https://www.erudit.org/fr/revues/ela/#back-issues – c. 18.06.2018
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obsolète la forme imprimée. À partir du n°13, la revue publie dans chaque livraison unportefeuille d’études consacrées à un thème, un écrivain, une région, etc.
Dans les ouvrages imprimés réalisés à partir de LITAF, nous avons :-
- -
- -
En mai 2000, Litaf a rendu réalisable un cédérom nommé Orphée 2. Ce support documentaire conçu par l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), en collaboration avec le réseau AUPELF-UREF, est une bibliographie générale et comparée des littératures francophones. Il reprend, rectifie et actualise le contenu du premier cédérom Orphée 1, publié en 1993. Orphée 2 regroupe les contenus des trois banques de données : LITAF, LIMAG et LITOI, élaborées grâce au même réseau.
6° Weblitaf ou comment interroger cette banque de données ?
La banque données LITAF peut être interrogée à partir de son interface Weblitaf.Elle est constituée d’une grille d’interrogation qui donne accès aux données référencées. Depuis sa création, cette banque de données a connu deux restructurations au cours desquelles sa grille d’interrogation a complètement été remaniée. Durant la période allant de 2004 à 2016, elle affichait une grille d’interrogation unique et préconstruite telle que nous la présentons ci-dessous.
Coulon (V.), « Traductions d’œuvres africaines, répertoire », in Alain RICARD
(dossier établi sous la direction de), « Traversées de l’Afrique », in : Les Cahiers du
Centre régional des lettres d’Aquitaine, II, Hiver 1997, p. 87-102.
Coulon (V.), « Le Théâtre de langue française de l’Afrique noire bibliographie », in :
Palabres, Vol. II, n°1-2, juin 1998, p. 143-189.
Coulon (V.), « L’Écriture féminine de l’Afrique subsaharienne : une bibliographie
francophone (œuvres littéraires et ouvrages critiques », in : Palabres, Vol. III, n°1-2,
avril 2000, p. 267-288.
Coulon (V.) Bibliographie francophone de littérature africaine, Vanves, EDICEF,
1994, 143 p.
V. Coulon, Bibliographie francophone de littérature africaine, 2e éd, mise à jour et
complétée, Paris, EDICEF / AUF, 2005, 480 p.
58
Jusqu’à l’été 2016, les interrogations s’effectuaient essentiellement sur cette grilled’interrogation prédéterminée. Mais la dernière reconfiguration de cette banque de données, réalisée précisément en octobre 2016, a conduit à l’installation d’une nouvelle grille d’interrogation à deux volets : un premier pour la recherche simple, et un second pour la recherche avancée, constitué d’une grille d’interrogation prédéterminée.
a. Présentation du premier volet d’interrogation « Recherche simple ».
La recherche, à partir de cette présente grille, s’effectue simplement, commel’indique son nom, c’est-à-dire qu’elle n’est pas soumise à des indicateurs précis. Lechercheur ou l’usager questionne la banque de données à partir de son propre langage et
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selon les choix voulus. Les mots utiles à la recherche sont introduits dans l’espace proposé, et ils se valident par un double clic sur le bouton « Rechercher ». Dans ce cas cependant, la recherche doit s’effectuer avec une attention particulière car le nombre de mots introduits influence fortement le résultat ; plus il en existe, moins il y a des chancesd’y parvenir dès la première tentative. De plus, cette barre de recherche tient compte de la hiérarchie des mots utilisés lors d’une interrogation ; il faut absolument tenir compte de ce détail si on veut parvenir aux résultats escomptés.
La grille de « Recherche simple » propose par ailleurs deux options de recherche : la première tient compte de l’ensemble des mots introduits par l’usager et la secondepermet de sélectionner le mot le plus important de sa recherche. Tout dépendra alors des objectifs visés par chaque usager. Enfin, la liberté d’exploration qu’offre cette grille d’interrogation permet d’obtenir des résultats d’une très grande densité, puisque lesdocuments y sont fournis de façon cumulée, laissant à l’usager le soin de les caractériser intelligemment et selon ses objectifs.
b. Présentation du second volet une grille d’interrogation « Recherche avancée »
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Sur cette grille d’interrogation, les indexations existantes permettent d’établir desdemandes plus précises et l’exploitation des données sur ce second volet y est entièrement soumise. La recherche, dans ce cas, dépend aussi de la pertinence de chaque terme apposé sur la barre ou les barres d’indexation. Elle consiste à remplir les index liés à chaque recherche ; les termes utilisés permettent d’identifier les informations archivées en lien avec chacun du/des terme (s) ou du/des chiffre(s) introduit (s). Ce typed’interrogation permet à chaque usager d’obtenir des résultats plus concis se rapportant à une demande. En outre, sur ce second volet, il est possible de procéder à des demandes multicritères. Toutefois, chaque index répond à un mode de questionnement bien défini, il est de ce fait important de les décrire selon qu’il soit distinct ou ressemblant.
L’interrogation par auteur(s) : elle consiste simplement à inscrire auniveau de l’index «auteur», le nom de l’auteur recherché. Une liste déroulante des noms homographes et homonymes s’affichera par la suite, etil suffira à l’usager de sélectionner le nom recherché. Les résultats, dans ce cas, sont des données bibliographiques sur l’auteur concerné (livres-essais- thèses-articles…). Néanmoins, les noms africains étant un cas particulier, la recherche peut se faire plusieurs fois sans aboutissement. En effet, la saisiedoit correspondre à la disposition du nom tel qu’il est inscrit dans la banque de données.
- L’interrogation à partir du titre, du genre littéraire, du pays del’auteur, des pays étudiés, des auteurs étudiés, des œuvres étudiées et del’éditeur obéit aux mêmes principes. Il suffit d’entrer le titre, le nom du pays ou la catégorie textuelle littéraire recherchés pour obtenir des résultats en lien avec les mots introduits. Ici aussi, la saisie des termes doit se faire attentivement, au risque de ne pas accéder aux références recherchées.
- L’interrogation par année de publication reste la plus délicate de toutes.Elle s’effectue à partir des signes algébriques qui sont introduits dans cettebarre d’indexation. Dans ce cas, la grille d’interrogation propose trois signes(=, ≤, ≥) et le terme (entre) qui permettent toutes d’obtenir des détailschronologiques sur l’ensemble des références contenues dans cette banque de données.
61
- Les interrogations par mots-clés se font à partir d’un emploi ciblé desmots ou expressions se rapportant à une recherche donnée. On peut introduire un ou plusieurs mots ou expressions dans la barre concernée.Cependant, afin d’obtenir des résultats plus précis, il est préférable den’introduire qu’un seul mot-clé, ou une seule expression à la fois.
- L’interrogation multicritères n’est réellement possible que sur cette grilled’interrogation. Elle permet de croiser (en les remplissant) différents indexdans le but d’obtenir des informations diverses en une seule recherche. Dans le jargon bibliométrique, ce type d’interrogation est appelé « couplage », et, dans ce cas, il est préférable de réduire le nombre de critères de recherche pour pouvoir obtenir les informations se rapportant le plus à sa demande.
En somme, cette grille est plus sélective en termes de documents. Elle permet àl’usager d’avoir accès à une documentation plus ciblée.
7° Présentation des résultats
Les résultats de recherche sont présentés à partir d’une liste déroulante telle qu’onla présente ci-dessous.
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Les résultats s’affichent par vingtaine dans les cas où leur nombre dépasserait ce chiffre. On peut choisir de les présenter selon un format détaillé qui permet d’accéder auxrésumés, ou aux brèves présentations, aux mots-clés en liaison avec la requête effectuée, ou dans un format plus court qui se réduit simplement aux éléments paratextuels du document. Cette option est proposée aux usagers sur le haut de la page d’affichage. Par ailleurs, LITAF offre une autre option permettant de ranger les références par ordre de datation croissante ou décroissante. En somme, la présentation des résultats dans cette banque de données peut être modifiée selon les angles de recherche de chaque utilisateur.
E. LITAF aujourd’hui, bilan et perspectives
L’exploitation de LITAF dans le cadre de ce travail nous a aussi permis de nous intéresser au dispositif en lui-même. Cette partie nous a paru judicieuse car elle permet,d’une part, de présenter de façon plus détaillée l’état actuel de cette banque de données,
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et, d’autre part, de mettre en lumière ses perspectives à long terme. Comme il a été mentionné dans les pages précédentes, le suivi et le maintien d’une banque de données demandent des efforts financiers et humains aussi importants que constants. LITAF resteune œuvre qui est encore en pleine constitution, et aujourd’hui, son entretien ainsi que son maintien sont des préoccupations auxquelles elle doit faire face. Tout un travaild’optimisation reste encore à effectuer et le travail entamé doit totalement être achevé. En outre, la pérennisation est un défi auquel LITAF fait face de façon permanente. Quelles sont ainsi, les mesures prises dans cette perspective ?
Concernant cette problématique, quelques suggestions ont déjà été proposées par Virginia Coulon ; nous les présenterons de manière détaillée. Par ailleurs, d’autresperspectives peuvent être envisagées dans ce cas ; elles émanent de nos différentes lectures portant sur la question des banques de données littéraires, ainsi que de laconsultation d’autres banques axées sur les disciplines littéraires. Mais auparavant, il importe de dresser un tableau récapitulant la situation actuelle de LITAF ; quel bilan peut-on en faire aujourd’hui ?
1°Les informations manquantes
LITAF reste une mine d’informations inestimable pour toute personne voulant s’informer sur la production littéraire francophone en lien avec l’Afrique subsaharienne. Toutefois, plusieurs informations en sont toujours absentes ; nous les avons relevées au fil de nos quantifications sur cette banque de données. La liste établie dans ce but peuts’avérer non-exhaustive, mais elle laisse tout de même apparaitre les manquements les plus importants.
a. Plusieurs références manquantes des années antérieures
L’arrêt périodique des mises à jour annuelles, survenu en 2014, a entrainé, commenous l’avons signalé plus haut, un déséquilibre au niveau de l’actualisation des données.Ainsi, malgré les récentes mises à jour de 2016 et 2017, LITAF souffre toujours d’un retard au niveau de la collecte et de l’informatisation des références des années 2015, 2016 et 2017. De ce fait, aucune de ces années n’affiche des résultats aussi complets que ceux des années précédentes. Selon Virginia Coulon, « jusqu’en 2014, la banque de
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données est à son maximum, elle est en cette période, la plus complète possible » 79. Cependant, après cette année, LITAF peine à atteindre ce maximum en termes de références répertoriées. Des efforts sont déployés pour combler le retard enregistré et la collecte des données pour ces trois années est encore en train d’être effectuée. Toutefois, obtenir des références complètes reste très peu probable, car selon Virginia Coulon, il se pourrait que plusieurs petites maisons d’éditions aient publié entre-temps des ouvrages qui seraient insaisissables lors des différentes collectes. Tous ces éléments, constituent une part importante d’informations manquantes.
b. Annotations manquantes ou inachevées sur plusieurs notices
La rédaction des notes explicatives de plusieurs notices déjà référencées reste à terminer. Celles de plusieurs catégories sont encore, jusqu’à ce jour, vides ou parfois incomplètes.
c. L’absence de certains indices signalétiques sur les références
Plusieurs références ne possèdent toujours pas d’indices signalétiques. Les éléments tels que la date, (qui est indiquée dans ce cas, par le chiffre 0000), l’éditeur, le nomd’auteur (auteur inconnu), ainsi que le lieu d’édition, sont inexistants dans plusieurs notices. Ces détails manquants seront sans doute assez difficiles à compléter car cela nécessiterait une trop grande investigation pour des éléments dont la plupart pourraient être introuvables.
2°Litaf : pour quels usages et pour quels publics ?
La banque de donnée LITAF constitue un vaste réservoir d’informations sur la littérature africaine francophone subsaharienne. Elle permet d’effectuer différents typesde recherches qui vont dépendre de l’intérêt du chercheur ou du simple usager. À notre avis, trois principaux usages peuvent lui être attribués : éducatif, scientifique et technique.
Cette banque de données constitue une documentation unique, sûre et élaborée dans le domaine de la littérature francophone subsaharienne. Elle octroie à tous les usagers un accès plus aisé à toute cette documentation dans le sens où les documents référencés sont
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Entretien personnel avec Virginia Coulon effectué le 4 mai, 2016.
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à la fois numérisés et catégorisés. Cela facilite amplement certaines tâches comme, par exemple, la constitution d’un corpus d’ouvrages selon une thématique donnée ou un auteur particulier, qui peut se faire en moins d’une minute sur LITAF. De plus, chacundes utilisateurs a la possibilité d’établir un catalogage personnel en soustrayant ou en isolant toutes les fiches relatives à sa recherche ; dans ce cas, il suffit de se référer à la classification correspondante. En somme, l’usage de cette banque de données permet de gagner aussi bien, en temps et en précision qu’en efficacité.
Par ailleurs, LITAF est un corpus important pour l’élaboration des travauxbibliographiques. Quelques ouvrages bibliographiques (cités plus haut) ont déjà été rédigés grâce à cette banque de données. Elle pourrait également être un corpus utile àl’élaboration des manuels scolaires pour les différents niveaux d’enseignement. En plus, sa structure offre la possibilité d’un traitement sériel et quantitatif des données répertoriées ; divers travaux employant des méthodes quantitatives comme la nôtre peuvent ainsi y être menés.
Aujourd’hui, la fréquence des consultations de LITAF reste difficile à établir (manque de statistiques sur les données usuelles) ; la plupart des personnes interrogées à son propos ignoraient totalement l’existence de cette banque de données et nous n’avons,de ce fait, pu recueillir assez de témoignages d’utilisateurs. Très probablement, le nombre de ses usagers n’est pas assez élevé. Il est de ce fait essentiel que son existence aussi bien que son utilité soient connues par un public plus large ; ce n’est qu’à partir de ses usagersque le lourd travail établi pour sa constitution pourra être apprécié. De plus, la diversité des motivations des usagers ainsi que les types de recherches exécutés sur cette banque de données permettront de mieux cibler les besoins des utilisateurs dans le but del’optimiser plus efficacement.
3°Les perspectives d’optimisation pour cette banque de données
L’optimisation de cette banque de données est la préoccupation première et permanente de sa conceptrice. Elle souhaiterait que soient maintenues et suivies les misesà jour annuelles dont dépend la vitalité de son œuvre. Elle aimerait aussi que le système d’exploration de cette banque de données soit plus performant donc, mieux structuré.
66
Virginia Coulon présente LITAF en termes de « réussite indéniable ». Cette banquede données est aujourd’hui une véritable référence en ce qui concerne les littératures francophones subsahariennes. Elle reste jusqu’à présent la seule bibliographie informatique répertoriant presque toute la production littéraire d’Afrique francophonesubsaharienne en français, y compris d’autres catégories en lien avec cette littérature (l’art, le cinéma, les médias) bien que leur nombre soit très limité. Les données qui y sont référencées sont très fiables ; elles peuvent aider et orienter tous les chercheurs et amateurs de la littérature en général et de la littérature francophone subsaharienne en particulier. Cependant, cette banque de données exige un entretien et un suivi particulier pour assurer son maintien et sa pérennisation.
En effet, LITAF fait à présent face à des besoins financiers qui sont un frein à son développement et réduisent considérablement sa dynamique. La gestionnaire de cettebanque de données a d’autres projets en cours notamment : rattraper le retard dans la saisie des références manquantes et mettre en ligne les parutions récentes. Toutefois, le manque de moyens ralentit considérablement le bon déroulement de ces opérations, et cela, malgré l’aide de différents chercheurs qui sont membres de l’APELA. Il faut dire que cette aide n’apporte qu’une solution temporaire aux problèmes auxquels fait régulièrement face la gestion de cette banque de données.
Aujourd’hui, son principal défi est celui de sa pérennisation. Sa conceptrice a pris sa retraite et compte désormais passer la main à d’autres acteurs qui pourront y assurer la continuité. Selon Virginia Coulon, le cadre humain et matériel de LITAF doit totalement être repensé. Pour cela, elle a déjà émis quelques idées ; il fut un temps question de transférer les compétences pour la collecte et l’informatisation des données au réseau CRITAO. Cette fusion a toutefois été avortée. Aujourd’hui, le souhait d’intégrer, des équipes nationales compétentes (des pays ayant un lien avec LITAF dont des dix-huit pays cités plus haut) pour la collecte et la gestion des données au niveau local restel’issue la plus probable. Cette manière de procéder devrait instaurer une mutualisation des efforts et à la fois un partage des savoirs qui permettraient à LITAF, de conserver une certaine ardeur qui la maintiendrait en activité et lui assurerait encore des années de fonctionnement. Des équipes compétences ont pu être constituées pour reprendre et parfaire le travail dans la plupart des pays concernés notamment : le Cameroun, leRwanda, la RDC, le Burkina Faso, le Sénégal, le Mali, le Niger, la Côte d’Ivoire, leBénin, le Togo. Elles restent à composer en Guinée, en Mauritanie, au Tchad, au Gabon
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et au Congo où il y a encore des arrangements à faire. Toutefois, l’ensemble desremaniements doit se faire obligatoirement sous la gouvernance des Directions Régionales de l’Agence universitaire de la francophonie en Afrique.
Pour notre part, le site public reste aussi une manière de fédérer une communauté autour de cette banque de données. Ce serait alors, à travers toutes ces personnes, que LITAF pourra plus sereinement évoluer, car nous pensons que son émancipation dans la durée, ne peut qu’être le fait d’un travail collectif. Il est de ce fait plus qu’important derestructurer son système d’exploration ; nous pensons que cette banque de donnéesdevrait proposer à l’ensemble des usagers un lien à partir duquel il serait possibled’introduire, de modifier ou de corriger des références comme ce fut le cas sur LIMAG.Ainsi, chacun d’entre nous pourra y ajouter l’ensemble de ses informations sur lalittérature francophone subsaharienne, ainsi que ses propres travaux. Par contre, toute information proposée devrait obligatoirement faire l’objet d’une vérification minutieuse pour son maintien sur le site.
À l’instar de Virginia Coulon, nous pensons aussi que la conception d’une tellebibliographie reste importante et doit être soutenue par des efforts nationaux des pays concernés ; ils sont nécessaires pour la continuité d’une telle œuvre. Nous suggérons pour cela, de mettre en place dans ces pays, un « Dépôt légal » 80 dont l’exécution nécessiterait l’intervention d’un cadre législatif et réglementaire qui donnerait accès aux droitsd’auteurs comme c’est le cas en France et dans quelques pays concernés (même si, cedépôt légal ne fait très souvent pas l’objet d’un suivi rigoureux dans plusieurs pays francophones subsahariens). Il interviendrait toutes sortes de publications : livresques, périodiques ou estampes etc. Cette organisation permettrait de recenser plus aisément,l’ensemble de la production écrite. Néanmoins, elle ne doit en aucun cas être un dispositif de surveillance et de contrôle étatique, mais une instance purement culturelle et intellectuelle en relation permanente avec l’Agence universitaire de la francophonie qui a toujours coordonné le projet LITAF.
80
Le « dépôt légal » reste une obligation pour toutes institutions ou personnes qui concourent à la vie éditoriale, de déposer chaque document édité ou imprimé sur le sol français à la BibliothèqueNationale de France ou auprès d’un organisme habilité à recevoir ces documents. Il existe dans laplupart des pays concernés un dépôt légal, mais il ne fait sans doute pas, l’objet d’un suivi rigoureux et d’une maintenance permanente.
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Cette façon de procéder ou d’opérer permettrait d’obtenir une collecte des donnéesplus exhaustive avec, à la clé, toutes les informations possibles sur un document, y compris, si possible, les tirages. Cela renforcerait considérablement la mémoire patrimoniale et culturelle en matière de production livresque et écrite dans ces États. En outre, grâce à cela, il serait possible d’établir des bibliographies nationales dont la mise en œuvre pourrait converger vers la publication annuelle d’un catalogue des publications.LITAF, par conséquent, n’aurait plus qu’à être alimentée par l’ensemble de cesbibliographies nationales qui deviendront, comme d’autres catalogues, des sourcesd’approvisionnement pour cette banque de données.
F. Adaptation du corpus et délimitation du cadre temporel
Cette sous-partie n’est pas une continuité de la présentation détaillée que nous venons de faire de LITAF. Elle s’inscrit par contre dans un dyptique qui se proposed’examiner, en premier lieu, les outils du corpus afin de voir à quelles conditions ils peuvent se prêter à une analyse bibliométrique pour en faire bon usage. Ensuite, de situer notre travail dans un cadre chronologique en lien avec les données temporelles introduites dans cette banque de données. En effet, si les banques de données ainsi que d’autrescorpus numérisés sont intéressants pour conduire des travaux scientifiques, leur approche doit toutefois être faite avec beaucoup de prudence. Il est de ce fait essentiel de prendre des précautions tant sur le plan analytique que méthodologique.
Cette analyse se propose de mettre en lumière les dispositions que nous avons dues prendre pour user des instruments bibliométriques sur les données numérisées contenues dans LITAF. En d’autres termes, il sera question, de montrer qu’elles ont été les mises au point et les réajustements qui ont permis d’utiliser de façon optimale ce corpus.
1°Adaptation du corpus
L’on ne peut user de la méthode bibliométrique sans au préalable s’assurer de l’adaptabilité de la source sur laquelle elle se basera. Cela reste pour toute étude de ce
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genre, une condition sine qua non. Dans cette perspective, Raymond Josué Seckel écrit que
s’intéresser à la bibliométrie comme méthode d’analyse de la littérature et defaçon plus générale, de la chose imprimée c’est d’abord s’attacher à la critique d’une source primordiale de cette étude, les répertoires bibliographiques ; plusprécisément, porter son attention sur un élément capital de leur usage à des fins bibliométriques, les cadres de classement qui y sont adoptés pourl’organisation de la matière recensée.81
Comme on peut le lire dans ces lignes, le choix d’une méthode bibliométrique reste en quelque sorte très délicat car il nécessite de prendre au préalable un certain nombre de précautions par rapport à la source sur laquelle elle va s’appliquer ; Isabelle De Conihouten parle comme d’un « préalable indispensable ». Ainsi, avant d’entamer la présenteanalyse bibliométrique, il nous a fallu ajuster notre corpus, en l’adaptant aux besoins et aux finalités de cette thèse. Cette démarche invite à une meilleure utilisation et compréhension des données que nous avons la chance de posséder. Il est question ici de comprendre à quelles conditions les données sur LITAF peuvent se prêter aux traitements bibliométriques, et comment nous avons procédé dans notre cas.
Les conditions de classement des données affectent négativement ou positivement une étude bibliométrique. Certains éléments tels que le manque d’actualisation des données, l’exclusion de certains documents, l’inexistence d’autres, les nomshomographes, le trop peu ou le trop plein d’informations et bien d’autres éléments encore peuvent altérer des quantifications et fausser leur analyse. De ce fait, il est plusqu’important de passer par cette première étape, qui consiste à réaménager plus ou moins le champ d’investigation qui est le nôtre.
En bibliométrie, l’exploitation d’une source entraîne aussi sa critique systématique. Cette dernière n’est en aucun cas une sorte de remise en cause du corpus qui est le nôtre ; elle est par contre une manière de justifier cette nouvelle configuration que nous avons donnée au corpus afin de l’adapter à notre méthode aussi bien qu’à notre démarche, mais aussi, afin d’éviter d’en faire un usage maladroit. Dans cette perspective, nous avons jugé
81
Seckel (Raymond, Josué), « Bibliométrie, bibliographies, classifications », in : Vaillant (A.), dir.,Mesure (s) du livre, Ibidem., p. 41-56 ; p. 41.
70
utile de mettre en lumière les difficultés techniques auxquelles nous avons dû faire face, ainsi que les limites qui se sont imposées à nous dans le cadre de ce travail.
En effet, pour toute analyse quantitative, le plus important est de disposer d’unesource fiable, c’est-à-dire qui se compose de données pouvant être mesurées et suivies quantitativement dans leur progression et sur une certaine période. Ceci, dans le butd’obtenir des résultats plus précis, pouvant le mieux mener vers des analyses plus tangibles. Dans ce sens, LITAF est éligible à ce genre d’étude ; elle remplit parfaitement les conditions que nous venons d’évoquer. Néanmoins, toutes les références qui y sont enregistrées ne peuvent aisément être exploitées car notre analyse ne peut reposer que sur des données « propres »82 et plusieurs d’entre elles ne le sont pas. Cela nous oblige donc à les reconditionner.
Soulignons tout d’abord que «l’auteur de ce projet n’est ni bibliothécaire, nidocumentaliste, ni informaticien mais littéraire de formation. Le point de vue adopté estcelui d’un chercheur et non d’un bibliographe.83 ». Cette orientation à partir de laquelle a été établie cette banque de données pourrait sans doute expliquer les erreurs qui se sont insérées lors de la saisie des données. De ce fait, afin d’en tirer une analyse cohérente et exacte, il nous parait important de redéfinir le corpus afin de l’accommoder à la méthode choisie. Ce faisant, nous allons procéder au fur et à mesure de notre analyse à des tris sélectifs, à des éliminations, à des assemblages ou des constitutions de micro-corpus, qui respectent cependant les classifications déjà existantes dans le but d’y obtenir des données plus « propres » qui pourront nous mener vers des interprétations plus objectives.
Aussi, pour mieux comprendre quelle a été notre démarche, il nous a semblé plus judicieux de faire une présentation détaillée des difficultés auxquelles nous avons dû faire face, dans l’objectif de justifier la démarche empruntée pour contourner les limites structurelles et redéfinir notre corpus.
82
Nous reprenons ici le terme employé par Virginia Coulon elle-même lors de nos différents
83
Coulon (V.), « Litaf : une base de données au carrefour de tous les questionnements. », in Garnier, (Xavier) ; Coulon, (V.), (dir.)., Les littératures africaines, op.cit., p. 457.
entretiens.
71
a. La mise en place d’une nouvelle grille d’interrogation
La banque de données LITAF a été entièrement reconfigurée en octobre 2016 (cf. présentation détaillée de LITAF). Cette restructuration a permis la mise en place d’une nouvelle grille d’interrogation possédant deux volets de recherche, elle reste le principal facteur qui nous a contrainte à remodeler notre travail de recherche. En effet, depuis sa création, l’interrogation de LITAF s’est toujours faite par le biais d’une grille unique et pré-indexée, qui a servi à établir toutes nos premières quantifications. Cependant, la création d’une nouvelle grille d’interrogation a aussi occasionné un changement important au niveau des chiffres obtenus, ce qui nous a obligée à reprendre entièrementl’ensemble de nos quantifications.
En effet, nous nous sommes rendu compte que les résultats des quantifications obtenus à partir de l’ancienne grille d’interrogation étaient envahis de trop de bruits,c’est-à-dire d’éléments non pertinents qui grossissent artificiellement les volumes de production. Nous avons pu le remarquer en comparant les chiffres obtenus avant et après la mise en place de la nouvelle grille d’interrogation. Les sommes obtenues dans les deuxcas, comportaient des écarts incohérents qu’il fallait d’abord comprendre. Pour cela, il estnécessaire de passer au cas pratique. Les tableaux qui font suivre ont été établis à titre illustratif.
Tableau 4 : Volumes de production de quelques genres et catégories fournis parl’ancienne grille d’interrogation
Genres et catégories littéraires |
Sommes totales |
Anthologie |
333 |
Autobiographie |
210 |
Bibliographie |
352 |
Biographie |
182 |
Dictionnaire |
33 |
Essai |
1077 |
Mémoires |
145 |
72
Nouvelle |
1739 |
Poésie |
3605 |
Récit |
507 |
Roman |
6890 |
Théâtre |
2103 |
Les résultats qui vont suivre sont ceux fournis par la nouvelle grille d’interrogation.Rappelons tout de même qu’elle comporte deux volets et la quantification est établie à partir des mêmes genres et catégories littéraires.
Tableau 5 : Volumes de production de quelques genres et catégories obtenus à partir des deux volets de la nouvelle grille d’interrogation
« Recherche simple » |
« Recherche avancée » |
||
Anthologie |
425 |
Anthologie |
300 |
Autobiographie |
290 |
Autobiographie |
135 |
Bibliographie |
763 |
Bibliographie |
314 |
Biographie |
752 |
Biographie |
151 |
Dictionnaire |
64 |
Dictionnaire |
23 |
Essai |
1344 |
Essai |
925 |
Mémoires |
228 |
Mémoires |
125 |
Nouvelle |
3168 |
Nouvelle |
1402 |
Poésie |
4079 |
Poésie |
2413 |
Récit |
1029 |
Récit |
425 |
Roman |
7740 |
Roman |
3374 |
Théâtre |
2360 |
Théâtre |
1106 |
73
Il est tout à fait normal que les résultats obtenus à partir de chacune des grilles interrogées présentent des sommes totalement différentes. Mais un souci de clarté se poselorsqu’on les compare plus finement. On peut voir ainsi que les résultats obtenus à partirde l’ancienne grille d’interrogation sont plus élevés que ceux obtenus à partir du volet « Recherche simple », et la « Recherche avancée » octroie des résultats plus faibles queceux des deux autres grilles d’interrogation. Or, rappelons que la reconfiguration de la banque de données durant l’année 2016 a aussi été l’occasion d’insérer plusieurs nouvelles références. Ainsi, en tenant compte de cet ajout, les résultats obtenus à partir de la nouvelle grille d’interrogation (2016) devraient être forcément plus importants queceux de l’ancienne grille. Toutefois, si cela reste le cas, pour les sommes fournies par le volet « Recherche simple », celles fournies par la « Recherche avancée » sont nettement plus faibles malgré la mise en ligne de nouvelles références. Pour lever cette imprécision, on a dû demander des précisions à Virginia Coulon.
Elle nous a conseillé d’établir toutes nos quantifications à partir du second volet de la nouvelle grille d’interrogation « Recherche avancée ». Cette grille d’interrogation estcelle qui fournit des résultats plus précis et, par conséquent, plus concis. De ce fait, nous avons dû reprendre entièrement nos quantifications et mettre de côté celles qui avaient déjà été effectuées. Toutes les quantifications, dans ce travail, ont été établies à partir du volet « Recherche avancée ».
b. Les problèmes morphosyntaxiques des indexations de la banque de données LITAF
Les termes utilisés dans le catalogue d’indexation de la banque de données posent un souci de clarté dans leur distinction. Plusieurs indices ajoutés aux noms de certaines catégories et genres littéraires tels que : les ponctuations, des lettres spéciales et biend’autres signes distinctifs, empêchent l’identification exacte de la catégorie ou du genre concerné. Dans le tableau ci-dessous, nous avons repris à titre illustratif quelques exemples.
Recueil : Nouvelle Recueil : Nouvelle (s) Recueil : Nouvelles ?
74
Recueil : Nouvelles, poésie Recueil : Nouvelles, poésie, T
Recueil : Poésie Recueil : Poésie ?
Roman Roman ?
Nouvelle Nouvelle : extrait Nouvelle (?) Nouvelles
Comme on peut le voir dans cette liste, la distinction exacte de la catégorie concernéen’est pas évidente. Or, il était indispensable de faire un choix entre les termes etexpressions proposés, dans le but de procéder aux quantifications. Pour plus de précision, nous avons dû, une fois de plus, consulter Virginia Coulon. En effet, sur cette banque de données, les genres et catégories dont l’écriture comporte des signes ou des termes spécifiques, sont ceux qui résistent à un certain classement mais restent proches de la catégorie dans laquelle ils ont été insérés. Dans ce cas, il faut s’en tenir aux formulationsles plus simples à l’exemple de : « Roman », « Nouvelle », « Poésie », pour obtenir lerésultat précis sur une catégorisation.
c. La question du catalogue générique
Nous avons présenté précédemment l’ensemble des catégories et des sous- catégories dont est composée la base de données LITAF. Toutefois, cette abondante variété de documents pourrait tout aussi altérer notre travail. Ainsi, dans l’intention deréduire de façon optimale notre corpus, nous avons dû procéder à un tri sélectif, effectué sur la base du volume de production propre à chacune des catégories dites majeures. Pourcela, il nous a d’abord fallu les quantifier, afin d’obtenir leurs volumes de production globale. Dans le tableau qui suit, nous avons mesuré leur poids global.
Tableau 6- Productions globales des catégories majeures
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Volumes des principaux genres et catégories indexés sur LITAF |
|||
Genres et catégories |
Volumes |
Genres et catégories |
Volumes |
1- Annuaire |
13 |
26-Filmographie |
5 |
2- Anthologie |
300 |
27-Glossaire |
6 |
3-Aphorisme |
2 |
28-Gravures |
1 |
7-Biographie |
151 |
29-Guide |
8 |
8-Catalogue |
18 |
30-Index |
2 |
9-Chanson |
12 |
31-Jeunesse |
1247 |
10-Chronique |
23 |
32-Journal |
2 |
11-Citation |
6 |
33-Lexique |
1 |
12-Compte-rendu |
3669 |
34-Littérature trad. |
587 |
13-Conte |
711 |
35-Manuel Scolaire |
57 |
14- Correspondance |
13 |
36-Mémoires |
125 |
15- Cuisine |
1 |
37-Nouvelle |
1402 |
16-Critique |
10886 |
38-Poésie |
2413 |
17-Dictionnaire |
23 |
39-Préface |
3 |
18-Discographie |
1 |
40-Récit |
425 |
19-Document sonore |
6 |
41-Recueil |
202 |
20-Dossier presse |
1 |
42-Répertoire |
2 |
21-Éditorial |
26 |
43-Roman |
3774 |
22-Entretien |
812 |
44-Scénario |
2 |
23-Essai |
925 |
45-Théâtre |
1106 |
24-Étude |
401 |
46-Scénario |
2 |
25-Exposition |
1 |
47-Thèse |
5 |
Ce tableau met en évidence les volumes très variés des genres et autres catégories dont se compose LITAF. Mais pour cette étude, nous ne pouvons tenir compte de toutes ces catégorisations ; cela risquerait fortement d’altérer notre analyse en nous amenant à procéder à de longs développements qui fausseraient l’orientation que nous voulons
76
donner à cette thèse. Ainsi, nous allons premièrement éliminer toutes les catégories qui posent des limites structurelles ; il s’agit dans ce cas, des genres ou catégories à très faible diffusion, précisément ceux dont le volume ne dépasse pas le nombre de vingt notices. Dans ces cas, la maigreur du corpus empêcherait l’obtention des informations suffisamment enrichissantes pour construire une analyse assez détaillée. Par ailleurs, nous avons aussi écarté toutes les catégories liées à l’audiovisuel et celles en lien avec les domaines artistiques telles que : les dossiers de presse, les entretiens, la filmographie et les documents sonores etc. Enfin, nous avons aussi mis de côté les « genres littéraires par extension ». Cette classification regroupe les catégories peu usitées et dont la production ainsi que la diffusion sont sans doute d’une grande importance, mais reste cependant moins considérable pour l’orientation que nous donnons à notre travail. Dans cette classification nous avons : la préface, les index, les glossaires et même les comptes rendus. Cependant, puisque toutes ces catégories font partie intégrante du corpus, elles restent alors essentielles à cette production écrite. De ce fait, afin de ne pas les exclure totalement, il nous a semblé judicieux, de les intégrer dans une analyse plus globale (prochain chapitre) qui tient compte de l’entièreté des notices.
2°Délimitation du cadre temporel
Chaque étude d’histoire littéraire se base sur un système de périodisation qui selon Alain Vaillant, ne peut qu’être établi sur des durées historiques variables, comme des époques ou des générations. Ainsi, il est important de tracer au préalable un cadre temporel dans lequel va se mouvoir cette recherche, puisqu’elle se déploie à travers le temps et qu’elle porte sur une analyse de la croissance. Il est question ici, d’indiquer et de justifier, les traçages cycliques et périodiques dont nous userons pour analyser l’évolutionde la littérature francophone subsaharienne. La périodisation qui est proposée est uneconstruction personnelle en vue d’une meilleure compréhension et interprétation de notretravail, elle tient cependant compte des différentes datations établies par LITAF.
En effet, cette banque de données rassemble des notices qui s’étendent sur troissiècles successifs : le XIXe, le XXe et le XXIe siècles (jusqu’en 2017). Toutefois, il y a une disproportion au niveau du volume de production de chacune de ces phases séculaires. Le XXe siècle reste le plus important en termes de densité des données, tandis que le XIXe siècle rassemble moins d’une vingtaine de notices et que le XXIe siècle, qui
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affiche certes un volume global important, est encore en cours de constitution. Il est essentiel de tenir compte de ces trois paramètres. Dans ce cas, pour avoir une cohérence dans la progression chronologique de nos analyses, nous avons délimité toutes nos analyses génériques sur la période allant de 1900 à 2010. Par contre, les analyses séculaires couvriront l’ensemble du siècle, sauf le XXIe, pour lequel, on se limitera essentiellement à la première décennie notamment en 2010. Pourquoi cette délimitation temporelle ?
Plusieurs raisons expliquent notre volonté de commencer nos analyses génériques à partir de l’année 1900. D’abord, cette date marque le début d’une phase séculaire, ce quiapporte plus d’exactitude à notre travail, car le siècle est une référence périodique forte qui repose sur un chiffre rond et demeure aisément mémorisable. Mais la justification principale reste le fait qu’à partir du XXe siècle, on perçoit des changements profonds au niveau des données ; elles commencent à prendre un volume important et peuvent désormais être quantifiées sur une longue période. En effet, le XXe siècle constitue unepériode d’âge d’or pour la production écrite tel que nous le verrons dans nos analyses. De ce fait, commencer nos quantifications génériques à partir de cette date, nous a paru plus évident.
Ensuite, nous avons choisi d’arrêter toutes nos quantifications en 2010, afind’obtenir plus de fiabilité dans nos résultats. Comme nous l’avons signalé plus haut, la dernière mise à jour de LITAF a été faite en juillet 2017 après un arrêt temporaire de deux ans et une première reprise qui a eu lieu en octobre 2016. Malgré cela, cette interruption temporaire dans les mises à jour annuelles a occasionné un déséquilibre au niveau del’informatisation des nouvelles références. Aussi, depuis l’année 2015, le retard n’atoujours pas été comblé. La banque de données, depuis 2014, a perdu en dynamisme et accuse un retard aussi bien dans la collecte que dans la digitalisation des données. De plus, au-delà de 2010, nous constatons une baisse généralisée des volumes de production pour tous les genres ayant encore une production à cette date. Nous craignons ainsi que, la collecte des données ait elle-même perdu en efficacité à partir de la deuxième décennie du XXIe siècle et que l’affaiblissement dans ce cas, ne soit simplement, la conséquence des facteurs endogènes au fonctionnement de LITAF. Par mesure de prudence, nous avons préféré arrêter tous les dénombrements à cette date. En outre, étant donné que plusieurs de nos analyses porterons sur des cycles inter-décennaux, cette date cadre parfaitement avec la division cyclique établie dans cette étude.
78
Toutefois, si l’ensemble de nos quantifications génériques s’établiront entre 1900 et 2010, il n’en demeure pas moins que cette période fixe devra s’adapter aux particularitéschronologiques de chacune des catégorisations et des micros-corpus examinés dans ce travail. De ce fait, cette vaste période devra essentiellement être ajustée selon des « périodicités multiples » pour reprendre l’expression d’Alain Vaillant, qui émaneront de chacune des catégorisations analysées. Afin d’être plus concis, nous redéfinirons dans chacune des séquences de ce travail, les différents cycles sur lesquels s’axera notreanalyse ; les cycles seront établis sur la base des périodicités différentes : décennales, semi-séculaire, tricennales interannuelles…
Enfin, la bibliométrie permet souvent de saisir le livre et la production imprimée à travers trois variables que sont: la production, la diffusion et la consommation. Cependant, LITAF offre la possibilité de mesurer seulement la production, à laquelles’intègre la diffusion, d’autant plus que toutes les fiches contenues dans LITAF, ont fait systématiquement l’objet d’une publication et qu’il existe très certainement des inédits. Mais, tous les détails de diffusion ne peuvent être mesurés, car cela exige d’avoir des chiffres sur les différents types de publications (tirages initiaux, rééditions, réimpressions, publication officielle, publication à compte d’auteur…) que LITAF ne fournit pas. La signalétique de cette banque de données, indique les rééditions, les réimpressions et les diffusions « chez l’auteur », sans toutefois donner la possibilité de les quantifier. De même, sur cette banque de données, il est impossible de mesurer la consommation, puisque le faire exige d’avoir des chiffres complets sur le nombre de tirages,d’exemplaires vendus et invendus, qui ne sont malheureusement pas fournis.L’impossibilité de mesurer entièrement ces variables, nous a conduite à axer nos analyses autour de la production/diffusion principalement, en nous appuyant sur les indices signalétiques pour mieux comprendre son évolution.
En somme, il a d’abord fallu tenir compte de tous ces détails, avant d’entamer le travail de quantification. Cette mise au point est un rappel des quelques difficultés qu’ilfallait nécessairement saisir et contourner, à travers des remaniements préalablement établis, mais nécessaires, pour un meilleur usage de la masse des données que LITAF met à disposition.
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CHAPITRE 2 :
ÉVOLUTIONS SÉCULAIRES DE LA PRODUCTION ÉCRITE
80
La littérature ne se borne pas à la simple production livresque et son analyse dans ce cas, ne peut se restreindre aux documents qui sont « aujourd’hui regroupés sous leterme livre »84. Procéder ainsi, c’est renoncer à toute une partie du corpus, car la production littéraire s’étend également à travers d’autres supports imprimés tels que: les monographies, des articles de presses, de revues et de magazines, les thèses et mémoires universitaires, et de nombreuses autres qui sont désignées sous l’expression de« littérature grise »85, ou de « littérature secondaire » pour reprendre l’expression deVirgina Coulon elle-même. On ne saurait alors, comment les dissocier, puisque, l’une enrichit largement l’autre, et il y aurait une complémentarité évidente entre ces deux types de productions littéraires. En outre, certains genres et catégories littéraires recourent de plus en plus pour leur publication, aux revues littéraires et autres canaux de diffusion,en renonçant à l’édition traditionnelle en elle-même, ce qui, par conséquent, engendre une mixité évidente entre les édités et les imprimés, et il n’existe aucun paramètre sur LITAFqui permet de soustraire les uns aux autres. Il est de ce fait impossible, d’obtenir par lebiais de cette banque de données, le volume exact de la production purement livresque.
Ainsi, dans l’objectif de saisir véritablement l’évolution de la littérature francophone subsaharienne, il convient d’interroger au préalable l’ensemble de cette culture imprimée, afin de décliner ses orientations collectives et prendre par la suite appui sur ces analyses, pour mieux saisir l’évolution de ses productions génériques.
Dans cette partie, l’on se situe dans une voie d’interprétation plus englobante. Cettevolonté d’orienter prioritairement notre analyse vers cet axe, reste une nécessité. Avant toute entrée en matière, cette précaution s’impose à nous pour les raisons ces quelques raisons, mais aussi, pour diverses autres.
84
69.
85
Faire un inventaire de tous les écrits en lien avec cette expression reste impossible, car cela dépend du sens qu’on lui attribue, et dans cette thèse, nous usons de cette expression pour désigner toute la production littéraire qui se fait en dehors des catégories littéraires les plus représentatives ou les plus utilisées.
Estivals (R.), La Bibliologie Tome 1, Paris : Société de bibliologie et de schématisation, 1978, p.
81
En effet, afin de ne point nous disperser et par mesure de prudence, nous avons voulu lors des premières ébauches de cette thèse, s’intéresser qu’aux genres dont la duréeet l’intensité renvoient avec beaucoup de certitude aux tendances réelles de cette littérature. On retrouve dans cette classification : le roman, la poésie, le théâtre et dans une moindre mesure la nouvelle et l’essai. Ce sont ces productions génériques qui possèdent des bases suffisamment solides pour conduire une bonne analyse bibliométrique. Elle dépend comme il a déjà été mentionné, des données et des sources sur lesquelles elle repose, et seuls ces genres connaissent une diffusion importante et régulière qui permet un bon suivi des calculs et présentent plus d’exhaustivité dans lesrésultats qu’ils fournissent.
Ce premier schéma avait certes quelques avantages, mais le suivre restreignait fortement notre analyse et nous cantonnait dans un modèle déjà bien établi. Puisqu’auregard de l’ensemble des travaux mené sur la littérature francophone subsaharienne, onpeut constater qu’ils ne gravitent qu’autour de ces quelques genres, en particulier le roman, dont l’ampleur des travaux critiques et historiques traduit l’intérêt scientifique quilui est accordé. Les autres catégories, ne sont pour la plupart que légèrement effleurer ; elles subissent elles aussi une forme de marginalisation. Alors, ne pas emprunter cettevoie nous permettait d’élargir notre champ de recherche et de creuser plus en profondeur notre analyse, en surpassant les limites imposées par la méthode dite traditionnelle.
En outre, la constitution de la banque de données nous y oblige aussi, car sa composition nous impose de nombreuses limites structurelles. En effet, le caractère hétérogène (le trop plein d’informations) de cette banque de données nous a contrainte à réorienter notre démarche analytique afin de contourner prudemment l’amalgame induitepar la diversité des catégories textuelles et autres qui y sont répertoriées. Il est important de rappeler une fois de plus que, la production purement littéraire n’est qu’unecomposante de la banque de données dont plusieurs références peuvent aussi être aussi rangées dans de la paralittérature ou de « la littérature par extension ». Le système de catalogage de LITAF propose un ensemble de grandes catégories et de sous-catégories rendant l’opération de quantification extrêmement complexe (cf. tableau 2, Chapitre 1).C’est un vaste répertoire de données sur la littérature aussi bien écrite, qu’orale. Ellecontient un grand volume de prose, de poésie, de prose d’idées, ou narratives, des œuvresse réclamant ou non de la littérature comme : des dossiers de presse, des expositions, des gravures, etc. Un ensemble de documents sonores, des fractions de textes, de la littérature
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traditionnelle, de la littérature de jeunesse et tout un vaste ensemble de traductiond’auteurs africains d’autres sphères littéraires, des manuels scolaires, des préfacesd’ouvrage, des comptes rendus et un vaste corpus pour la critique littéraire. De ce fait, nepas s’intéresser à toutes ces catégories revenait à escamoter toute une partie de notrecorpus, ce qui l’aurait fortement réduit et, par conséquent, restreint notre analyse. Afind’éviter cette restriction, la seule alternative était de l’élargir à l’entièreté du corpus. Mais cette perspective débouchait aussi sur une autre difficulté, vu que, s’intéresser à toutes cescatégories de manière unitaire reste quasiment impossible par rapport à un certain nombre de facteurs. D’abord, un souci de clarté se pose au niveau de la distinction des catégories indexées. En effet, le classement générique établit dans cette banque de données est très problématique ; la frontière entre certains genres et catégories est difficilement cernable, ce qui complexifie leur distinction. Il existe à la fois, un chevauchement ainsi qu’unehybridité des genres qui fausseraient d’emblée l’exactitude des résultats obtenus. À titre d’exemples, on peut citer : les récits de vie qui se retrouvent à la fois dans les biographies ainsi que dans les autobiographies, on a aussi, plusieurs romans qui se retrouvent dans la catégorie du récit. Ensuite, certaines références sont quasiment inclassables ou résistent à un certain classement, dans ce cas, on a une bonne partie des références sur la littérature de jeunesse, qui se retrouve à la fois dans la catégorie de la littérature traditionnelle, dans celles des manuels scolaires, du conte et vice-versa. Cette catégorisation assez instable ne permet pas de prendre la mesure exacte de plusieurs genres surtout ceux qui relèvent de la « littérature traditionnelle » et aussi, de la « Jeunesse » (comme mentionné dans la banque de données). Il s’avère alors impossible, de les quantifier de manière isolée.
En outre, certaines catégories répertoriées ne possèdent pas une valeur historique assez importante pour que leur évolution soit particulièrement suivie dans ce travail. Ils’agit ici des catégories comme des entretiens ou encore des préfaces qui sont certes intéressantes, mais moins importantes pour l’orientation que nous voulons donner à notre étude. Enfin certains genres affichent une production extrêmement faible, qui rend le suivi de leur évolution très difficile; cette classification concerne des genres ou catégories littéraires qui ont moins d’une vingtaine de fiches référencées. Dans ce cas, la minceur du corpus atrophie considérablement l’analyse qui peut y être menée.
En outre, LITAF recense aussi la production de quelques documents sonores, etd’autres que l’on pourrait classer dans le domaine de l’art et du cinéma. Ces fiches forment un corpus certes particulier dans son aspect, mais qui reste noyé dans
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l’immensité de la documentation écrite dont se compose presqu’exclusivement cettebanque de données. Toutefois, ces quelques références ne peuvent altérer les résultats obtenus du fait de leur nombre très réduit. Il faut rappeler que, le but dans cette analyse et dans toutes celles qui suivront, n’est pas d’obtenir des résultats exhaustifs, mais d’obtenir des approximations dont l’interprétation conduira à des évidences. Comme le précise Alain Vaillant : « Une étude statistique ne prouve jamais qu’une hypothèse est juste, ellepermet seulement de vérifier que les faits observés au moyen ne l’infirment pas. »86
Pour ne pas éliminer toutes ces catégories assez particulières, et en occurrence toute une partie de notre corpus, il nous a alors fallu les interroger en un seul ensemble. Ces différentes raisons nous ont amenées à nous situer dans une vision plus globale. Dans ce chapitre, l’objectif sera de rendre compte du développement de toutes les composantes répertoriées dans cette banque de données en faisant abstraction des catégorisations. Cettemanière de procéder offre la possibilité d’établir une histoire quantifiée et globale du livreet d’autres imprimés dans leur ensemble, d’en dégager les structures signifiantes et les périodes particulières, mais aussi de mesurer la vitalité par l’observation de l’évolution decette production année après année.
Pour ce faire, notre examen s’établira sur la base de simples dénombrements consistant à mesurer le volume de production annuelle. Les chiffres obtenus seront des indicateurs essentiels qui permettront de construire une courbe de production annuelle et par la suite, d’identifier plus aisément, les grandes périodes de production, les périodes de régression ou encore de stagnation. En somme, il sera question de mettre en relief toutes les variations quantitatives de cette production littéraire, dans l’objectif de saisir l’influence des phénomènes conjoncturels et structurels sur son évolution.
Notre analyse dans ce chapitre, va se mouvoir dans la vaste période allant de 1800 à 2010. Toutefois, nos quantifications s’établiront sur la base de périodes séculaires et elles teindront compte de l’ensemble des données de chacune de ces phases. Par la suite, nous travaillerons à partir des corpus plus réduits, car s’il est judicieux de s’intéresser à lagrande masse de données, il reste cependant difficile de ressortir sur cette base, des
86
Vaillant (A.), « L’écrivain, le critique et le pédagogue (1840 –1909). Éléments de bibliométrie littéraire. », in Espagne, (Michel) ; Weber, (Michael), dir., Philologiques I. Contributions àl’histoire des disciplines littéraires en France et en Allemagne au XIXe siècle, Paris : Éditions dela Maison des Sciences de l’Homme, 1990, p. 311- 319 ; p. 312.
84
réalités bien distinctes et d’en faire des analyses plus profondes. Il sera question, de prendre largement appui sur ces résultats d’ensemble pour mieux conduire notre examen des données spécifiées.
A. Le XIXe siècle : les débuts d’une production écrite
Le XIXe siècle a été marqué par une littérature coloniale dont l’avènement se situedurant la seconde moitié de cette période. Contrairement à son ainée la littérature exotique, axée sur les premières rencontres entre les occidentaux et les peuples d’ailleurs(Afrique-Asie-Océanie), elle se situe selon Jacques Weber à la fin de la conquête coloniale, c’est-à-dire dans un climat plus apaisé, qui a aussi été marqué par de grandes mutations historiques. Les indicateurs chronologiques ainsi que les des contextesd’émergence de ces deux mouvements littéraires conduisent la plupart des historiens de la littérature à les opposer dans leur acception. Roland Lebel par exemple, établit une distinction précise entre littérature exotique et littérature coloniale en opposant leurs visées littéraires. Il écrit à ce propos que :
La littérature coloniale réside dans l’essence des idées, des sentiments, des faitsexprimés, et non pas dans le lieu, dans le décor. L’exotisme est plusromantique que le colonial. Exotisme s’oppose à colonialisme commeromantisme s’oppose à naturisme. 87
On peut alors comprendre que les objectifs exploratoires de la littérature exotique, péjorativement qualifiée de « littérature d’évasion et de voyage »88 ne sont pas ceux de la littérature coloniale qui se veut scientifique et nécessairement plus réaliste. Cette orientation littéraire a été en accord avec les différentes réorganisations, les grandes perspectives et les débats d’idées qui ont marqué la fin de ce siècle. Selon Jacques Weber, la littérature coloniale dans sa démarche, pose une réflexion sur « le bien-fondé, lesréalisations et le devenir de la domination blanche [...] elle s’en tient à la réalité des faits,
87
88
Lebel, (Roland) cité par Weber (Jacques), « La littérature, une source de l’histoire coloniale », in : Weber (J.), dir., Littérature et histoire coloniale, Paris : Les Indes savantes, 2005, p. 13-116 ; p. 16.
Cette expression est empruntée à Jacques Weber, elle est tirée du texte précédemment cité.
85
et cherche à comprendre les choses et les êtres. 89». Donc, elle se veut alors plus pointilleuse, et prend nécessairement appui sur des bases ou encore des réalités purement historiques faisant d’elle une sorte de « littérature documentaire », pouvant être à la fois une source importante pour l’histoire coloniale en elle-même, mais aussi, pour les fondements historiques de la littérature francophone subsaharienne. Ainsi, faire un préambule sur la littérature coloniale, dans un travail d’histoire littéraire francophonesubsaharienne n’est point incongru, étant donné que, c’est dans ce contexte littéraire que l’on peut situer les premiers écrits sur les premières colonies d’Afrique noire (en voie depossession) qui annoncent les débuts d’une littérature subsaharienne en langue françaisedont la production s’est accrue au fil des années.
Concernant le XIXe siècle, LITAF propose une bibliographie de neuf références, partagée entre des livres et des monographies. Le petit nombre de données que rassemble cette phase séculaire, permet de les introduire entièrement dans un tableau récapitulatif etd’y insérer l’ensemble des détails signalétiques de chacune des fiches qui serviront de référence pour notre analyse.
Tableau 6- Récapitulatif de la production écrite au XIXe siècle
Nombre
Année
Références
1
1808
Grégoire, Abbé Henri Baptiste, De la littérature des nègres, ou Recherches
sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités morales…suivies de noticessur la vie et les ouvrages des nègres qui se sont distingués dans les sciences, les lettres et les arts. Paris, Maradan, 288 p., [Critique].
2
1828
Roger, M. le Baron [Jacques-François], Fables sénégalaises, recueillies de
l’Ouolof, et mises en vers français avec des notes destinées à faire connaître la Sénégambie… et les mœurs des habitants Paris, Nepveu, libraire Firmin-Diderot, Ponthieu libraire, 1828, 288 p., [Littérature trad.].
3et4
1850
3-
partie], Revue coloniale, Paris, nov. 1850, p. 379-445, [récit de voyage] : Sénégal.
Panet, Léopold, La Relation d’un voyage du Sénégal à Soueira [première
89
Weber, (J.), « La littérature, une source de l’histoire coloniale », in : Weber, (J.), dir., Littérature et histoire coloniale, op.cit., p. 14.
86
5
1853
4- Panet, Léopold, La Relation d’un voyage du Sénégal à Soueira [deuxième
partie], Revue coloniale, Paris, déc. 1850, p. 473-563, [récit de voyage] : Sénégal.
Boilat, David [l’Abbé], Esquisses sénégalaises : physionomie du pays,
peuplades, commerce, religion, passé, et avenir, récits et légendes : vol 2, Paris Éd. Artus Bertrand, 1853, 495 p. + 31. [Étude ; Littérature trad.] : Sénégal
6
1879
Paris, E. Leroux, 1879, 420 p. [Littérature trad.]
7
1881
Bérenger-Féraud, Laurent-Jean-Baptiste, Les peuplades de la Sénégambie,
Soleillet, Paul, Les voyages et découvertes de Paul Soleillet dans le Sahara
et dans le Soudan, racontés par lui-même, rédigés sur ses mémoires, notes et carnets de voyage, par Jules Gros, préf. par E. Levasseur, Paris, M. Dreyfous, 1881,241 p. [Récit de voyage ; Critique : Théâtre] : France.
8
1885
Bérenger-Féraud, Laurent-Jean-Baptiste, Recueil de contes populaires de la
Sénégambie, Paris E. Leroux, 1885, 260 p. (coll. Contes et Chansons populaires, 9), [Contes]
9
1887
Junod, Henri, Alexandre, Les chants et les contes des Ba-ronga de la Baie
de Delagoa, Lausanne, G. Bridel, 1897, 327 p. [Littérature trad ; Contes]
Malgré l’infime quantité des données de production, elles permettent néanmoins de dresser un aperçu général de la littérature francophone subsaharienne tout au long du XIXe siècle et d’interroger ainsi son contexte de production.
Les recherches de l’Abbé Grégoire sur l’itinéraire intellectuel des Noirs en 1808 ouvrent la liste des références bibliographiques de cette banque de données. Cet ouvrage reste un pionnier dans ce cas ; son auteur s’est très tôt intéressé aux productions artistiques et scientifiques mais aussi littéraires des populations noires. S’en suivront,d’autres publications plus axées sur la littérature traditionnelle ou ethnologique qui pour la plupart, sont des transcriptions en langue française du patrimoine culturel oral africain, ainsi que les us et coutumes des peuples subsahariens.
Les données fournies pour ce siècle ne permettent pas de parler réellement d’unelittérature subsaharienne de langue française. Les termes employés dans ce cas,
87
(francophone-subsaharienne) ne renvoient à aucune réalité humaine et même géographique distincte. Historiquement, c’est lors de la conférence de Berlin (1895) que les territoires coloniaux ont été départagés. Donc, c’est suite à cet évènement qu’a été créée la première fédération coloniale française : l’Afrique occidentale française (AOF) composée de quatre colonies 90 dès sa création. Son organisation ultime s’est établie au début du siècle précédent notamment en (1903) 91. En 1910, une autre organisation similaire voyait le jour : l’Afrique équatoriale française (AEF) qui regroupait quant à elle quatre colonies 92. Toutes les deux représentaient durant une certaine période, l’empirecolonial français en Afrique subsaharienne. À ces deux fédérations, il faut ajouter les quelques colonies belges y compris le Djibouti qui ont fait plus tard leurs entrées, pour constituer une aire linguistique francophone en Afrique subsaharienne. Par conséquent, la littérature francophone subsaharienne telle qu’elle qu’on l’identifiera par la suite, ne pouvait être constituée en tant que telle. Aucun élément ne permettait de la définir véritablement, car le simple usage de la langue française ne pouvait à lui seul englober toute cette réalité. Le plus simple fut de la corréler ou encore de l’inclure, dans la production littéraire coloniale ayant un lien avec les fédérations coloniales qui commençaient tout juste à se mettre en place. À cette période, il était très difficile de trouver une formulation appropriée pour désigner cette production écrite, un problème terminologique qui, jusqu’à présent, fait encore débat.93
Les données contenues dans le tableau, nous laissent constater qu’il existait simplement à cette période, une production littéraire ou écrite relative à des territoires en
90 91
92
93
Sénégal, Soudan français, Côte d’Ivoire, Guinée française.
Elle regroupe dès 1903 : le Sénégal, le Guinée française, le Soudan français (devenu Mali), la Côted’Ivoire, le Niger, le Dahomey qui deviendra Bénin, la Mauritanie et la Haute Volta qui a étérebaptisée Burkina Faso. Le Togo qui était une colonie allemande fait son entrée dans cette organisation après la Première Guerre Mondiale notamment en 1919.
Cette entité fédérale regroupait dès sa création quatre colonies : l’Oubangui-Chari (devenuaujourd’hui la République Centrafricaine), le Tchad, le Gabon, le Congo français (Congo -Brazzaville). L’entrée du Cameroun s’est faite après la Première Guerre Mondiale (1919).
On fait référence ici, à un manifeste (paru dans Le Monde des livres en 2007) signé par unequarantaine d’écrivains francophones qui remettaient en cause l’expression de « littérature francophone » renvoyant implicitement aux notions de « centre » et de « périphérie » donc à unrapport de domination et proposaient de la remplacer par l’expression de « littérature-monde en français ».
88
voie d’occupation et de colonisation française, en particulier, la Sénégambie sur laquelle est centrée la quasi-totalité des écrits. L’intérêt porté à cette contrée, s’explique par une situation géographique appropriée ; une ouverture sur l’Atlantique faisant d’elle une plaque tournante pour les échanges entre l’Afrique et l’Occident. Mais surtout, parcequ’elle fût dès la fin de ce siècle, le chef-lieu de la fédération coloniale d’AOF. En somme, cerner les contours de la production littéraire du XIXe siècle reste très complexe, car le contexte de production était encore très imprécis (instabilité géographique et linguistique) et les acteurs de cette production ne présentaient pas de réelle identification.
En effet, les références dans leur ensemble, sont presqu’entièrement l’œuvre desécrivains occidentaux qui présentent chacun leur vision de la réalité subsaharienne. Les intitulés des ouvrages et monographies, laissent percevoir les visées ethnographiques de chacun de ces écrits. De ce fait, on pourrait aisément les ranger dans de la paralittérature, car le désir d’écriture est animé par une volonté de partager des expériences sur les cultures, les contrées, et les peuples inconnus. La signalétique montre que la majeure partie de ces écrits sont des traductions de la culture orale des peuples subsahariens en langue française ; en grande majorité, la production littéraire à cette période possédait une grande valeur documentaire. Pour Jacques Weber, ce détail reste commun à la quasi- entièreté de la production coloniale, il dit à ce propos que
Les qualités littéraires de ces œuvres de circonstance sont certes discutables,quoique certaines réservent d’heureuses surprises. En revanche, leur valeurdocumentaire est incontestablement et l’historien trouve dans ce corpushétérogène, qui comprend des poèmes, des romans, des récits de voyages et des reportages, des apologies et des pamphlets, ce qui manque souvent dans lesarchives, l’atmosphère de l’époque, les débats philosophiques et politiques qui agitent l’opinion, les petits soucis et les grandes passions d’une génération.94
Les œuvres référencées durant ce siècle constituent un grand réservoir ethnographique ;elles situent le lecteur dans un milieu culturel et intellectuel subsaharien.
Par ailleurs, l’entrée sur la scène littéraire de deux écrivains franco-sénégalais : Panet Léopold et David Boilat a été un fait marquant durant ce siècle. Pour certains historiens et critiques : Cornevin (1976), Ossito Modiohouan (1986), Oupoh Gnaoulé
94 Weber, (J.), « La littérature, une source de l’histoire coloniale », in : Weber, (J.), dir., Littérature et histoire coloniale, Idem., p.13
89
(2000), ils ont été des précurseurs d’une littérature subsaharienne d’expression française.Toutefois, ce rôle de pionnier fait réellement débat ; Hausser et Mathieu (1998) le contestent catégoriquement en indexant l’absence d’une valeur littéraire réelle dans chacune de leurs productions. Selon eux, parler de littérature francophone subsaharienne durant cette phase séculaire serait un véritable anachronisme.
Cette problématique soulève la question des origines de la littérature francophone subsaharienne. Hausser et Mathieu affirment à ce sujet que «les origines de cette littérature sont naturellement ambiguës 95» du fait que, sa naissance a toujours été contextualisée selon les approches des personnes qui s’y intéressent. Roland Lebel par exemple, propose une définition plus englobante rassemblant « l’ensemble des œuvres relatives à l’Afrique, et portant témoignage sur l’élément physique et humain sans distinction de l’origine de l’auteur.96 ». Dans ce sens, il y intègre toute la littérature coloniale comme faisant partie intégrante de cette littérature francophone subsaharienne. Certains la situent parallèlement à la première production écrite en français par un auteur subsaharien. D’autres la situent dès la publication d’une « œuvre inaugurale », c’est-à- dire : « la première œuvre littéraire produite par un autochtone, imprimée localement et portant des traces de son insertion dans un espace spécifique, sa couleur locale »97. Plusieurs tiennent compte de l’aspect quantitatif et la caractérisent sur la base d’un certainnombre de productions littéraires, écrites par des Subsahariens et des écrivains d’originesubsaharienne en langue française (dans ce cas c’est souvent la période de l’entre-deux- guerres qui est retenue). Beaucoup d’autres situent sa naissance dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Étant dans une perspective bibliométrique portant sur un corpus donné, la question des origines, dans ce cas, reste liée aux données sur lesquelles se base notre analyse. Néanmoins, il est essentiel de nous intéresser à l’évolution de la production littéraire quel’on pourrait qualifier d’« autochtone », c’est-à-dire produite par des écrivains subsahariens, car elle révèle des indicateurs permettant de mieux comprendre l’évolution quantitative de la littérature francophone subsaharienne.
95
96 97
Hausser, (Michel) ; Mathieu, (Martine), Littératures francophones III. Afrique noire, Océan Indien, Berlin : Éditions Belin, 1999, p. 16.
Gnaoulé Oupoh (Bruno), art. cit., p. 154.
Beniamino, (Michel), La francophonie littéraire, Paris : L’Harmattan, 1999, p. 99.
90
En effet, si la littérarité des écrits de Panet Léopold et de David Boilat a été remise en cause, leur statut d’écrivain reste indéniable; ils ont été parmi les premiers autochtones (selon LITAF) à écrire sur leur peuple en utilisant la langue française. Une possibilité dont ils ont très tôt pu bénéficier grâce à leur double appartenance culturelle (franco-sénégalaise) qui leur avait permis d’intégrer dès ses débuts, l’école françaiseimplantée sur l’île de Saint Louis en Sénégambie durant le premier quart du siècle. En effet, au cours de ces premières phases d’installation de l’école française en Afriquesubsaharienne, les mulâtres ont été les premiers à accéder à la scolarisation, du fait que la politique coloniale française en faisait une catégorie sociale intermédiaire, bénéficiantd’un certain nombre de privilèges. Dans sa thèse, Denise Bouche explique ainsi que, tout au long du XIXe siècle, « le plus gros de l’effectif scolaire à cette période était constitué de jeunes mulâtres qui bénéficiaient de ce privilège, par rapport aux indigènes. »98 Par conséquent, leur appropriation de la langue française s’est ainsi faite plus précocement.
Le parcours de ces deux écrivains est d’une importance capitale, il révèle le faitque, durant ce siècle, l’école était encore un monopole réservé à quelques privilégiés. Dans un tel contexte, la production littéraire en langue française ne pouvait connaître un réel essor, car cela nécessitait une certaine maîtrise de la langue et une ressource humaine importante, apte à produire et à consommer en français. De ce fait, la minceur du volume de production durant cette période, s’explique par la quasi-inexistence d’une population pouvant parler et écrire couramment français.
Il est souvent rappelé que « les sociétés négro-africaines étaient dans l’ensemble des sociétés de l’oralité, qui furent initiées à l’écriture qu’aux dix-neuvième et vingtième siècles, grâce à la présence européenne.99 » Si cela reste discutable, il est toutefois évident que, c’est au cours de cette période que le français (écrit et parlé) commence véritablement à être appris aux populations locales. On peut alors comprendre quel’accroissement de la production littéraire subsaharienne en langue française, dépendra largement de ce facteur sociolinguistique, c’est-à-dire de la pénétration et de98
99
Bouche, (Denise), L’enseignement dans les territoires français de l’Afrique occidentale de 1817 à1920, Tome 1, Thèse de doctorat en Histoire de l’éducation, sous la direction de HenriBrunschwig, Université Panthéon-Sorbonne, 1975 : Service de reproduction des thèses de Lille 3, p. 81.
Gérard (Albert), Afrique plurielle, études de littérature comparée, Amsterdam-Atlanta : Éditions Rodopi B.V, 1996, p. 17.
91
l’appropriation de cette langue en Afrique noire. En effet, l’expansion du français dans cette partie du monde, s’est faite presqu’exclusivement par la scolarisation ; durant plusieurs décennies, elle fut l’unique moyen d’apprendre à écrire, à parler et à lire correctement dans cette langue. De ce fait, pour saisir l’évolution quantitative de laproduction littéraire francophone subsaharienne, il est essentiel de cerner en prioritél’évolution chronologique, géographique voire quantitative de la scolarisation en Afrique noire. Parce que, aussi bien dans cette partie du monde comme partout, c’est l’école qui a toujours consolidé la production écrite. Cependant, hormis le facteur scolaire, d’autreséléments (sociologiques, politiques, démographiques, économiques…) ont pesé sur la régularité de cette production écrite, nous tenterons de ressortir chacune de leurs influences.
Les difficultés de production encore très abondantes durant ce siècle, rendentimpossible la mise en place d’un véritable dispositif éditorial dans les colonies (hormis quelques imprimeries). Ainsi, la signalétique laisse constater qu’au cours du XIXe siècle, le livre était encore un matériel inaccessible et donc presqu’inexistant pour les quelques auteurs subsahariens qui avaient pu écrire et se faire publier. Or, il reste indispensablepour la constitution d’une littérature, étant donné qu’il procure une certaine légitimité. Ainsi, tout au long de nos quantifications, nous allons essayer de suivre la progression de la production livresque à l’intérieur même de toute cette culture imprimée. Cela permettra de comprendre, les conditions historiques d’accès à l’édition et les métamorphoses du livre dans le cadre de la production subsaharienne écrite en français.
En somme, la modestie ainsi que l’irrégularité de la production tout au long de ce siècle ne permettent pas d’en tirer une analyse amplifiée. L’absence des conditions nécessaires rend difficile l’essor d’une production écrite en français. On peut dire que la principale cause de cette sous-production a été l’implantation très récente et encore peu étendue de l’école coloniale française.
Qu’est est-il alors du siècle suivant ?
92
B. Les nouvelles données de production écrite au XXème siècle
L’histoire littéraire quantitative ne peut se faire qu’à travers deux phases successives : la première qui consiste à quantifier simplement des données et la seconde, plus explicative, qui vise à les interpréter. Cette phase d’interprétation doitnécessairement s’appuyer sur d’autres facteurs : « géographiques, démographiques, sociales, politiques, économiques, culturelles, psychologiques qui ne concernent pas directement le livre » 100, mais qui permettent d’établir des liens de causalité. Il est alors essentiel de relier ces différents éléments pour parvenir à organiser un schéma globald’interprétation. Ainsi, nous nous situons dans une démarche pluridisciplinaire qui prendra appui sur les quantifications bibliométriques pour dégager les paramètres qui conditionnent les niveaux périodiques de la production écrite. Mais auparavant, il reste important de tracer les grandes lignes qui ont dessiné le paysage littéraire subsaharien (plus précisément celui des colonies françaises) tout au long du XXe siècle. Cela estd’autant plus important, si l’on considère que la production littéraire n’est pas un fait totalement isolé, et qu’elle n’a pu s’établir que grâce à un ensemble de conditions qui sont liées les unes aux autres. Sachant aussi que la littérature subsaharienne de langue française s’est elle-même formée dans des situations sociologiques, historiques, politiques, géographiques entre autres, assez particulières.
Le XXe siècle a marqué l’histoire du monde de façon générale ; cette période est pleine de rebondissements historiques dont certains ont été très significatifs. En Afrique subsaharienne notamment, les débuts de ce siècle sont marqués par la réorganisation et la création des fédérations coloniales françaises dont les premières configurations remontent au siècle dernier. Durant la première décennie du siècle, elles ont pris des contours géographiques plus stables, une organisation administrative plus coordonnée qui a donnéplus d’envergure à l’école coloniale française. Par ailleurs, comme partout dans le monde, les deux Guerres Mondiales ont été des périodes d’anomie ayant entrainé des conséquences importantes (perte des vies humaines et gestion difficile de la vie courante) sur cette partie du monde. Paradoxalement, chacune de ces deux guerres a aussi entrainé des mutations importantes dans la gestion des colonies ; surtout la Seconde Guerre mondiale, qui a accéléré le cours de l’histoire en suscitant une réorientation de la
100
Estivals, (R.), La Bibliologie, Paris : Société de bibliologie et de schématisation, 1978, p. 41.
93
politique coloniale. La bataille des décolonisations a abouti à l’octroi des indépendances et, durant les années 1960, la plupart des anciennes colonies (françaises et belges) ont accédé à la souveraineté internationale. Toutes ces anciennes colonies devaient désormais se construire en tant qu’État indépendant, les politiques menées dans ce sens, ont largement favorisé les flux de la production écrite en langue française.
Ces quelques évènements cités, présentent le contexte historique de production durant ce siècle. L’on se demande, comment ont-ils impacté l’évolution de la production écrite en français au cours de cette phase séculaire ?
La production littéraire francophone subsaharienne a largement profité del’accroissement du lectorat et des nombreuses métamorphoses dans le domaine del’édition. Pour cette période, LITAF affiche un total de 20405 notices, soit un corpus constitué de livres et d’autres types d’imprimés. Par rapport au cycle précédent, on note une rupture évidente ; la production écrite a pu prendre des proportions bien plus importantes. En effet, le XXe siècle, demeure jusqu’à ce jour, la période la plus prolifique ; et compte tenu de son important volume de production, il nous a semblé plus judicieux de scinder son analyse en deux parties. Une première, qui couvre toute la première moitié du siècle (1900 à 1950), et une seconde qui intègre la période allant de 1951 à 2000. Quelle a été l’évolution de la production écrite au cours de ces deux cycles ?
1° Évolutions de la production écrite entre 1900 et 1950
Établir un premier aperçu de la production écrite des vingt premières années de ce cycle nous a semblé intéressant. Cette première étape permet de détailler et d’analyser de façon plus pointilleuse la production écrite des deux premières décennies du XXe siècle. L’objectif est de mieux saisir les mutations progressives qui ont eu lieu entre cette phase séculaire et la précédente, avant de nous étendre sur l’ensemble de la période.
Un tableau récapitulatif, mettant en exergue toute la production des vingt premières années, permet de saisir les détails de cette production et de suivre plus finement, les mutations progressives entre cette période et la précédente. Les notices y sont rangées par ordre de parution.
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Tableau 7 – Récapitulatif de la production entre 1900 et 1920
Nombre |
Année |
Références |
1 |
1901 |
Schreiner, Olive, Histoire d’une ferme sud-africaine, publié sous le nom de Ralph Iron, trad. De l’anglais par Mme Charles Laurent, Titre original : Story of an African Farm, Paris, 188 : P. Ollendorff, 1901, 332p. [Roman] : Afrique du Sud. |
1 |
1903 |
Basset, René, Contes populaires d’Afrique, Paris, E. Guilmoto, 1903,445p, (coll. Les littératures populaires de toutes les Nations, 47), [Contes]. |
1 |
1904 |
Adam, M.G, Légendes historiques du pays de Nioro [Sahel], Paris, A. Challamel, 1904, 121p, (coll. Afrique mélanges, 22), [Littérature trad.]. |
1 |
1905 |
C. Monteil ; préf. René Basse, Soudan français. Contes soudanais, Paris, E. Leroux, 1905, 205p, (coll. Contes et chansons populaires, 28), [Contes]. |
1 |
1907 |
Lanrezac, Lieutenant, Légendes soudanaises, Bulletin mensuel de la société de géographie de Paris, Paris, Société de Géographie Commerciale de Paris, 1907, vol. 24, n°10, p. 607- 619, [Littérature Trad.]. |
1 |
1911 |
Dupuis-Yacouba, Les Gow ou chasseurs du Niger : légendes songaï de la région de Tombouctou, publiées et traduites par A. Dupuis-Yacouba ; préf. Maurice Delafosse, Paris, E. Leroux, 1911, 330p, [Littérature trad.]. |
3 |
1912 |
1- Diop, Massyla, Le Réprouvé (Roman) : récit, Paris, SN, 1912, pag. Inconnue, [Roman] : Sénégal. 2- Duguay-Clédor, Amadou La Bataille de Guilé, Saint-Louis, Impr. Lesgourgues, 1912, pag. Inconnue, [Récit Historique] : Sénégal. 3- Gaden,Henri,Légendesetcoutumessénégalaises:cahiersdeYoro Dyâo, Paris, E. Leroux, 1912, 31 p, [Littérature trad.], Sénégal. |
4 |
1913 |
|
95
1 |
1914 |
Van der Liden, Fritz, Contes des Tropiques. Histoires congolaises, Bruxelles, Paris, Londres, Association des écrivains Belges, 1914, 195, p, [Contes |
2 |
1915 |
1- F.V. Equilbecq, Essai sur la littérature merveilleuse des Noirs, suivi deContes indigènes de l’Ouest-Africain français : Tome II, Paris, E. Leroux, 1915, 307 p, (coll. Contes et Chansons populaires, 42), [Conte]. 2- Diagne Ahmadou, Mapaté, Les Trois volontés de Malic, Paris, Larousse, 1915, 28, p, [Roman], Sénégal. |
2 |
1916 |
|
1 |
1918 |
Sibibé, Mamby, Monographie régionale de Fada N’Gourma, Bulletin du ComitéHistorique et Scientifique de L’A.O. F, Dakar, juin, 1918, n°39, 1918, 111 p, [Étude], Mali. |
1 |
1920 |
Diagne Ahmadou, Mapaté, Les trois volontés de Malic, Paris, Larousse, 1920, 32 p, (coll. Les livres roses pour la jeunesse, 274), [Roman], Sénégal. |
À la lecture de ce tableau, on constate, au premier abord, l’accentuation du rythmede production par rapport à la décennie précédente. Pour ces vingt premières années, la banque de données affiche un total de 20 notices, soit plus du double de la production enregistrée au XIXe siècle.
Les détails des fiches, relayés dans ce tableau, laissent voir que, la production écrite de ce début de siècle, continue dans la même lancée thématique que celle du siècle précédent. On reste plongé dans des écrits ethnographiques, partagés entre des traductions françaises des contes et légendes africains, ainsi que, des témoignages qui, en majorité, sont des récits de voyage. Du point de vue des thèmes abordés, et des acteurs de la production, il y a une grande similarité entre les deux cycles.
C’est en 1912, qu’intervient un changement significatif dans cette production écrite. Il s’agit de la parution de deux récits écrits par des auteurs sénégalais : Le Réprouvé de Diop Massyla et La Bataille de Guilé de Dugauy-Clédor Amadou qui est un récit historique. Cette année a été très significative dans l’évolution de la littérature francophone subsaharienne ; elle marque non seulement, l’entrée sur la scène littéraire
96
d’autres écrivains subsahariens, mais surtout, ces deux récits ont aussi introduit la notion même de genre littéraire dans cette production écrite.
Selon LITAF, le récit-roman de Diop Massyla est le premier livre et à la fois, la première édition d’un auteur subsaharien. Mais, plusieurs critiques et historiens de la littérature francophone subsaharienne : Chevrier (1996), Kestloot (2001), Buata (2003), Hausser et Mathieu (1998), présentent le roman-récit Les trois volontés de Malic de Diagne Mapaté comme la première parution littéraire d’un écrivain subsaharien écrit en français. Ce même roman est souvent présenté, comme étant celui à travers lequel, a émergé la littérature francophone subsaharienne. Ces différents positionnements renvoient une fois de plus, à la question des origines de cette littérature. À travers eux, on peut saisir les divergences que soulève cette problématique. Les données fournies parLITAF situent l’avènement d’une littérature francophone subsaharienne au XIXe siècle. Toutefois, chacun y propose une datation qui correspond à sa conception qu’il ou elle sefait de cette littérature.
Par ailleurs, c’est aussi durant ces premières années que l’on note les premièresproductions livresques, bien que leur quantité soit encore très infime. En effet, l’accès aulivre reste très symbolique dans ce cas, du fait qu’elle inclut une ouverture au monde del’édition qui lui apporte une sorte de légitimation. Pour Alain Vaillant, « les auteurs ont besoin du livre : comme la séduction de la conquête, parce que celui-ci confère non seulement un moyen de légitimation, mais surtout, aux propres yeux de l’auteur, sa légitimité – un droit à être »101. On peut comprendre alors que le livre reste d’une importance capitale pour la constitution d’une réelle production littéraire, même si celle- ci peut très bien se décliner au moyen d’autres supports. Cependant, à partir de 1985,l’UNESCO recommandait de n’employer ce terme que pour une «publication non périodique imprimée, comptant au moins 49 pages, page de couverture non comprise, éditée dans le pays et offerte au public » 102. Il faut dire que les mutations dans ledomaine de l’édition ont aussi entrainé une redéfinition du livre dans sa composition. SurLITAF, la signalétique (à travers les indices) donne un aperçu sur l’évolution quantitative et structurelle du livre dans cette production écrite. S’intéresser à cet aspect de la question
101
102
Vaillant (A.), « l’un et le multiple, essai de modélisation bibliométrique », in : Vaillant (A.), dir.,Mesure(s) du livre, op.cit., p.198.
Estivals, (R.), La bibliologie, op.cit., p. 50.
97
permet non seulement d’évaluer le poids de la production livresque à l’intérieur de toutecette culture imprimée, mais aussi d’analyser les transformations du livre dans l’évolutionde cette production écrite.
En somme, le changement le plus significatif au cours de cette phase a été le rythme de production qui est devenu plus régulier par rapport au siècle dernier. Quelles ont été ses variations tout au long de la première moitié de ce siècle ?
Graphique 1 Évolution de la production écrite entre 1900 à 1950
Ce graphique retrace de manière chiffrée la progression de la production écrite durant toute la première moitié du XXe siècle. Elle a été très fluctuante dans son ensemble. Les différents niveaux de production laissent ressortir trois phases distinctes qui ont jalonné cette production imprimée au fil des années. De 1900 à 1926, elle ne dépasse pas la moyenne de 10 parutions par an, entre 1927 et 1946, elle reste en dessousd’une moyenne de production de 20/an et à partir de 1947, la production s’envole et
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prend des hauteurs plus importantes. Toutefois, on note un recul marqué au cours de la dernière année (1950).
Pour cette période, LITAF comptabilise une production totale de 325 notices, dont une moyenne de production d’environ 7/an. Les chiffres indiquent que, la productionlittéraire s’est faite de façon très modérée dans l’ensemble, même si, on note quelques périodes de forte croissance qui ont toutefois été très courtes. Qu’est ce qui justifie ce faible niveau de production ? En outre, comment expliquer les fluctuations quantitatives de cette production écrite durant ce cycle? Notre analyse suivra les tendances indiquées par le mouvement de la courbe de production.
L’analyse du contexte de production au XIXe siècle, a permis de saisir le fait que,l’essor d’une production littéraire francophone subsaharienne, dépendait d’abord etsurtout de l’apprentissage du français par les populations locales. C’est cette mutation linguistique, qui a donné lieu à une littérature en langue française écrite par des Subsahariens. Généralement, deux facteurs principaux soutiennent le développement del’écrit partout dans le monde ; d’une part, il y a l’expansion de l’alphabétisation, etd’autre part, l’élargissement démographique. Dans cette perspective, Robert Estivals estime que
Quand la population augmente, que la scolarisation s’étend et que l’économie se développe, la production et la consommation intellectuelles croissent. Quandla démographie stagne, que la scolarisation s’arrête et que la crise économique se manifeste, la production et la consommation intellectuelles baissent. L’écritconstitue donc une réponse à un besoin créé dans la psychologie sociale par la structure démographique, économique, politique et culturelle de la société 103.
Cet extrait met en lumière les éléments majeurs qui conditionnent la production intellectuelle dans son ensemble. L’accroissement de la démographie en lien avecl’augmentation de la population scolarisée sont les deux éléments qui ont largementinfluencé les rythmes de production de la littérature francophone subsaharienne durant ce cycle. On peut comprendre alors que, la production littéraire se déploie aussi comme un fait social, et nous allons l’examiner sous cet angle.
103
Estivals (R.), « Bibliométrie et bibliologie (histoire, sociologie et prévisions intellectuelles) », in : Estivals (R.) ; Meyriat (J.) ; Richaudeau (F.), dir., Les sciences de l’écrit, op.cit., p. 74 -75.
99
a. De 1900 à 1926, l’implantation de la langue française
La production, tout au long cette de première phase du cycle, est restée très faible. En plus, la signalétique indique que, la plupart des écrits publiés durant la période sontl’œuvre des écrivains occidentaux. Dans ce cas, le niveau de production est proportionnel au faible taux de scolarisation. En effet, durant ces années, la politique d’alphabétisationétait encore très limitée, et cela a sans doute entrainé un manque d’intérêt pour lesbesoins de lecture chez les populations locales. Or, dans toute l’histoire de la créationlittéraire, le moteur premier reste la consommation pour laquelle le lecteur joue un rôle important. Mais les conditions de lecture pouvant favoriser cette consommation n’étaientpoint encore réunies.
Il faut préciser que l’accès à la lecture de la chose imprimée implique nécessairement un certain degré de maîtrise de la langue française (dans ce cas), ce quiétait loin d’être le cas pour la très grande majorité de la population locale.Historiquement, l’implantation et par la suite, l’usage courant de langue française enAfrique subsaharienne se sont faits de manière inopinée. Cette langue s’estprogressivement installée dans les différentes colonies d’Afrique selon les besoinsprogressifs du pouvoir colonial. Au départ, le français est appris à quelques personnes pour des besoins de traduction nécessaires à la communication, notamment, pour servir de liaison entre l’administration coloniale et les populations autochtones. Ensuite, un personnel local supplémentaire avait été formé aux rudiments de la langue française pourdes nécessités pratiques, c’est-à-dire, pour occuper des postes d’auxiliaires afin d’épaulerles administrateurs coloniaux dans la gestion des tâches courantes. Dès les premières décennies du XIXe siècle, la langue française est apprise à plus de personnes pour des besoins de christianisation. Elle va s’étendre à une couche supplémentaire de laproduction grâce à l’implantation des missionnaires qui avaient mis en place les premières écoles françaises et catholiques. On peut dire que, jusqu’à l’extrême fin duXIXe siècle, l’usage du français était simplement une « appropriation fonctionnelle » pour reprendre l’expression Gabriel Manessy. Il répondait à des besoins utilitaires (communicationnel et économique notamment) et n’était parlé que par une infime partie de la population subsaharienne. Dans un tel contexte, aucune réelle production littéraire dans cette langue ne pouvait être envisageable. Il fallait nécessairement une
100
« appropriation vernaculaire » 104, afin que la création littéraire puisse être effective dans cette langue. Ainsi, le faible niveau de production qu’enregistre les premières décennies du XXe siècle est le fait, de la récente implantation de l’école coloniale française dansl’ensemble des colonies. En plus, les conditions d’accès à cette école restaient encorefortement limitées. Rappelons une fois de plus que c’est par l’expansion de la scolarisation que s’est progressivement fixée la langue française en Afrique noire, et c’estgrâce à cela que la production écrite dans cette langue a pu se déployer dans cet espace.
Le système scolaire français a été initialement introduit au Sénégal avant des’étendre dans d’autres colonies d’Afrique noire. L’école coloniale française, dans ce territoire s’est installée concomitamment à la reprise de la possession donc, en 1817 précisément, avec l’ouverture de deux écoles primaires dont la première à Saint-Louis(L’école mutuelle des garçons), et quelques années plus tard, une autre à Gorée. Lacréation de ces deux écoles constitue l’avènement de l’école coloniale française en Afrique noire. Une première phase d’organisation de l’enseignement qui en grande majorité, a été soutenue par des missionnaires catholiques. Cette possibilité dont le Sénégal fut très tôt bénéficiaire, peut aussi expliquer la présence très significative des écrivains originaires de cette colonie dans l’espace littéraire francophone au cours de la première moitié du siècle. Il est très difficile d’avoir un chiffre exact, car nous n’avonspas établi un corpus prosopograhique. Mais, les indices signalétiques présents dansLITAF laissent constater que la plupart des figures littéraires autochtones durant ce début de siècle, étaient d’origine sénégalaise 105. D’ailleurs sur les 141 productions écrites pardes Subsahariens, au cours du cycle entier, 58, soit plus du 1/3, sont sénégalaises. Ainsi,saisir l’évolution de la scolarisation dans cette étude reste essentiel, car elle est le point central qui a entraîné les différentes fluctuations de la production jusqu’à une certainepériode.
Concernant le XXe siècle, c’est en 1903 qu’a eu lieu la première grande réforme scolaire dans les colonies françaises d’Afrique noire ; elle a été concomitante à la
104
105
Manessy (Gabriel), « Pratique du français en Afrique noire, faits d’appropriation », in : De Féral (Carole) ; Gandon (Francis-Marie), dir., Langue française, n°124, Paris : Larousse, 1994, p. 11- 19 ; p. 11.
Selon Bruno Oupoh Gnaoulé, plusieurs écrivains d’autres colonies de l’AOF, avaient été enregistrés comme étant des Sénégalais, ce qui a permis d’accroitre la population d’écrivains de cette colonie au détriment d’autres.
101
réorganisation du territoire de l’AOF. Cette réorganisation de l’enseignement avait été instituée par un arrêté du Ministère des colonies publié le 24 novembre 1903 106. Cet arrêté imposait un enseignement laïc, pratique et accessible qui devait s’étendre à toutes les colonies de l’AOF, au détriment de l’enseignement privé catholique, jugé trop inégalitaire, et de l’influence de l’enseignement coranique, souvent accusé de créer des divisions au sein des populations locales. On peut retenir ainsi que le XXe siècle, s’estouvert avec une nouvelle configuration géographique et humaine de la scolarisation. Elle couvre désormais, un espace plus large, (toutes les colonies de l’AOF) et est devenue plusaccessible à l’ensemble de la population notamment, aux « indigènes » (pour reprendre le terme approprié à la période) qui y étaient encore très peu intégrés. Il faut dire que la politique scolaire française en Afrique noire, imposée dès 1903, a grandement renforcéles taux d’alphabétisation (donc l’usage du français), qui comme nous le verrons, ont favorablement influencé le poids de la création littéraire dans cette langue.
En effet, durant les deux premières décennies de ce siècle, l’école coloniale française avait pu générer une petite population de « lettrés », apte à produire et à consommer par la lecture. Elle a été, durant ce siècle, le premier moteur du développement de la littérature subsaharienne d’expression française. Même si, durant cette phase, la politique d’alphabétisation (soutenue par l’école) était encore fortement limitée, tant au niveau des effectifs scolaires : « le taux de scolarisation est toujoursdemeuré infime. Il était de l’ordre de 1 % de la population d’âge scolarisable en1920 » 107 , que de la pratique qui s’axait simplement sur : « la prière, la lecture,l’écriture, et l’arithmétique ». En somme, l’enseignement qui était la voie d’acquisitionofficielle de la langue française, n’avait qu’un caractère très pratique, ce qui limitait les probabilités de maitrise réelle du français écrit et parlé.
L’usage encore très limité du français dans les colonies, explique suffisamment les très faibles taux qu’affiche cette production écrite. Elle n’a pu véritablement s’enrichir qu’à partir d’une production littéraire, écrite par des ethnologues et des missionnaires occidentaux qui s’intéressaient aux aires colonisées. La production autochtone en elle-
106
107
Bouche (D.), L’enseignement dans les territoires français de l’Afrique occidentale de 1817 à1920, Tome 1, op.cit., p. 108.
Bouche, (D.), L’enseignement dans les territoires français de l’Afrique occidentale de 1817 à1920, Tome 2, Idem, p. 880.
102
même ne représente qu’une infime partie du corpus: un résultat proportionnel à la réalité du contexte.
Par ailleurs, il se peut aussi que la quantité de production littéraire durant ces années, ait aussi été, une des nombreuses conséquences de la Première Guerre mondiale (1914-1918), qui de façon générale, a grandement été défavorable à l’ensemble de la production intellectuelle dans plusieurs parties du monde.
En effet, le niveau de production durant cette phase reste marqué par une baisse sensible entre 1914 et 1920, comme l’indique le mouvement de la courbe du graphique. Notons en plus que cette légère régression intervient après quelques années de sursaut. Ces années correspondent (à quelques années près) au déroulement des hostilités de la Première Guerre mondiale. Sachant que, généralement, les crises et les conflits n’ontjamais été des périodes propices à l’édition, ni à la production intellectuelle dans son ensemble, on se demande alors, si le déroulement de cette guerre, n’a pas aussi été un frein à l’évolution quantitative de cette production littéraire durant ces quelques années ?
La Première Guerre Mondiale qui à priori, opposait principalement les États européens, n’a pas été sans conséquence pour le continent africain ; il s’y est retrouvéindirectement mêlé, avec de nombreuses répercussions sur son sol, ayant très probablement impactées le flux de la création littéraire qui n’était encore qu’à ses débuts.D’abord, la participation des troupes africaines aux affrontements de guerre, a entrainé une mobilisation de la ressource humaine, avec à l’appui, la dégradation du cadre ou du contexte de production qui est en quelque sorte devenu contre-productif. Ensuite, laguerre a nettement favorisé l’augmentation des prix d’importation, notamment, celui du papier, qui a vu son prix « presque doublé, passant de 57 francs en 1914 à 148 francs les cents kilos en 1916 » 108. Cet enchérissement de cette matière essentielle, a certainementrestreint l’activité de l’imprimerie, surtout en Afrique subsaharienne où elle n’était encore qu’à ses premiers pas, et donc, particulièrement beaucoup plus fragile. Ainsi, si on nepeut l’affirmer fermement, il reste probable que le déroulement de la Première Guerremondiale, ait pu entrainer un ralentissement dans l’évolution de la production littéraire comme ce fut le cas dans plusieurs pays du monde.
108
Bessard-Banquy, La fabrique du livre, Bordeaux : Presses universitaires de Bordeaux et Du Lérot éditeur, 2016, p. 88.
103
Toutefois, au cours des années 1920, la tendance s’est progressivement inversée, laproduction a pris des hauteurs légèrement plus importantes que traduit, la hausse légère, mais significative de la courbe de production. Cette phase de croissance est restéeconstante jusqu’au début des années 1940, au cours desquelles, on note un fléchissement assez important de la courbe de production. On se situe durant l’entre-deux guerres, une phase de production particulièrement prolifique pour la littérature francophone subsaharienne. Cette période, reste la première transition quantitative dans l’histoirequantitative de cette littérature ; la moyenne de production annuelle au cours de cette phase, s’est élevée à plus de 10/an. Cette importante progression quantitative, pourrait expliquer le choix de l’entre-deux-guerres comme étant, la période marquant l’avènement d’une littérature francophone subsaharienne. Mais qu’est ce qui peut expliquer la hausse du volume de production au cours de cette phase ?
b. L’entre-deux-guerres, une première transition quantitative de la production écrite
La mobilisation effective des soldats subsahariens lors de la Première Guerre mondiale a entrainé des changements importants dans les relations politiques et diplomatiques, entre les puissances coloniales et leurs colonies. En effet, le recrutement de ces soldats a « profondément marqué l’histoire africaine et européenne et modifiéconsidérablement les relations entre les deux continents et leurs peuples »109. La France notamment, s’est vue obligée de revoir sa « politique extérieure coloniale » 110, afin de témoigner sa reconnaissance du soutien ou encore de « l’effort de guerre » qui lui avait été fourni durant les hostilités. Dans cette perspective, elle avait décidé d’améliorer le système d’enseignement dans les colonies et d’offrir une meilleure assistance médicale aux populations locales. Cette nouvelle orientation de la politique coloniale, avait été soutenue par des révisions budgétaires allouées à ces réformes. Denise Bouche note à cet égard qu’« on s’efforça de trouver, pour l’Instruction publique, les crédits qui, jusque-là, lui avaient été chichement mesurés »111. Cet investissement financier a été capital, car il a donné à l’école coloniale et, par conséquent, à l’enseignement du français, une dimension plus importante. L’école à cette période est d’autant plus renforcée, qu’après la guerre,
109 110 111
Riez (Janos), De la littérature coloniale à la littérature africaine, Paris : Karthala, 2007, p. 33. Riez (J.), De la littérature coloniale à la littérature africaine, op.cit., p. 36
Bouche (D.), L’enseignement dans les territoires français de l’Afrique occidentale de 1817 à1920, Tome 2, Ibidem, p. 818
104
« le but qui lui avait été assigné, dépassa le souci immédiat et pratique, pour devenir unepièce essentielle d’une philosophie de la colonisation » 112, en d’autres termes, elle estdevenue le moyen choisi par la France, pour asseoir plus intensément son hégémonie culturelle ou encore sa politique d’assimilation.
Cette nouvelle organisation de l’école coloniale a entrainé d’une part, la mise enplace d’une scolarisation plus extensive qui a pu s’uniformiser sur l’ensemble descolonies françaises, avec l’aide des enseignants autochtones, désormais sollicités pour combler le déficit des enseignants français peu nombreux, et dont une partie avait été mobilisée pour la guerre. D’autre part, l’enseignement a pris un caractère plus intensif, qui se traduit par la francisation intégrale des enseignements, qui jusque-là, se faisaient à travers le français et une langue locale. Les effets de cette nouvelle réforme, se sont prioritairement fait ressentir sur les chiffres des effectifs scolaires. En 1924 par exemple, on note une augmentation importante du nombre de collégiens de Saint-Louis (Sénégal), la seule ville à avoir un établissement secondaire dans tout l’empire colonial français auSud du Sahara. Coquery-Vidrivitch et Moniot nous donnent des chiffres plus précis à cet égard. Selon leurs estimations,
[e]n 1938, l’enseignement public comptait en AOF 70.000 enfants (pour unepopulation de 12millions d’habitants) et à peine 10.000 en AEF (pour5millions). Il existait huit écoles primaires supérieures (1000 élèves) et seulement deux établissements secondaires, tous deux au Sénégal : héritière des efforts du XIXème siècle, cette colonie – plus précisément les quatre communes – resta très privilégiée avec, en 1938, le quart de la populationscolaire pour seulement 12% de la population totale d’AOF.113
Comme le démontrent les chiffres fournis, l’accroissement des effectifs scolaires au coursde cette période est indéniable, et cette hausse a donné un gain d’intérêt à l’usage de lalangue française, surtout, le français écrit qui était désormais, de plus en plus pratiqué lors des enseignements. En outre, une autre importante transformation de l’école coloniale à
112
113
Bouche (D.), « Les écoles françaises au Soudan à l’époque de la conquête. 1884-1900 », in :Cahiers d’études africaines, vol°22, 1996, p. 228-267; p. 230. [En ligne] https://www.persee.fr/doc/cea_0008-0055_1966_num_6_22_3066https://www.persee.fr/doc/cea_0008-0055_1966_num_6_22_3066 , consulté le 14 mai 2018.
Coquery-Vidrovitch (Catherine) ; Moniot (Henri), L’Afrique noire de 1800 à nos jours, Paris : Presses Universitaires de France, 1974, p. 79-80
105
cette période, a été, l’introduction (comme le souligne cet extrait) de niveaux scolairesplus élevés. En effet, l’enseignement public encore très rudimentaire jusqu’avant la guerre, s’est largement enrichi grâce aux nouvelles définitions de contenus proches à quelques détails près, de ceux de la Métropole et par la création d’écoles spécialisées(École Normale William Ponty, École supérieure Pinet-Laprade, École des Pupilles- mécaniciens de la Marine), qui avaient pu être érigées grâce à l’élaboration d’unorganigramme plus abouti des programmes scolaires.
Durant l’entre-deux guerres, le français connait une certaine expansion dans lescolonies d’Afrique. Grâce à la hausse de l’alphabétisation, il est dorénavant parlé et écrit par une bonne partie de la population ; faute d’une absence de données statistiques, ilreste impossible de mesurer cette réalité. Mais, selon Robert Estivals, dans les années 1930, il y avait entre 5% et 10% 114 de locuteurs actifs dans l’ensemble de la population locale. Ils constituent ainsi, le potentiel de lectorat subsaharien. Cette situation a largement été favorable à la production littéraire, car elle a aussi pu susciter des vocationspour l’écriture chez bon nombre d’élèves pouvant désormais plus ou moins manier lalangue française. Dans son ouvrage Négritures, les écrivains d’Afrique noire et la languefrançaise, Jean Claude Blachère souligne le fait que, durant cette période, plusieurs auteurs « firent ainsi, sur des cahiers d’écoliers, leurs premiers pas d’écrivains » 115.
Par ailleurs, l’usage progressif de la langue française dans les colonies d’Afriquenoire a permis à la France de mettre en place une politique visant à fixer en français,l’ensemble du patrimoine historique et culturel des ensembles fédéraux subsahariens. Ce projet a été l’un des éléments ayant favorisé l’augmentation de la production écrite durantl’entre-deux-guerres. En effet, un décret ministériel du 20 juin 1896, institué par la Commission supérieure des archives et de la bibliothèque du ministère des colonies116avait été rédigé dans ce sens. Son objectif consistait à mettre en œuvre des politiques administratives pour collecter, inventorier et classer l’ensemble des archives historiques
114 115
116
Estivals, (R.), Le livre dans le monde, op.cit., p. 289.
Blachère (Jean-Claude), Négritures, les écrivains d’Afrique noire et la langue française, Paris :
L’Harmmattan, 1993, p. 24.
Menier (Marie-Antoinette), « Cent ans dans l’histoire des archives de la colonisation. », in : La Gazette des archives, n° 139, 1987, p. 207- 222; p. 214. [En ligne]https://www.persee.fr/doc/gazar_0016-5522_1987_num_139_1_4112 , consulté le 18 avril, 2017.
106
et culturels de chaque colonie française dans le monde entier et plus particulièrement en Afrique subsaharienne. Cette pratique dont les débuts remontent au siècle précédent, s’estétendue et poursuivie plus vigoureusement durant le XXe siècle (plus précisémentl’entre-deux-guerres). La collecte dans ce cas, concernait plusieurs types de sources pouvant aider à la préservation des traces historiques de sociétés africaines et dans le cadre qui nous concerne, subsahariennes. Sophie Dulucq écrit à ce sujet que
L’organisation de l’archive coloniales se situe dans cette logique globale de patrimonialisation de l’archive, qui passe par la volonté de collecterméthodiquement toutes les sources jugées « historiques, à l’exemple de Pierre Margry, archiviste du ministère de la Marine dès les 1880. La création en 1895a logiquement accéléré la centralisation des archives coloniales jusqu’à lorsdispersées entre administrateurs distinctes, entre métropole et territoires, entre Paris et province.
Au même moment, un semblable souci de sauvegarde est manifeste dans les territoires coloniaux. William Ponty exprime, au début des années 1910, savolonté de regrouper et d’organiser la documentation au niveau fédéral et auniveau de chaque territoire 117.
L’organisation de cette collecte s’est d’abord orientée sur des sources de type politico- militaire, jugées plus intéressantes pour la reconstitution de l’histoire coloniale. Elle s’estpar la suite déployée sur d’autres gammes, notamment : juridiques, archéologiques et des sources traditionnelles ou culturelles. Ce glissement de perspective, vers des sourcesnouvelles, en particulier celles de l’oralité africaine, a considérablement dynamisé la production de la littérature subsaharienne de langue française dans son ensemble, mais surtout, la littérature traditionnelle (orale) qui a pris à cette période, plus d’ampleur en devenant la catégorie littéraire la plus prolifique.
c. La recherche ethnologique, un facteur favorable à la production écrite
L’accroissement de la production écrite durant l’entre-deux-guerres a été en partie,favorisé par l’essor de la recherche ethnologique, pour lequel, on avait mis en place, unepolitique incitative d’écriture, visant à fixer la culture orale des peuples africains en français. En effet, après la Première Guerre mondiale, « les gouverneurs sont
117
Dulucq (Sophie), Écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (XIXe-XXe siècles), Paris : Éditions Karthala, 2009, p. 90-91.
107
parfaitement conscients de l’importance à accorder à la recherche ethnographique ethistorique » 118. Seulement, les procédés de constitution de ce savoir scientifique restaient encore à ficeler. Dans cette perspective, William Ponty érigea une collecte des données à grande échelle, dirigée par les administrateurs des fédérations coloniales. Pour ce faire, il fit « circuler plusieurs questionnaires ethnographiques auprès des administrateurs de lafédération, s’intéressant à sa façon, à la constitution d’un nouveau savoir scientifique surles peuples africains»119. La plupart des responsables coloniaux avait opté pour sa méthode qui, selon eux, semblait la plus efficace, d’autant plus qu’elle permettaitd’obtenir un large corpus détaillé sur le patrimoine historique et culturel africain pouvant ainsi permettre des analyses philologiques aussi riches que variées.
Cette collecte des sources orales avait été coordonnée par les administrateurs et les gouverneurs coloniaux, qui ont pour cela, encouragé toutes les contributions possibles, y compris celles des autochtones eux-mêmes, afin d’obtenir le plus grand nombre de références. Ces sollicitations ont libéré les aspirations littéraires de plusieurs Subsahariens. Même si, cette production se réduisait simplement à une simple transcription en français ; ce qui délicat le fait de parler d’une véritable création littéraire. Pour y parvenir, quelques dispositifs avaient été mis en place. En 1916, le gouverneur et général Clozel créa à cet égard, à Dakar,
[le] Comité d’Études historiques et scientifiques de l’AOF, qui a pour objet de « coordonner les recherches entreprises sous le patronage du gouvernementgénéral et d’en centraliser les résultats ». Les publications s’appellent d’abordAnnuaires et Mémoires, puis à partir de 1918 Bulletin du Comité historique etscientifique de l’AOF, organe trimestriel qui sera remplacé en 1938 par leBulletin de l’Institut français d’Afrique noire. [...] Cette nouvelle publication,avec le Bulletin de l’enseignement en AOF créé en 1913 et qui deviendra l’Éducation africaine recueillera de nombreux éléments de folklore.
Comme il est écrit dans cet extrait, la collecte des données, dans ce cadre, faisaitrégulièrement l’objet de publications, diffusées à partir des périodiques créés à cet effet.Soulignons aussi que ces périodiques ont joué un rôle important, pour la diffusion des écrits à cette période. Grâce à tout cela, plusieurs écrivains africains avaient pu faire leur entrée sur la scène littéraire. Mais, dans ce contexte, la production écrite, dans son
118 119
Cornevin (R.), littérature d’afrique noire de langue française, op.cit., p. 128.
Dulucq, (S.), Écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (XIXe – XXe), op.cit., p. 90-91.
108
entièreté, restait contrôlée par l’autorité coloniale qui l’a essentiellement orientée vers cet objectif de patrimonialisation.
Toute cette recherche ethnologique, soutenue par les responsables coloniaux, a permis la constitution d’un corpus entier. Dans le tableau qui suit, nous avons répertoriél’ensemble de cette production ; ceci, dans le but de mettre en évidence, son impact sur la croissance de la production écrite à cette période.
Tableau 8- Livres et monographies portant sur la recherche ethnologique (1900-1950)
Dates
Dohaho, Joseph, Les deux aveugles.
Aupiais, Francis, L’étude des proverbes.
Kiti, Gabriel, Proverbes fon.
Titres
Références
1918
Mamby, Sidibé, Monographie régionale de FadaN’Gourma.
Bulletin du Comité Historique et
1923
Scientifique de l’A.O. F, Dakar, n°39, juin 1918, pp. 111 et suivantes. [Étude] : Mali.
Travélé, Moussa, Proverbes et contes bambara
[préf. de Maurice Delafosse] Paris, P.
accompagnés d’une traduction française et précédés d’un abrégé de droit coutumier bambara et malinké.
Geuthner, 1923, 240 p. [Littérature trad. : Contes] : Mali.
1926
Renaissance africaine, Dahomey, n°17,
15 mai 1926, page inconnue. [Conte] : Bénin.
1926
Renaissance africaine, Dahomey, n°25,
15 sept. 1926, page inconnue. [Critique : Littérature trad.]
1926
Reconnaissance africaine, Dahomey,
1927
Kiti, Gabriel, Proverbes fon.
n°27, 15 nov. 1926, pp. 6-7. [Littérature trad.] : Bénin.
Reconnaissance africaine, Dahomey,
n°34-35, 1er et 15 fév. 1927, p. 6-7. [Littérature trad.] : Bénin.
1927
Kiti, Gabriel, Proverbes fon.
Reconnaissance africaine, Dahomey,
n°36, 1er mars 1927, pp. 5-6. [Littérature trad.] : Bénin.
109
1927
1927
Kiti, Gabriel, Proverbes Fon.
Kiti, Gabriel, Proverbes Fon.
Reconnaissance africaine, Dahomey,
n°38, 1er mai 1927, pp. 5-6. [Littérature trad.] : Bénin.
Reconnaissance africaine, Dahomey,
1927
n°39, 1er juin 1927, p. 2. [Littérature trad.] : Bénin.
Kiti, Gabriel, Proverbes Fon.
Reconnaissance africaine, Dahomey,
1927
Moulero, Thomas, Proverbes nagots ou yoruba.
n°44, nov. 1927, pp. 9-10. [Littérature trad.] : Bénin.
Reconnaissance africaine, Dahomey,
n°33, 15 janv. 1927, p. 10. [Littérature trad.].
1928
Mamby, Sidibe, Premières notes sur la littérature
Bulletin de l’Enseignement de l’Afrique
1929
orale, les croyances et coutumes indigènes.
Occidentale Française, Gorée, vol. 17, n°67, 1928, pp. 60-78. [Critique : Littérature trad.] : Mali.
Mamby, Sidibé, Premières notes sur la littérature
Bulletin de l’Enseignement de l’Afrique
orale, les croyances et coutumes indigènes. [suite et fin]
Occidentale Française, Gorée, vol 19, n°69, 1929, pp. 47-73. [Littérature trad.] : Mali
1929
Sissoko, Fily Dabo, Le Soudan français.
Europe, Paris, 15 fév, 1929, pp. 246-261.
[Étude] : Mali.
1930
Moume Etia, Issac, Les Fables de Douala
Bergerac, Impr. de J. Castanet, 1930, 198
[Cameroun] : en deux langues : français-douala
p. [Littérature trad.] : Cameroun.
1930
Mademba, Capitaine Abd-el-Kader, Au Sénégal et
Bulletin du Comité d’études historiques et
au Soudan français
scientifiques de l’A.O. F, Gorée, vol 13, 1930, pp. 101-216. [Mémoires] : Sénégal.
1931
Badibanga
, L’Éléphant qui marche sur les œufs.
préf. de G.D. Périer et G. Dulonge [=
Georges Thiry] Bruxelles, Éd. L’Églantine, 1931, 90 p. [Contes] : Rép. Dém. du Congo.
1931
Duguay-Clédor, Amadou, La Bataille de Guilé,
Saint-Louis, Impr. du Gouvernement du
suivie de De Faidherbe à Coppolani ou les
Sénégal, 1931, (2e éd. rev. corr., augm.),
110
1932
1935
1943
Dangiols-Gandiols au service de la France.
Sissoko, Fily Dabo, Enquête sur l’enfant noir en
Wane, Mamadou Amadou et N’Diaye, Amat Samba
143 p. [Récit historique] : Sénégal.
Bulletin de l’enseignement en Afrique
AOF : enfant bambara.
Occidentale Française, Gorée, n°76, 1931, pp. 3-24. [Étude] : Mali.
Quénum, Maximilien, Au pays des Fons…
Paris, Larose, Bulletin du Comité d’études
historiques et scientifiques de l’Afrique occidentale française, vol. 18, n°2-3, avril- septembre 1935, 195 p. [Étude] : Bénin.
1936
Sissoko, Fily Dabo, La politesse et la civilité des
Noirs.
Bulletin de Recherche
Soudanaise Koulouba, n°76, oct. 1936, p. 178-192. [Étude] : Mali.
1938
1942
Quénum, Maximilien, Au pays des Fons… [Us et
coutumes du Dahomey].
Paris, Larose, 1938, (2e éd. revue et
corrigée), 171 p. [Étude] : Bénin.
Bolamba Lokolé, Antoine-Roger, L’Échelle de
préf. de Joseph d’Oliveira; ill. par l’auteur
l’araignée : conte bakongo.
Léopoldville, (Kinshasa), S.N, 1942, 43 p. [Conte] : Rép. Dém. du Congo.
Dakar, Sénégal, n°54, juil. 1943, pp. 246-
Asta, Djimol Konu. [Chant de guerre], texte avec traduction française.
247. [Littérature trad.] : Sénégal.
1946
103 p. [Littérature trad.] : Bénin.
1946
Quénum Maximilien, Trois légendes africaines.
Diop, Birago, Les Contes d’Amadou Koumba.
Rochefort, Éd. A. Thoyon-Thèze, 1946,
[Côte-d'Ivoire, Soudan, Dahomey].
Paris, Fasquelle, (coll. Écrits français
d’Outre-mer), 1947, 192.p. [Contes] :Sénégal.
1947
.1947
Kagamé, Alexis [l'abbé], Le Code ésotérique de la
dynastie du Rwanda.
Kagamé, Alexis [l'abbé], La Poésie pastorale au
Zaïre, Bruxelles, vol 1, n°4, 1947, pp. 363-
386. [Critique : Littérature trad.] : Rwanda.
Zaïre, Bruxelles, juin 1947, pp. 791-800.
Rwanda.
[Critique : Littérature trad.] : Rwanda.
1948
Moume Etia, Abel, Le Foulbé du Nord-Cameroun
Bergerac, Impr. de H. Trillaud, 1948, 32 p.
[Étude] : Cameroun.
1949
Keïta, Fodeba, La Moisson
Présence Africaine, Paris, n°6, 1er
trimestre 1949, pp. 79-82. [Littérature
111
trad.] : Guinée.
L’ensemble des références répertoriées à l’intérieur de ce tableau représente, une bonnepartie des écrits littéraires impulsés sous la direction de cette politique de récolement.Mais, à l’instar des genres littéraires majeurs tels que : le roman, le théâtre et la poésie, laproduction littéraire ethnographique, qui a pourtant largement enrichi la littérature francophone subsaharienne durant ce cycle, est souvent mise en marge au profit de cesformes génériques. Son apport jusqu’à lors, reste très modestement souligné. Ainsi, cetableau (qui sans doute n’est pas exhaustif) permet de saisir la densité de ce corpus.
Par ailleurs, l’analyse des détails signalétiques des notices, laisse apparaitre le fait que l’édition ou encore l’impression (qui est le terme le plus approprié pour la période), était une activité très encadrée durant cette phase. Dans le sens où, elle devait s’accorderaux intérêts du pouvoir colonial en place, qui en plus, détenait les moyens d’impression etdélivrait les « privilèges de publication ». Donc, il gérait à sa guise, toute l’activité écriteet guidait tout aussi, les besoins en lecture des populations locales. Yaya Diallo (2014), met en évidence le fait qu’à cette période encore, même l’usage d’un simple fax relevait de la compétence de l’autorité coloniale. En somme, on peut dire que le rapport à l’écrit yétait encore très encadré, et dans un tel contexte, il est probable que les écrivains nejouissaient aucunement de la liberté d’écrire selon leur propre volonté.
Ils étaient entièrement soumis d’une part à la censure, et d’autre part restreints parle conservatisme éditorial, très prégnants à cette période. Ces deux réalités, ont sans doute conduit à l’écartement de plusieurs textes, à des situations d’inédits, voire à la publicationde textes clandestins et épars qui ont pu échapper à la collecte des données de diffusion dans ce cas. En outre, les difficultés d’édition ainsi que la censure, ont très probablement limité certaines vocations littéraires durant cette période.
d. Le conservatisme éditorial et la censure, facteurs de limitation de l’activité littéraire
Les détails des fiches introduits dans la banque de données permettent de constater que la publication des écrits durant l’entre-deux-guerres est restée très locale ; c’est-à-direqu’elle s’est faite essentiellement à travers des périodiques locaux tels que : les bulletins officiels, les revues, les journaux et d’autres encore, qui étaient, les seuls véritables
112
moyens de publication dans les colonies. Pour Robert Cornevin, cette situation a été le fait des difficultés de transport encore très récurrents. À ce sujet, il écrit :
[p]endant toute une période où la correspondance par voie maritime était lente,les auteurs africains ne pouvaient guère faire imprimer leurs œuvres qu’enAfrique. Or les imprimeries, officielles ou missionnaires, ne faisaient que difficilement place à la littérature profane. 120
Comme il est souligné dans cet extrait, la lenteur du transport ne permettait pas aux écrivains subsahariens d’accéder aisément aux structures éditoriales européennesprécisément, puisqu’elles n’existaient véritablement pas encore dans les colonies. Celareste une raison valable. Mais, il n’en demeure pas moins que le secteur de l’édition était encore fortement ancré dans une sorte de conservatisme qui écartait ou mettait en marge certains écrivains.
En effet, depuis la création de l’imprimerie et l’avènement de l’édition, il a toujours été considéré que les livres doivent forcément rencontrer la faveur du public, car l’objetlivre, demeure à la fois, un bien intellectuel, mais aussi, un bien matériel qui répond à une économie du profit. Dans cette perspective, Gilles Polizzi explique que
les coûts inhérents à la fabrication, au stockage et à la diffusion du livre,lorsqu’ils ne sont pas supportés par un mécène – ce fut longtemps le cas, et ce l’est encore dans le domaine scientifique, chaque fois que l’institution financeune publication – doivent être compensés par des ventes générant un profit.121
On peut comprendre alors que la fabrication du livre est une activité économique à part entière, par conséquent, « le livre se procure contre de l’argent »122. De ce fait, afin qu’il y ait une activité éditoriale dans un espace, il est obligatoire d’avoir une demande assezconsistante pour pouvoir l’actionner. Robert Escarpit, estime qu’il faut au moins : « six millions de lecteurs potentiels pour qu’une industrie et un commerce du livre puissent se
120 121
122
Cornevin, (R), littérature d’Afrique noire de langue française, Idem, p. 22.
Polizzi (Gilles), « Les ‘’lieux’’ du livre : typologies pour une (brève) histoire du produit. », in : Polizzi (G.) ; Réach-Ngô (Anne), dir., Le Livre « produit culturel » ? De l’invention de l’impriméà la révolution numérique, Paris : Éditions Orizons, 2012, p. 26-40 ; p. 26.
Escarpit (Robert), « Succès et survie littéraire », in : Escarpit (R.), dir., Le littéraire et le social, Paris : Flammarion, 1970, p. 129-163 ; p. 129.
113
développer de façon normale » 123. Or, à cette période, le lectorat pouvant soutenir une activité éditoriale dans les colonies, était encore en pleine constitution. En effet, malgrél’élargissement constant de la « masse lissante » pour reprendre l’expression de RobertEstivals, la lecture était loin d’être une pratique régulière (en l’occurrence dans une langue très peu maitrisée). La plupart du temps, elle ne se pratiquait que dans le cadre des activités pédagogiques. Ainsi, les besoins en lecture y étaient encore très modérés. Par ailleurs, le pouvoir d’achat des populations dans la sous-région, demeurait aussi un obstacle; les devises monétaires utilisées par les populations locales, n’avaient point de valeur à l’échelle mondiale (le FCFA et les autres devises monétaires utilisées à l’heure actuelle seront établies bien plus tard). À travers cela, on peut comprendre que l’absenced’un lectorat important et d’une potentielle consommation, rendaient difficile l’accès à l’édition d’écrivains subsahariens. Dans ce cas, la probabilité d’un manque à gagner a trèsprobablement dissuadé les éditeurs, qui préféraient s’intéresser à des écrivains vendeurs et à des publics acheteurs.
Cette situation, a entrainé l’essor de l’autoédition, qui est traduit par l’expression« Chez l’auteur » dans la signalétique fournie par la banque de données. Cela a sûrement aussi engendré des écrits épars que la collecte des données n’a pu entièrement saisir ; plusieurs notices contenues dans la banque de données ne comportent pas entièrement leurs indices paratextuels.
Hormis les difficultés d’accès à l’édition, la censure encore très vive à cette période, a été un facteur défavorable à l’évolution à la hausse de la production écrite. En effet, la difficulté de se faire éditer à l’étranger, a largement joué en faveur des mesures censoriales instaurées par l’administration coloniale et l’église. Rappelons que c’est de ces deux instances qu’on pouvait obtenir, le droit de se faire imprimer et celui de se faire diffuser auprès du public. À cette période, les textes à éditer sont minutieusement contrôlés: les missionnaires s’interdisent l’édition des textes profanes, tandis quel’administration coloniale censurait automatiquement tout écrit pouvant remettre en cause son autorité. Dans ce contexte, toute l’activité littéraire et écrite, devait participer àl’exaltation du pouvoir colonial. La censure instaurée, servait donc de filtre, permettant de réguler à leurs guises, l’ensemble de la production écrite en traçant les limites du
123 Escarpit, (Robert), « Sociologie de la littérature », in : Estivlas, (R.), dir., Les sciences de l’écrit encyclopédie internationale de bibliologie, Idem., p. 496-509 ; p. 502.
114
dicible. De ce fait, elle s’est imposée comme une proscription de l’écriture, ce qui aurait lourdement pesé sur l’accroissement de la production écrite.
Généralement,
[l]a censure, par nature, constitue un fait négatif de communication. Dans lathéorie de l’information et de la communication, elle est un obstacle volontaire,généralement organisé, qui relève de la théorie du bruit. De fait, la censure estnécessairement un fait social [...] Elle aboutit souvent, mais non toujours, à un processus psychologique d’autocensure.124
Elle est non seulement, une mesure de surveillance préventive dont le but est de créer des effets dissuasifs et très certainement d’autocensure, mais, elle se déploie aussi comme un moyen de contrôle. Dans son application, la censure restreint la communication qu’elle soit écrite ou orale ; elle devient alors, totalement orientée et édictée. Si cette réalité ne peut être mesurée dans notre cas, il reste très probable que durant cette phase, les consciences littéraires aient été totalement orientées dans : « le choix des titres, le contenu des ouvrages et la création »125 en elle-même. Ramatoulaye Fofana nous explique parexemple qu’au cours de cette phase, les imprimeries «prévoyaient une taxationsupplémentaire de 50% pour l’impression d’ouvrage en arabe. »126. Cette taxation avait pour but, de réduire à la fois, la production écrite dans cette langue, mais aussi,l’expansion de cette langue au sein des populations locales, qui se faisait au détriment dufrançais. Selon Hausser et Mathieu (1998), l’apparition des formes génériques dans la littérature francophone subsaharienne a été totalement orientée ; leur but a d’abord été de répondre essentiellement aux besoins d’éducation scolaire et d’encourager par ailleurs, le fait colonial. À titre d’exemple, ils citent le cas du roman Les Trois Volontés de Malic,qui avait été commandé par la librairie Larousse pour des besoins scolaires. C’est un exemple parmi tant, pour lequel, l’écriture avait totalement été orientée. Dans cette même
124
125 126
Estivals, (R.); Meyriat, (J.); Richaudeau, (F.), dir., Les sciences de l’écrit, Encyclopédie internationale de bibliologie, Ibidem., p. 108.
Estivals (R.), Le livre dans le monde, Idem., p. 373.
Fofana (Ramatoulaye), L’édition au Sénégal : bilan et perspectives de développement, Mémoired’études en Sciences de l’information et des bibliothèques, sous la direction de Bernadette Seibel, École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, 2003, p.8. [En ligne]http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/727-l-edition-au-senegal.pdf, consulté le 24 mai 2017.
115
logique, Albert Gérard dans son livre intitulé Afrique plurielle expliquait que le contrôleexercé par l’autorité coloniale sur la création littéraire durant les premières décennies duXXe siècle, aurait écarté la production des genres didactiques qui, avaient été paradoxalement les premiers genres à connaitre un véritable essor dans la littérature subsaharienne de langue anglaise.
La censure durant cette phase, a probablement créé des situations d’écrits inédits ; toutefois, cela n’a pas empêché le rythme de production de s’intensifier. Vers la fin des années 1930, la population d’auteurs s’était plus densifiée avec de nouvelles entrées sur la scène littéraire, et on observe une production plus accrue des catégories génériques telles que le récit et le roman. Durant cette même décennie (en 1934 plus précisément), on enregistrait déjà une production théâtrale. Elle est l’œuvre de la troupe des collégiens de William Ponty, dont les Bulletins officiels diffusaient à cette époque l’ensemble de laproduction.
En somme, l’amélioration quantitative et qualitative de l’enseignement tout au longde l’entre-deux-guerres, a entrainé une augmentation de la production écrite dans son ensemble, avec à la clé, l’émergence et la prolifération de certains genres et catégories littéraires. Toutefois, vers la fin des années 1930, on note une chute de la production,ainsi qu’un ralentissement de son rythme, qui s’est maintenu jusqu’en 1945. Ces années correspondent aussi, au déroulement de la Seconde Guerre mondiale qui, selon nous, a été la cause qui justifie cette régression. Ce conflit a été un frein à l’essor de la production littéraire francophone subsaharienne, comme nous allons l’expliquer à présent.
e. L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur l’évolution de la production écrite
Les années de guerre (1939-1945) ont aussi été des années de flottement pour la production littéraire francophone subsaharienne, comme l’indique la courbe deproduction du graphique. Telle que la première, le déroulement de la Seconde Guerre mondiale a entrainé une baisse du niveau de production. Cette petite phase de régression, constitue aussi une phase de rupture, puisqu’elle intervient après une phase de croissance,dont a été marquée la période de l’entre-deux-guerres.
Le déroulement de la guerre avait paralysé les acteurs de la production littéraire mais aussi, ceux de la vie littéraire dans son ensemble. Si l’importante mobilisation des troupes et le contexte de guerre en lui-même (précarisation de la vie courante) ont
116
certainement freiné la création littéraire, c’est surtout, la limitation des canaux de diffusion et la dégradation des structures de publication qui ont porté le plus grand coup à la production. En effet, tout au long des hostilités, le domaine de l’importation a connu d’énormes difficultés qui ont compromis l’acheminement de certaines denrées, et réduit les rythmes de ravitaillement de tout genre, avec un renchérissement des prix, suite à la hausse des coûts de production. Le prix du papier par exemple, connait une fois de plus, une hausse estimée cette fois, à près de 300%, suite à l’augmentation de son coût de fabrication. Or, contrairement à d’autres catégories culturelles, la production littéraire dépendait entièrement encore du papier et de l’encre ; et dans un tel contexte, les coûtsd’impression devenus plus onéreux ont certainement réduit les taux de publication.
Par ailleurs, au début des années 1940, l’équilibre politique dans les colonies, avait été totalement bouleversé. En 1940, l’AOF, qui était désormais rattachée au régime de Vichy, s’était vue imposée la législation vichyste ; tandis que l’AEF, rattachée à la France Libre, se devait aussi de soutenir sa politique. Ce nouveau contexte politique a renforcé latenue des mesures censoriales qui devaient maintenir l’équilibre politique de chacun des deux camps. À cet effet, plusieurs œuvres et périodiques avaient été interdits de diffusion, ajouter à cela, certains acteurs de la production ont été mobilisés ou carrément emprisonnés. Le cas de Senghor, en est un exemple parmi d’autres : « il est rappelé et emmené en captivité dès le début de la guerre » 127.
En somme, le déroulement de la guerre a entrainé des faits qui ont été défavorables à la production (même si dans certains cas, elle est restée possible), mais surtout, à la publication qui, à travers la réduction des canaux de diffusion, s’est retrouvée paralysée. En effet, la reprise immédiate, indiquée par la courbe de production juste après la guerre, précisément en 1946, montre que la Seconde Guerre mondiale, a été un frein dans la progression de cette production littéraire. Plusieurs écrits n’ont pu être publiés que dès la fin de la guerre. Entre 1946 et 1949, on note un renversement de la tendance, avec une reprise spectaculaire, qui se traduit par une hausse exponentielle des chiffres de production. Ces années marquent une nouvelle transition quantitative, et on se demande ce qui explique l’accélération du rythme de production ?
127
Kesteloot, (Lilyan), Histoire de la littérature négro-africaine, Paris : Karthala, 2001, p. 207.
117
f. L’après-guerre, un contexte favorable à la production
La hausse extraordinaire de la production écrite, au cours des années d’après- guerre, résulte de plusieurs faits.
En effet, la fin des tensions de guerre a généré un climat d’apaisement propice àtoutes formes de mutations aussi bien sociales, économiques que politiques. Tonnet- Lacroix écrit à cet égard que « dans l’euphorie de la Libération, après les années noires, on a pu avoir l’impression qu’une époque nouvelle allait commencer » 128. L’impressiond’une nouvelle époque qu’elle souligne dans ce propos, se traduit par des transformations importantes, dont certaines ont eu des effets favorables sur la production intellectuelle dans son ensemble. Concernant la littérature francophone subsaharienne, l’une desmétamorphoses les plus bénéfiques à l’évolution de sa production, a été celle de l’édition.
Il faut préciser que la période d’après-guerre, a été suivie d’une forte croissanceéconomique, dont les effets n’ont pas épargné le secteur de l’édition. Comme l’expliqueÉlisabeth Parinet, «le retour à la paix et à une prospérité économique croissantes’accompagne de transformations rapides qui n’épargnent ni les éditeurs, ni les libraires, ni même le livre dans ses contenues comme dans ses formes »129. En somme, cette période constitue une nouvelle ère, non seulement pour l’édition, mais aussi, pourl’activité littéraire qui à cette période, régulait en grande partie l’activité éditoriale.
Rappelons qu’avant la Seconde Guerre mondiale, la grande majorité des maisonsd’éditions étaient des structures familiales avec une réglementation à la fois très conservatrice et restrictive, réduisant l’entrée dans le circuit éditorial, d’un certainnombre d’écrivains, et mettaient du zèle à diffuser certaines catégories de livres. Pour bon nombre de ces éditeurs, la possession du livre, avait une connotation à la fois « initiatique et élitaire » 130. Ils estimaient que le livre est « un bien précieux pour des gens de goût, en ce sens, il est vain d’imaginer le faire entrer dans toutes les maisons »131. En somme, le
128
129
130
131
Tonnet-Lacroix (Eliane), La littérature française et francophone de 1945 à l’an 2000, Paris :L’Harmattan, p, 17
Parinet (Elisabeth), Une histoire de l’édition à l’époque contemporaine (XIXe – XXe siècle), Paris : Éditions du Seuil, p, 381.
Escarpit (R.), « Le littéraire et le social » in : Escarpit (R.), dir., Le littéraire et le social, op.cit., p. 8-41 ; p. 37.
Bessard-Banquy, (Olivier), La fabrique du livre, op.cit., p. 97.
118
livre était majoritairement destiné à un public fortuné et instruit. Mais, l’après-guerre, a entrainé une réorganisation du secteur éditorial, qui s’est accompagnée d’une adoption denouvelles stratégies d’édition, ainsi que de nouvelles lignes éditoriales. Plusieurs éditeurs qui avaient perdu de leur prestige après la guerre, ont ainsi changé de lignes éditoriales, pour de se donner un second souffle, et préserver de ce fait, leur survie sur le marché.D’autres structures éditoriales, nées après la guerre, se veulent plus dynamiques etouvertes à l’avant-garde ; toutes souhaitaient profiter du contexte intellectuel ambiant,vivement favorable à la production du livre et d’autres imprimés. Pour la plupart de ces éditeurs, le but était maintenant de « donner une puissante allure commerciale à leur entreprise », et pour ce faire, ils ont étendu la consommation du livre à un public plus large.
En effet, les transformations du secteur éditorial d’après-guerre, n’ont pas étésimplement idéologiques, elles intégraient aussi des grandes mutations économiques qui ont fait de l’édition, un secteur économique à part entière. Robert Estivals explique à cet égard qu’«après la Deuxième Guerre mondiale, les principes du néo-libéralismed’inspiration américaine, s’imposent progressivement à l’organisation de la production etde la diffusion des livres en France »132. La croissance économique 133 qui a suivi la période guerre, n’a point épargné le monde de l’édition, qui est passé d’une formed’économie dite traditionnelle, à une économie plus moderne, désormais basée sur de nouvelles gestions financières et tout un ensemble de nouvelles stratégies économiques, dont la majorité des éditeurs n’ont pas tardé à appliquer. À plus d’un titre, l’après-guerre constitue, une sorte de renaissance pour la production de la chose imprimée en général et du livre en particulier. Son ampleur peut se mesurer par la transformation des procédés de fabrication et les moyens de distribution, dont le but a été, de donner plus de valeur au produit éditorial, en le rendant plus aisément consommable. À titre d’exemples, on peutciter :
132 133
Estivals, (R.), Le livre dans le monde, Idem., p.29.
Après la guerre, le monde a connu une période de forte croissance économique désignée par lesTrente Glorieuses. Elles ont été le passage de l’Occident et surtout l’Europe vers une économie degrande consommation.
119
- la mise en œuvre de nouveaux modes de diffusion des textes, le livre est distribuédans des pays étrangers, ce qui engendre l’émergence d’écrivains de statureinternationale ;
- la baisse du prix du livre, qui passe de produit de luxe pour devenir un objetcourant, avec l’apparition du livre de poche,134 plus accessible à tous ;
- la diversification du comité de suivi des maisons d’éditions, ils ne seront plus exclusivement français ;
- la création de nouvelles collections et de nouveaux prix littéraires;
- la traduction d’ouvrages, qui a pris à partir de cette période, une dimension plus importante, pour devenir aujourd’hui, une autre économie éditoriale à part entière ;
- la multiplication des instances de publication et les ajustements aux normes du marché.
Toutes ces réformes ont participé à l’essor de l’activité éditoriale, et elles ontgrandement profité aux auteurs subsahariens. Il faut préciser que la littérature subsaharienne francophone, reste étroitement liée à la l’espace littéraire français, et lesmutations dans ce contexte, ne sont souvent pas sans conséquence pour cette production littéraire. Ainsi, après la guerre, les écrivains africains de langue française, ont pu, plus aisément, accéder à l’édition traditionnelle, à laquelle, très peu avaient pu y être intégrés. Rappelons que, durant les phases précédentes, la publication de la littérature francophone subsaharienne, était en majorité gérée par quelques structures (imprimeries) locales qui la régulaient dans son entièreté quasiment. Mais, la fin de la guerre a entrainé un déplacement géographique éditorial pour cette production littéraire. Paris est ainsi devenue, une ville centrale dans l’édition de cette littérature ; sur une moyenne de deux publications, l’une d’entre elles, est désormais parisienne.
134
Il se décrit comme ayant : « 16 centimètres de hauteur et 11 centimètres de largeur », in : Mollier, (Jean-Yves), Une autre histoire de l’édition française, Paris : La Fabrique des éditions, 2015, p. 2015.
120
Toute cette dynamique avait été impulsée par la remarquable progression del’alphabétisation en Afrique subsaharienne, durant l’entre-deux-guerres. Cela a d’une part, conduit à la formation d’une élite africaine en France, notamment à Paris, et d’autrepart, contribué à la hausse bien que modérée, du nombre d’alphabétisés, et donc, du lectorat dans les colonies. Ce fait a interpellé les firmes éditoriales en train de se constituer, qui pour certaines, voient en l’Afrique un marché porteur en pleine expansion. Elles estimaient que «le marché africain du livre sera donc, inévitablement en progression. Il constituera pour les multinationales de l’édition, un champ d’interventionprivilégié » 135. Cette nouvelle configuration de la vie éditoriale a été favorable à la production littéraire africaine subsaharienne, mais, cela n’est pas sans compter le climatculturel et politique ambiant, qui a redessiné le paysage littéraire.
En effet, le sentiment de liberté insufflé par la fin de la guerre, a laissé émerger un climat de contestation induit par l’essoufflement progressif de la censure, au profit d’uneplus grande liberté d’expression. La notion d’engagement devint à cette période, le maître-mot ; on s’engage plus aisément en politique et en littérature, et les deux conceptsdeviennent étroitement liés. L’après-guerre, a été marqué par « une intense politisation du champ littéraire ; on voit se généraliser l’idée de la responsabilité sociale et politique de l’écrivain » 136. Ce changement, a donné plus d’ouverture aux écrivains, en ouvrant la voie, à l’émancipation de plusieurs mouvements intellectuels. La Négritude est l’un de ces courants intellectuels, et ses auteurs ont considérablement enrichi le corpus littéraire francophone subsaharien.
Sur le plan politique, l’après-guerre, avait été marquée par des mouvementsd’émancipation, et une redéfinition de la politique française menée sur ses colonies. Selon Kathariana Städtler, « entre 1940 et 1950, les acteurs africains du champ politique français étaient en même temps les principaux acteurs du nouveau sous-champ intellectuel et littéraire africain dans la métropole » 137. Leurs aspirations littéraires se voulaient tout aussi politiques, et bon nombre d’entre eux, s’étaient engagés dans la revendication des droits pour les peuples colonisés. En 1944 déjà, lors de la Conférence
135 136 137
Estivals (R.), Le livre dans le monde, Ibidem., p. 292.
Tonnet -Lacroix (E.), La littérature française et francophone de 1945 à l’an 2000, op.cit., p, 26.
Lüsebrink (Hans-Jürgen) ; Städtler (Katharina), Les littératures africaines de langue française àl’époque de la postmodernité, Oberhausen : Athéna, 2004, p.76.
121
de Brazzaville, la France décidait de réduire son influence, et de mener une nouvelle politique coloniale. En somme, comme l’énonce Robert Cornevin,
la fin de la deuxième guerre mondiale correspond à une profonde césure politique marquée – dans le cadre de la constitution de 1946 – par uneimportante représentation parlementaire de l’Afrique à Paris et la promotion decertains Africains au rang de Ministre (Senghor, Houphouët-Boigny, Modibo Keita, Hamadou Dicko). Mais surtout dans chaque territoire des conseils généraux et assemblées territoriales, compétents pour les problèmes del’enseignement, assurent une impressionnante promotion de l’éducation 138.
C’est un tournant important, qui a entrainé un changement significatif de la politiquecoloniale française, accentué les combats et les processus de décolonisation, mais surtout, cela reste une période au cours de laquelle, ont été introduites de nouvelles structures sociales, un nouveau système éducatif, plus accessible, et donc plus favorable àl’accroissement de l’alphabétisation et de la production écrite, tel que nous le montrerons lors de l’analyse du cycle suivant.
Par ailleurs, le paysage littéraire de l’après-guerre, a aussi été favorable à la création des périodiques littéraires, qui ont soutenu la production intellectuelle dans son entièreté ; le rôle de ces périodiques (des revues en grande majorité) a été déterminant pour la diffusion de la littérature francophone subsaharienne. Leur contribution a étéd’autant plus considérable qu’elles ont entrainées une hausse importante de la production, bien avant la guerre, mais plus encore, après cette phase.
En effet, durant cette période, où l’accès à l’édition était encore difficile pour la majorité des écrivains subsahariens francophones, les revues avaient pu suppléer àl’édition proprement dite, pour la diffusion des textes. Il faut rappeler ici que l’édition atoujours privilégié la rentabilité, dont le principe excluait du circuit, des auteurs et des textes estimés moins vendables. Pour y accéder, il fallait avoir une certaine notoriété, garantie de rentabilité, mais que la plupart des auteurs issus des espaces colonisés ne possédait pas. Ainsi, les revues ont été un canal de diffusion important pour cette production littéraire. Elles ont offert une visibilité, à des auteurs dont les possibilitésd’édition étaient encore limitées.
138
Cornevin, (R.), littérature d’afrique noire de langue française, Idem., p, 157.
122
Durant l’entre-deux-guerres, plusieurs revues d’avant-garde, en lien avec la littérature francophone subsaharienne, avaient déjà fait leurs apparitions. On peut citer dans ce cas: la revue Les continents (1924), La voix des nègres disparue en 1927, La Dépêche africaine fondée en 1928, Le cri des nègres (1931- 1932), La Revue du monde noir qui parut dès novembre 1931, la Revue Esprit créée en 1934 etc. L’apport de toutesces revues a été déterminant pour l’essor de la littérature francophone subsaharienne,même si, leur temps d’activité est resté pour la plupart, très court. Cependant, en 1947,l’une d’entre elle, est devenue un pilier pour cette production littéraire : il s’agit de larevue Présence Africaine, qui a été créée à Paris, par Alioune Diop.
La création de cette revue, a largement profité de l’élan progressiste d’après- guerre, qui a à la fois, encouragé voire accompagné l’insurrection des peuples noirs. Plusqu’une revue, Présence Africaine a constitué une tribune officielle permettant aux écrivains de s’exprimer aisément. Pour Sophie Dulucq, cette revue est devenue « un accès à un espace éditorial spécifique » qui a pour but, « de lutter contre l’assimilation politiqueet culturelle et de donner aux écrivains noirs, les moyens de s’exprimer et de se forgerune identité propre.»139. Présence Africaine a bénéficié d’une plus grande visibilité(public très diversifié, notamment universitaire) et d’une notoriété, qu’elle a fait profiter aux nouveaux prosateurs, poètes et dramaturges africains en leur donnant une double opportunité : celle de se faire publier et celle de se faire une visibilité.
Malgré quelques problèmes de parution, dues au manque de moyens financiers,Présence Africaine, dès sa création, a quantitativement influé sur le rythme de production durant ces trois dernières années et au cours des décennies qui vont suivre. Dans le tableau ci-dessous, nous avons mesuré son impact sur le rythme de production entre 1947 et 1950.
Tableau 9-Mesure de la part de production de Présence Africaine entre 1947 et 1950
Année |
Total de fiches enregistrées par LITAF |
Total de fiches publiées par Présence Africaine |
139
Dulucq, (S.), Écrire l’histoire de l’Afrique coloniale (XIXe -XXe siècles), Idem., p. 250.
123
1947 |
27 |
15 |
1948 |
56 |
28 |
1949 |
54 |
19 |
1950 |
24 |
1 |
Sommes |
161 |
63 |
Les quantifications fournies dans ce tableau démontrent indubitablement l’influence de Présence Africaine sur le poids de la production écrite tout au long des quatre années. Pour un total de 161 notices, 63 sont des publications tirées des tables de cette revue. Partant de là, on peut conclure que l’essor de la production écrite durant cette fin de cycle, dépendait en grande partie de cette revue. Cela est d’autant plus vrai, que la chute du nombre de parutions en 1950 (1) a entrainé une baisse généralisée de la productioncomme l’indique la courbe du graphique.
Toutefois, l’influence de Présence Africaine durant toute cette phase, traduit implicitement, les difficultés d’accessibilité à l’édition pour l’immense majorité des écrivains qui, grâce à cette revue, avaient pu faire leurs entrées sur la scène littéraire. Notons que, malgré quelques améliorations, la production éditoriale jusqu’en 1950, neconstituait qu’une infime partie de cette production littéraire.
En somme, l’analyse du graphique de production durant ce cycle, montre que la production écrite s’est véritablement accrue dans la période de l’entre-deux-guerres. Cettephase constitue une première transition quantitative, et c’est sûrement pourquoi, elle est souvent indiquée comme celle marquant l’avènement d’une littérature francophone subsaharienne. Tous les travaux sur la littérature traditionnelle, qui y avaient été menés, avaient permis d’accentuer le rythme de cette production écrite. Mais après une phase de régression, due à la guerre, c’est la création de la revue Présence Africaine, qui a reconditionné la publication de cette production littéraire, en lui octroyant à la fois, une diffusion plus large et une certaine visibilité. Mais dans l’ensemble, le rythme deproduction et resté assez lent tout au long du cycle. Cette lenteur est due à plusieurs facteurs : aux faibles taux d’alphabétisation, à la limitation des canaux de publication, et à la censure, dont la tenue a pesé sur la création littéraire, mais aussi sur sa diffusion. Tous
124
ces éléments, ont à des degrés différents certes, été un frein pour la production littéraire et écrite durant cette première moitié du siècle. Mais qu’en est-il du cycle suivant ?
2.°Évolutions de la production écrite entre 1951 et 2000
Ce second cycle se présente comme un nouveau paysage littéraire, du fait des transformations qui ont eu lieu juste après la guerre. En effet, la fin de la Seconde Guerre mondiale a entrainé une grande recomposition du contexte internationale dans tous les sens du terme, mais avec des effets divergents dans les différentes parties du globe. Pour les colonies d’Afrique subsaharienne, on note un bon nombre de changements socio- politiques, économiques et mêmes démographiques. Les processus d’émancipation et dedécolonisation entamés bien avant la guerre, prennent fin au début des années 1960, dans la grande majorité des cas, avec l’accès à la souveraineté internationale des anciennes colonies. Une nouvelle configuration politique, qui a conduit à la mise en place denouvelles structures étatiques, dont l’essor, a favorablement accompagné l’expansion scolaire et celle de la production écrite dans sa globalité.
Ce nouveau contexte, a une influence sur le paysage littéraire francophone subsaharien. À titre indicatif, on note, une augmentation de la masse d’écrivains, qui ontintensifié les rythmes de production littéraire et diversifier largement l’activité littéraire dans son ensemble. Mais, c’est surtout l’implantation et la création progressives des structures éditoriales dans plusieurs villes africaines, qui ont entrainé un bouleversement de la production livresque dans la plupart des nouveaux États. À cela, il faut ajouter,l’augmentation du public, la variété des attentes et des usages de la chose imprimée de façon générale, qui ont soutenu la production littéraire telle qu’en témoignent les chiffres de production. Ce cycle demeure jusqu’à ce jour la période la plus prolifique del’ensemble du corpus ; il rassemble un total de 20080 notices. C’est une évolution spectaculaire par rapport au cycle précédent au cours duquel, le niveau de production était resté très faible. On est passé d’une moyenne annuelle de 7/an à 410/an. L’écartentre les moyennes de production, traduit parfaitement un bouleversement profond dontnous allons essayer d’en ressortir les détails.
Il sera question dans cette analyse, de comprendre quelle a été l’impact de tous cesbouleversements sociaux sur la production de la littérature et même plus globalement, sur celle de la chose imprimée.
125
Graphique 2- Évolution annuelle de la production écrite entre 1951 et 2000
De prime abord, le constat qui ressort de ce graphique est la progression quasi- ascendante de la production écrite sur toute la durée de la seconde moitié du siècle. Cette hausse est précisément indiquée par le changement des indices de mesure, qui sont passées de la dizaine à la centaine. Toutefois, on note quelques années durant lesquelles, la courbe chute très légèrement, néanmoins, ces régressions très éphémères n’altèrent enaucun cas son mouvement vers le haut.
En effet, le fléchissement brutal de la courbe, survenu à la fin de la première moitiédu siècle s’étend jusqu’aux premières années de cette seconde phase, précisément, durant les trois premières années (1951, 1952, 1953). Après cette brève période de flottement, on observe une reprise significative, qui n’a cessé de s’accentuer au fil des années. Les années 1980, ont été une grande phase de transition ; les chiffres de production sont devenus exponentiels, atteignant la moyenne de 830 parutions par année. Cette décenniea été jusqu’à présent, une des plus prolifiques dans la production littéraire francophone
126
subsaharienne. Mais, au cours des dernières années de la décennie, et tout au long des années 1990, la courbe du graphique indique une légère régression, suivie de quelques reprises très transitoires. Cette période de flottement constitue une rupture évidente, elle met fin à la fulgurante ascension qu’a connue la production écrite tout au long de ce cycle.
Par ailleurs, contrairement au cycle précédent, le mouvement de la courben’indique pas de phases spécifiques dans l’évolution de cette production écrite ; elle se fait quasiment, de façon ascendante. Cependant, une analyse plus fine du rythme de production, indique une transition quantitative pour chacune des décennies du cycle. Nous allons de ce fait, établir une analyse sur la base de cycles décennaux. Mais avant, il est nécessaire de tracer un graphique des fluctuations décennales, mettant en lumière, les différents niveaux de production pour chacune des phases décennales.
Graphique 3- Variations décennales de la production écrite entre 1951 et 2000
Ce graphique présente de façon plus concise, la progression décennale de la production écrite tout au long ce de cycle. L’accentuation des écarts de production au fil des décennies apparait plus clairement ; exceptée pour la dernière, au cours de laquelle, on note un léger recul de la production. Cela constitue une rupture importante, et on se
127
demande comment l’expliquer ? En outre, comment interpréter la hausse constante de cette production écrite, jusque dans les années 1980 ?
L’analyse de la production durant ce cycle, a permis de saisir la similarité frappante entre l’évolution décennale de la production écrite, et celle de la production critique durant cette seconde moitié du siècle. Cette catégorie littéraire affiche à quelques différences près, les mêmes taux de production décennale, que ceux de la production écrite dans son ensemble. On peut le voir à travers le graphique suivant, qui présente les variations décennales de la production critique entre 1951 et 2000.
Graphique 4- Variations décennales de la production critique entre 1951 et 2000
Les pourcentages statistiques obtenus dans les deux cas, mettent en évidence cette analogie précédemment soulignée. Sur les deux graphiques, les taux sont presque les mêmes. Ce constat traduit le fait que la critique reste une catégorie importante dans le développement quantitatif de cette littérature ; elle y est d’ailleurs la catégorie la plus volumineuse du corpus. Cette similarité des chiffres reste très significative, et elle nous oblige aussi, à questionner et à prendre en compte, les facteurs qui ont favorisé l’essor de
128
cette catégorie littéraire. Ils aideront, à mieux comprendre les conditions d’évolution de la production écrite dans son ensemble.
En littérature, la critique reste une activité très importante. La sociologie littéraire la présente même comme une activité indispensable, car elle implique l’idée d’une valeur ou encore d’une reconnaissance qui est octroyée à une création littéraire. Pour Gisèle Sapiro, la critique constitue « une des médiations majeures dans le processus de réceptionet de valorisation des œuvres (hormis pour la littérature populaire). Son existence est l’indice d’un certain degré d’institutionnalisation de l’activité littéraire. »140. De ce fait, saisir sa progression dans le temps, c’est aussi mettre en exergue les différents niveaux « d’institutionnalisation » dans l’évolution de cette production littéraire. On se demande alors, quel a été l’apport de la production critique dans l’évolution de la production écrite,tout au long de ce cycle ?
a. De 1951 à 1960, l’influence des nouvelles politiques éditoriales
La production littéraire, durant les premières années de ce cycle, a démarré de façon très timide ; ce n’est qu’à partir de 1953, qu’elle a pu prendre des proportions unpeu plus élevées. Cette année correspond à la reprise de la production romanesque après son effacement par la poésie. Par ailleurs, cette décennie s’est ouverte sur une accentuation du rythme de production, qui se traduit par le changement de l’indice de mesure qui est passé de la dizaine durant le cycle dernier, à la centaine pour ce cycle. Le pourcentage de répartition de la production est de 2% pour cette décennie, mais, ce chiffre ne doit aucunement annihiler l’accroissement tendanciel qu’a connu la production dans son ensemble, à partir de cette décennie. On peut dire que la transformation del’imprimé, les mutations amorcées dans l’édition au cours des années précédentes, sont les facteurs auxquels nous pouvons annexer cette première phase d’évolution.
La seconde moitié du XXe siècle, a été un environnement favorable pour la production écrite dans son ensemble, mais surtout, pour les auteurs subsahariens qui bénéficient désormais, d’une plus grande possibilité de diffusion de leurs textes. Les bouleversements éditoriaux (énumérés dans les pages précédentes) qui ont succédé aux années de guerre, ont commencé à véritablement porter leurs fruits au cours de cette phase décennale. Cette réalité, peut se mesurer par une introduction plus importante des
140
Sapiro (G.), Sociologie de la littérature, op.cit., p. 90.
129
édités, dans un corpus qui s’était jusque-là, majoritairement constitué de simplesimprimés. L’augmentation du volume livresque dans cette production écrite, implique et traduit à la fois, une intégration plus importante dans le circuit éditorial traditionnel. Par ailleurs, cette décennie a aussi été marquée, par une progression bien que modérée, des textes critiques. Ces deux réalités, sont des indicateurs qui témoignent de la tournure qu’apris la production écrite au cours de cette phase.
Comme l’affirme Julien Hage, « les nouveaux éditeurs apparus au lendemain de laSeconde Guerre Mondiale vont être les principaux protagonistes de l’édition d’auteurs d’Afrique noire »141. Ces « nouveaux éditeurs », dont il est question ici, sont presque tous parisiens; c’est surtout ce déplacement du lieu de publication, qui a grandement transformé les conditions de production et de diffusion de cette production littéraire, au cours de cette décennie et durant celles qui vont suivre.
En effet, l’implication de plusieurs structures éditoriales dans la diffusion de la littérature francophone subsaharienne a favorisé l’extension, aussi modérée soit-elle, de son public. Il faut préciser que l’élargissement du lectorat reste d’une grande importance pour la production écrite dans son ensemble, et que cette production littéraire en avait fortement besoin pour son développement. Pour cela, les préfaces ont joué un rôle déterminant durant cette décennie : elles ont pour la plupart été écrites par des auteurs français de renom, dont la notoriété apportait une certaine visibilité aux textes préfacés. Ces mêmes préfaciers ont aussi donné une certaine impulsion à la critique littéraire, à travers la production de quelques textes. Par ailleurs, on note aussi la création de nouvelles collections, dont la mise en place a été favorable à cette production littéraire.
Les années 1950 constituent en effet «un moment de formation, puis de consolidation de la collection » 142 ; elle a été une stratégie éditoriale importante dans ce climat de renouveau éditorial. Dans ce contexte, la création des collections entend « apporter réponse à la demande de lecture des nouveaux lecteurs [...] par l’adéquation
141
142
Hage (Julien), « Les littératures francophones d’Afrique noire à la conquête de l’édition », in : Gradhiva, n°10, Paris: Musée du quai Branly, 2009, p. 80-105; 89. [En ligne]www.cairn.info/revue-gradhiva-2009-2-p-80.htm , consulté le 22, mai, 2016.
Olivero (Isabelle), L’invention de la collection, Paris : Éditions de la Maison des sciences del’homme, 1999, p. 56.
130
entre un choix de texte et un public spécifique » 143. Pour ce faire, plusieurs nouvelles collections avaient été ainsi créées, pour accueillir la nouveauté. Au cours de cette décennie, certains éditeurs ont mis en place des collections dédiées à l’Afriquesubsaharienne et à ses auteurs. En littérature notamment, on note par exemple : la collection « Écrivains d’Outre-mer » chez Fasquelle, la collection « Pierres vives » chezSeuil qui a intégré les œuvres de Senghor, la collection « Les classiques africains » chez Julliard pour ne citer que ceux-là. À cela s’ajoute, la création des prix littéraires dédiés à la production francophone subsaharienne. Toutes ces nouveautés, ont été des moyens de promotion de cette littérature.
En somme, à partir des années 1950, la littérature francophone subsaharienne a bénéficié des mutations éditoriales d’après-guerre. Ce contexte favorable et valorisant a amplifié les vocations littéraires ; le nombre d’auteurs s’est considérablement accru, en entrainant la diversité des genres d’écriture et la mise en place de nouveaux réseaux de sociabilité entre écrivains. Toutes ces nouvelles dispositions, ont contribué à accentuer le rythme de production.
Le gain d’intérêt accordé par les éditeurs à la production littéraire francophone subsaharienne, a insufflé une dynamique à l’édition de certains genres littérairesnotamment : le roman, la poésie, le théâtre et dans une moindre mesure, le récit. Ces catégories ont été les premières à connaitre une véritable diffusion éditoriale, et durant cette décennie, elles constituaient la plus grande part de cette production littéraire. Lalittérature d’idées, la critique littéraire, la littérature orale et les autres catégories, ne connaitront un essor quantitatif que plus tardivement (comme nous le verrons dans les pages suivantes).
Toutefois, si le nouveau contexte éditorial dans son ensemble, a été un élémentfavorable à l’évolution quantitative de cette production écrite, elle s’est surtout intensifiée grâce à la création des éditions Présence Africaine, dont l’activité alternait désormais entre la production éditoriale et la publication périodique. Sans omettre l’apport d’autreséditeurs, Présence Africaine en tant que revue et en tant qu’éditeur, a une fois de plus été un acteur important dans le développement de la littérature francophone subsaharienne durant cette décennie. Les éditions Présence Africaine ont été créées en 1949, mais c’est
143
Olivero (I.), L’invention de la collection, op.cit., p. 12.
131
à partir de 1953 seulement, qu’a véritablement démarrée son activité d’édition. À l’instar de la revue, son activité éditoriale s’est orientée dans la même ligne éditoriale qui estcelle de la valorisation de l’identité culturelle, sociale, économique et politique du mondenoir. Dans cette perspective, elles ont accordé une grande importance à la littérature, qui y joua un rôle important, en accord avec les pensées fondatrices de sa revue. Rappelons que dès ses débuts, cette maison d’édition s’est principalement lancée dans la création des« œuvres classiques », dont la visée était de construire à travers elles, une identitélittéraire africaine. Ce projet littéraire occasionna la publication de plusieurs œuvresnotamment, des romans dont la trame narrative devait être en parfait accord avec les troisprincipes d’authenticité, de revendication et de simplicité narrative qui résultent de cette « identité littéraire négro-africaine ».
Dans un second temps, les éditions Présence Africaine ont entrepris une activité deréédition des œuvres dont les premières parutions remontaient, aux années précédentes. Notons que cette activité de réédition a grandement enrichi la production à ce moment. Aucun paramètre ne permet de la mesurer, mais, l’analyse des fiches signalétiques indique une augmentation du volume de rééditions, lors de cette décennie. En effet, à travers toutes ces rééditions, Présence africaine voulait donner une seconde jeunesse auxœuvres en les présentant à nouveau au public, dans une version achevée, ou encore, revue et augmentée pour plusieurs d’entre elles. En plus, au cours de cette décennie, cet éditeurs’est investi dans la diffusion des textes finalisés, dont les premières versions étaient parues dans les colonnes de sa revue. Par ailleurs, lors de cette même décennie, Présence Africaine se consacra aussi, à la traduction d’auteurs d’autres sphères linguistiques en particulier, anglophone. Cela a été toute une élaboration éditoriale, qui a bénéficié à la littérature francophone subsaharienne. Rappelons que LITAF intègre à la littérature francophone subsaharienne, toutes les traductions en français d’auteurs d’autres sphèreslinguistiques subsahariennes. Dans cette démarche, la traduction remplissait une fonction idéologique, elle permettait comme le note Gisèle Sapiro, « la diffusion d’une doctrine ou d’une vision du monde »144, mais aussi, une fusion et un partage d’idées avec d’autresfigures littéraires africaines ou afro-américaines et antillaises mobilisées pour la même cause. En général, dans les années 1950, la traduction est devenue selon Gisèle Sapiro,
144
Sapiro (G.), La sociologie littéraire, Idem., p. 94.
132
une sorte de « capital symbolique » dans le secteur de l’édition. Au fil des décennies, elle n’a cessé de prendre une envergure plus importante.
À l’instar de Présence Africaine, le rôle d’autres éditeurs a été aussi important dansl’accroissement de cette production littéraire. Dans le tableau qui suit, on a mesuré la part de publication de quelques éditeurs durant la décennie.
Tableau 10 – Répartition de la production éditoriale de quelques éditeurs français entre 1951 et 1960
Proportions éditoriales |
|
Éditeurs |
Nombre |
A. Maisonneuve |
1 |
Albin Michel |
6 |
F. Maspero |
1 |
Hachette |
1 |
Plon |
3 |
J. P. Oswald |
1 |
Présence Africaine |
30 |
R. Julliard |
2 |
R. Laffont |
2 |
Seghers |
7 |
Seuil |
4 |
Stock |
2 |
Nouvelles Éditions Latines |
1 |
Les chiffres inscrits dans ce tableau, bien que très faibles en majorité, traduisent explicitement l’intérêt que portaient désormais, les éditeurs français à la production
133
littéraire subsaharienne en français et à ses auteurs. De tous, Présence africaine affiche la part d’édition la plus importante, mais il faut préciser que cette somme intègre aussi les parutions périodiques. Ensuite, on a les éditions Seghers (sept éditions) et Albin Michel (six éditions) qui ne s’était jusque-là, investi dans la traduction des textes d’auteurs sud- africains en français. Ces chiffres sur l’édition, traduisent aussi l’augmentation du nombred’édités et l’état de l’édition de cette littérature dans les années 1950.
Cependant, si les mutations éditoriales ont permis une augmentation à la hausse de cette production littéraire, la recherche permanente d’un public (malgré quelquesaméliorations) y est toujours d’actualité, et cette situation demeurait très handicapante pour la réception et la consommation. Il faut souligner que les processus de réception et de production sont naturellement liés, et cette alliance conditionne toute l’activitééditoriale dans laquelle, le lecteur y joue un rôle fondamental. En effet, la diffusion desœuvres est destinée à un public qui doit nécessairement être avisé (instruit et informé), et dont l’élargissement est indispensable pour la tenue de l’entreprise de création et dediffusion. Mais, dans le contexte des années cinquante, les populations sur le continent,n’étaient pas encore assez préparées « pour accéder à un niveau de culture qui rendrait évidente leur participation au jeu social de la littérature » 145. Pour cela, le niveau secondaire reste le niveau minimal requis, même si, tous les livres ne requièrent pas les mêmes modes de lecture. Toutefois, ce niveau de scolarisation était loin d’être acquis pour la très grande majorité des personnes scolarisées. À titre d’exemple, Robert Estivals indique qu’« en 1957, quelques années avant l’indépendance, on comptait 30 Ivoiriens possédant le baccalauréat. Il n’y avait pas d’université, à l’exception du Centre d’enseignement supérieur de Dakar fondé en 1950 » 146. Cette réalité spécifique à la Côted’Ivoire, était une constante pour la plupart des colonies françaises et d’autres, où lefrançais s’était aussi installé (les colonies belges). En effet, si l’enseignement primaire s’était progressivement étendu sur une bonne partie de la population, les niveauxd’enseignement secondaire et supérieur quant à eux, enregistraient des taux d’inscriptiontrès faibles jusqu’à la fin des années 1960. Frederick Cooper parle d’un taux de 0,2% pour l’enseignement supérieur, et de 3%, pour l’enseignement secondaire dans toute
145 146
Mateso (Locha), La littérature africaine et sa critique, Paris : ACCT- Karthala, 1986, p. 49 Estivals, (R.), Le livre dans le monde, Ibidem., p. 289.
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l’Afrique subsaharienne 147. Or, c’est principalement à cette population qu’est destinée laproduction littéraire, d’autant plus que la lecture d’un texte écrit en français, impose une certaine capacité de compréhension. Dans ce cas, l’absence d’un véritable public, a certainement ralenti la progression de cette production littéraire.
La tranche décennale suivante, affiche un pourcentage total de 10%, soit une augmentation de + 8% par rapport à celle-ci. Comment expliquer cette progression ?
b. De 1960 à 1970, la constitution d’un nouveau lectorat
La présente décennie a débuté avec un évènement historique majeur, qui est l’accès aux indépendances pour la majorité des anciennes colonies françaises, en 1960, y compris le Congo belge. La Guinée française, désormais appelée Guinée Conakry, a été lapremière d’entre elles, à y accéder dès 1958. Le Rwanda et le Burundi (anciens territoires sous mandat belge) le sont devenus deux années plus tard, et Djibouti fut le dernier à acquérir ce statut en 1977. L’acquisition des indépendances a entrainé de nombreux changements, dont le plus significatif a été, la transformation des structures coloniales en structures étatiques.
En effet, dès le début des années 1960, l’ensemble des nouveaux États devaient désormais faire face au principal défi qu’est le développement, et tous ont orienté leurs efforts dans ce sens. Pour relever ce défi, la priorité est donnée à l’instruction qui y joueun rôle fondamental dans ce processus. Rappelons que l’instruction reste en tout temps et lieu, un instrument indispensable au progrès économique et social que souhaitaientatteindre l’ensemble des pays nouvellement indépendants. Partout dans le monde, «l’éducation acquiert un statut d’instrument dans les politiques de croissance, dedéveloppement, et de sortie de crise » 148 ; aujourd’hui encore, les taux de scolarisation y sont encore des indicateurs essentiels dans ces processus. Ainsi, plusieurs politiques éducatives avaient été amorcées dans ces pays. Elles rejoignaient les décisions prises surl’éducation dans les colonies lors de la Conférence de Brazzaville en 1944, durant laquelle avait été proclamée la fin de l’école coloniale jugée trop inégalitaire et,
147 148
Cooper (Frederick), L’Afrique depuis 1940, Paris : Petite bibliothèque Payot, 2002, p. 213.
Pilon (Marc), Défis du développement en Afrique subsaharienne; l’éducation en jeu, (Introduction), Paris, 2006 [En ligne] http://horizon.documentation.ird.fr/exl- doc/pleins_textes/divers09-03/010038536.pdf , consulté le 14 mai 2017.
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s’appuyaient sur la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), dont l’énoncé réaffirmait le droit à l’éducation comme un droit fondamental pour tout être humain. On peut comprendre alors que l’accroissement de la scolarisation représentait un enjeumajeur dans ce contexte, elle devait jouer un rôle essentiel dans le développement de ces nouveaux État.
Ainsi, à partir des années 1960, la construction et l’ouverture des écoles primaires et secondaires se sont faites de façon plus rythmée, mais à des dimensions variables dans toute la sous-région. Par ailleurs, c’est aussi durant cette décennie, qu’ont émergées, les premières universités et autres écoles supérieures. En somme, lors de cette décennie, il y a eu une augmentation considérable de la population scolarisée 149 et, par conséquent, une hausse du lectorat francophone africain qui a été très profitable à la production écrite dans son ensemble. Selon Élisabeth Parinet, la hausse du lectorat est le facteur déterminant quicommande l’évolution de la production écrite et de l’édition. La corrélation existante entre ces deux réalités est indéniable, et dans le cas précis, les progrès spectaculaires del’alphabétisation ont entrainé une sorte de « démocratisation de la lecture »150, et le livre à travers lequel est diffusé l’essentiel du savoir (à cette période), a pu gagner en importance, en devenant un matériel de plus en plus utilisé.
Par ailleurs, les années 1960 ont été marquées par un bouleversement démographique important, qui s’est accompagné d’une croissance urbaine. Rien que pourles anciennes colonies de l’AOF, les chiffres indiquent une hausse importante ; on est passé de quinze millions environ en 1947, à trente millions environ, dès 1960 151. Cette hausse, a été le fait de la baisse de la mortalité infantile et à un ensemble de progrès sociaux, qui ont augmenté l’espérance de vie dans la sous-région. La progression démographique enregistrée, a fortement pesé sur la démographie scolaire, avec notamment l’accentuation des taux de scolarisation des filles. En effet, l’augmentation dela population scolarisée et la hausse des niveaux scolaires dans ce cas, ont contribué à laconstitution d’un lectorat et celle d’un nouveau public qui a largement été bénéfique à la littérature francophone subsaharienne. Ses œuvres sont désormais introduites dans les
149
150 151
Cooper (Frederick), parle de 7% pour le secondaire et 0,8%, pour le supérieur entre 1960 et 1970,in : L’Afrique depuis 1940, op.cit., p. 213.
Olivero. (I.), L’invention de la collection, Idem., p. 36.
Ces données sont tirées du livre de Robert Estivals, Le livre dans le monde, p. 291.
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programmes scolaires et deviennent ainsi, des outils pédagogiques des établissements scolaires mais aussi, pour les départements de Lettres des quelques établissements universitaires qui avaient pu démarrer leurs activités lors de cette décennie. Grâce à cela, la littérature francophone subsaharienne bénéficie désormais d’un enseignementspécifique qui lui offre immédiatement une « valeur d’usage ». Le public scolaire dans ce cas, est devenu important pour l’essor de cette littérature.
Généralement, le milieu scolaire incite à la lecture. Locha Mateso écrit à ce propos qu’« on commence toujours sa vie de lecteur par la mise en pratique des règles apprises àl’école, quitte à les remettre en question par la suite, suivant la capacité d’un chacun àintégrer à son univers, des modèles des plus neufs et plus élaborés » 152. On peut comprendre alors que la scolarisation est indubitablement une initiation à la lecture ; etdans ce contexte où les taux d’alphabétisation étaient encore très bas, elle a été un appui essentiel pour le développement constant de cette activité.
En outre, l’accroissement de la population scolarisable et, par conséquent, celle del’alphabétisation, a favorisé le développement des structures susceptibles d’influenceraussi bien, la production que la consommation du livre. On note précisément, la création des bibliothèques scolaires et universitaires, la multiplication des bibliothèques nationales, des centres culturels, des clubs de lecture et de littérature, etc. En somme, toute une série de structures culturelles, qui impliquent la consommation du livre en général et du produit littéraire en particulier. À cela se sont ajoutées les premières implantations et la création des maisons d’édition dans les capitales et grandes villes africaines : elles ont joué un rôle important, en facilitant grandement l’accès à l’éditiondans cette partie du monde.
Durant cette décennie, la dynamique dans l’enseignement scolaire et universitaire, a largement favorisé la production de la critique. Cette catégorie littéraire enregistre une hausse de 10% par rapport à la décennie précédente. On pense que cette augmentation est liée à l’exploitation pédagogique des œuvres littéraires (études partielles ou complètes des œuvres), qui a permis l’essor des textes critiques en lien avec cette littérature. Le développement des publications universitaires a certainement renforcé la production critique car les universités jouent généralement un rôle important dans la diffusion du
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Mateso, Locha, La littérature africaine et sa critique, op.cit., p. 63.
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savoir. Benjamin Assié explique à cet égard que «le fonctionnement normal del’université suscite la production de nombreux textes, thèses, habilitations, articles savants, cours, qui sont autant de candidats potentiels à la publication » 153. Tous ces documents, lorsqu’ils portent sur les questions littéraires, constituent une part importante du corpus littéraire. Dans les années 1960, la publication des textes critiques, se faisait par des annales des différentes universités et des bulletins officiels tels que : Les annalesde l’université d’Abidjan ou encore, le Bulletin de l’enseignement supérieur du Bénin. Ajouté à cela, la catégorie critique s’est aussi enrichie grâce à la revue Présence africaineet d’autres périodiques comme : les Cahiers d’études africaines (revue interdisciplinaire créée en 1960), la Semaine Africaine à Brazzaville… Tous diffusaient des textes critiques en lien avec la littérature francophone subsaharienne.
En outre, l’usage récurrent du livre dans l’enseignement et la formation, lui a procuré un grand intérêt fonctionnel, qui a généré d’autres besoins de lecture et stimulerainsi, la production de certaines catégories littéraires. Durant cette décennie, on constate par exemple, une augmentation du livre destiné à la pédagogie (« Manuel scolaire » sur la banque de données), pour la période, LITAF enregistre une production de 14 références sur une somme totale de 57 notices. Plus d’un quart des livres enregistrés comme des manuels scolaires, avaient été édités au cours de cette décennie. Dans ce cas, il se peut que l’accroissement de la production du livre scolaire, ait été due à la hausse de la démographie scolaire qu’affiche la décennie. Mais, cette catégorie reste jusqu’à ce jour, très dépendante de l’intervention étrangère ; les chiffres indiquent qu’« un livre sur deux destinés à l’Afrique est un livre scolaire » 154, et jusqu’à présent, cette catégorie enregistre encore une production très infime.
Par ailleurs, à partir de cette décennie, la production de la littérature de jeunesse (« Jeunesse » sur LITAF) connait une certaine dynamique ; à partir de 1965, elle prend des proportions nettement plus importantes. Or, avant cette date, la littérature de jeunessen’enregistrait au total que deux parutions ; une première en 1932 et la deuxième en 1953.
153
154
Assié (Benjamin), L’édition universitaire, Mémoire de l’École nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques, 2007, p. 12. [En ligne] http://www.enssib.fr/bibliotheque- numerique/documents/1731-l-edition-universitaire.pdf , consulté le 22 avril, 2017.
Cévaër (F.), Littérature d’Afrique Noire : les conditions de production et de circulation du livre de 1960 à nos jours, op.cit. p. 32
138
Cette catégorie littéraire deviendra par la suite, une des branches les plus florissantes de la production littéraire francophone subsaharienne.
En somme, l’augmentation de la production littéraire dans les années 1960, a été laconséquence d’une scolarisation plus extensive, induite par un ensemble de grandes mutations qu’a connu l’école coloniale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.L’enseignement est devenu une priorité pour chaque nouveaux États, et cela a largementfait progresser les taux d’alphabétisation qui ont ainsi permis, la constitution d’un publicplus dense et nécessaire au maintien de l’activité littéraire. Par ailleurs, l’école seconstitue aussi comme une réserve d’auteurs ; c’est en effet, parmi ces étudiants et élèves que se forment déjà les futures générations d’écrivains. Sa transformation a généré unemodification de l’offre, avec à la clé, l’essor quantitatif de plusieurs catégories littéraires.
Toutefois, malgré l’élévation constante des niveaux scolaires, la lecture qui n’étaitencore qu’une acquisition récente, ne se pratiquait presque pas en dehors du cadre scolaire. Une enquête menée à la Bibliothèque Nationale de Côte d’Ivoire entre 1968 et 1972, indique une augmentation de 18% 155 seulement des taux de lecture durant cesannées. Par ailleurs, Ramatoulaye Fofana explique qu’en 1960, le lectorat sénégalais se réduisait essentiellement aux cadres et aux fonctionnaires, et cette réalité était à peu près la même, pour l’ensemble des États de la sous-région. Or, la production littéraire dépend grandement de l’accroissement du lectorat et, dans ce contexte, sa lente progressionl’impactait défavorablement.
Par ailleurs, hormis le simple fait de lire, les conditions d’acquisition du livre en elles-mêmes restaient encore à élaborer. Or, elles aussi, restent nécessaires à la consommation du livre en général et du produit littéraire en particulier. Selon Robert Escarpit,
155
pour lire, il faut non seulement avoir appris à déchiffrer les signes, pouvoir acquérir des livres, mais aussi, se trouver dans une société telle que les
Cavaër (F.), Littérature d’Afrique Noire : les conditions de production et de circulation du livre de 1960 à nos jours, Idem., p. 29-30.
139
pratiques collectives de la lecture fassent pression sur l’individu pour leconduire aux livres. 156
Mais dans ce contexte, les conditions de lecture restaient encore à fournir. Déjà,l’acquisition d’un livre, constitue une dépense financière importante, par rapport au faible pouvoir d’achat des populations locales. En effet, le livre n’est aucunement un matérielvital, et dans ce contexte, la priorité est donnée aux besoins primaires. Dans une enquête menée dans le cadre de sa thèse, Françoise Cavaër, montre que la modeste consommation du livre en Afrique francophone restait surtout liée à son coût, qui représentait un montant important pour le faible budget des ménages. Elle explique que la hausse de la consommation livresque dans cette partie du monde, ne peut être envisageable que si, son prix est fixé à 300 FCFA au maximum, soit 45 centimes environ en EUROS 157.
En effet, le prix du livre en Afrique francophone implique en général (sauf pour les livres édités sur place) les frais de transports qui augmentent inéluctablement son prixd’achat à l’arrivée. Même si plusieurs de ces pays avaient signé, en 1947, les accords généraux sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT)158, qui intégraient le marché des biens culturels et dont l’objectif était le développement du libre-échange, avec à la clé, la réduction des frais douaniers. De ce fait, l’implantation et l’ouverture à la fin des années1960, des maisons d’édition et grandes imprimeries locales ont été d’un apportdéterminant ; cela a considérablement reconditionné l’édition littéraire ainsi que leproduit littéraire en lui-même. Il importe de rappeler que durant la première moitié du XXe siècle, l’activité éditoriale n’existait véritablement pas dans les colonies, si ce n’estque celle orchestrée par les quelques imprimeries, propriétés des missionnaires et del’administration coloniale. De ce fait, après la Seconde Guerre mondiale, l’édition de lalittérature africaine subsaharienne francophone, dans sa globalité quasiment, n’a pu se faire qu’à travers des éditeurs français pour la plupart. Cette réalité est demeurée à peuprès la même jusqu’aux années 1960, au cours desquelles, quelques initiatives du genre
157
1960 à nos jours, Ibidem, p., 27.
156
p. 154.
Escarpit (R.) « Succès et survie littéraire », in : Escarpit (R.), dir., Le littéraire et le social, Idem., Cavaër (F.), Littérature d’Afrique Noire : les conditions de production et de circulation du livre de
158
commerce.
General Agreement on Tariffs and Trade en français, Accord général sur les tarifs douaniers et le
140
ont commencé à émerger, dans quelques grandes villes de la sous-région. Luc Pinhas écrit à ce propos que
Le champ éditorial en Afrique francophone est resté jusqu’aux années 1960quasiment inexistant, de par la volonté de la puissance française de mettre en place un modèle bibliologique qui tendait à limiter la création de structures deproduction locales (imprimeries, maisons d’édition) et à promouvoir l’éditionmétropolitaine 159.
Toutefois, malgré cela, les années 1970 se sont ouvertes avec une nouvelle configuration géographique de l’édition. L’implantation, ainsi que la création destructures éditoriales dans plusieurs villes africaines offraient désormais, la possibilité de se faire éditer sur place. L’on se demande alors, quelles ont été les répercussions de ce bouleversement éditorial sur l’ensemble de la production littéraire francophone subsaharienne ?
c. De 1970 à 1980, une nouvelle configuration de l’édition littéraire en Afriquefrancophone subsaharienne
Cette décennie enregistre une hausse de 9% par rapport à la précédente, et on pense que l’augmentation de la production écrite durant cette phase, a principalement été soutenue par l’élargissement des possibilités éditoriales induites par l’installation et la création des structures éditoriales dans plusieurs capitales et grandes villes africaines.
En effet, depuis les années 1950, l’Afrique francophone enregistrait une augmentation du taux d’alphabétisation, qui a permis d’accroître la « masse lissante » etd’obtenir ainsi, un potentiel lectorat pour le livre en général et pour le produit littéraire en particulier. Cette mutation sociale a très certainement favorisé le développement del’activité éditoriale dans la sous-région ; elle a pris plus d’envergure avec l’implantationde plusieurs structures éditoriales européennes ainsi que l’émergence d’éditeurs locauxqui relevaient la plupart du temps, d’une initiative privée. L’édition jusqu’aux confins des années 1960, était encore une activité assez marginale ; de ce fait, son essor dans les années 1970, a donc été un évènement historique majeur. Julien Hage en parle comme
159
Pinhas, (Luc), « L’édition en Afrique francophone : un essor contrarié », in : Afrique contemporaine, n° 241, 2012, p.120-121; p.120. [En ligne] www.cairn.info/revue-afrique- contemporaine-2012-1-page-120.htm consulté le 4 mars 2016.
141
d’une « indépendance éditoriale », d’autant plus qu’elle a reconditionné totalement la production livresque dans cette partie du monde.
Le déploiement de l’activité éditoriale dans ce contexte a entrainé « un changement de front des écrivains, un glissement des publics, une modification des circuits de production et de diffusion du livre, des transformations conjointes des formes et thèmes.»160. En somme, cela a bouleversé les conditions matérielles de production et de réception de la littérature francophone subsaharienne. Les auteurs pouvaient désormais se faire éditer sur place ; plus d’obligation de se déplacer ou de contacter un éditeureuropéen pour cela. De plus, le développement d’une activité éditoriale locale, a entrainél’essor d’autres catégories littéraires, mais aussi, d’autres séries d’imprimés telles que les périodiques en lien avec la littérature ; leur création /diffusion enregistre une forte augmentation au cours de cette décennie.
La maison d’édition du Centre de Littérature Évangélique (CLE), reste la premièrestructure éditoriale d’envergure à s’être installée en Afrique francophone subsaharienne notamment, au Cameroun. Elle s’y est implantée depuis l’année 1965, dans l’objectif de diffuser la production littéraire chrétienne. Toutefois, l’insuccès de cette activité littéraire,l’a conduite à réorienter sa ligne éditoriale. Vers la fin des années 1960, elle s’est investie dans l’édition de la littérature générale aussi bien que dans celle d’autres catégories de livres et périodiques. Pour Raphaël Thierry, les éditions CLE sont un « pôle d’attractionéditoriale en Afrique »161, son rôle a été très déterminant dans l’activité éditoriale enAfrique subsaharienne. En effet, CLE couvrira l’édition au-delà des frontières camerounaises, et l’extension quasi-continentale de son activité, lui a permis d’avoir uncatalogue important et d’obtenir ainsi, une influence continentale.
En 1972, Les Nouvelles éditions africaines (NEA) ont été créées. Elles se sontd’abord installées à Dakar, ensuite, une filiale a été ouverte à Abidjan en 1974 et en 1978, à Lomé. Cette structure éditoriale a été créée à l’initiative de Léopold Sédar Senghor,avec la collaboration d’éditeurs français dont : Présence Africaine, Hachette, Nathan, Armand Colin, et les éditions du Seuil. À l’instar de CLE, NEA a aussi largement
160
161
Joubert, (Jean Louis) ; Lecarne, (Jacques) ; Tabone (Eliane) ; Vercier (Bruno), Les littératures francophones depuis 1945, Paris : Bordas, 1945.p, 59.
Thierry, (Raphaël), Le marché du livre africain et ses dynamiques littéraires, Le cas du Cameroun. Bordeaux : Presses Universitaires de Bordeaux, 2015, p. 219.
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contribué à la vitalité de la production littéraire francophone subsaharienne. On a par ailleurs, la Fondation du Centre d’édition et de diffusion africaine (CEDA à Abidjan)créée quelques années après les indépendances, mais dont l’activité éditoriale n’avéritablement démarré qu’au cours de cette décennie. On note aussi, l’installation des éditions Saint Paul, devenues Médiaspaul, en République Démocratique du Congo en 1957, mais dont l’activité a réellement démarré dans les années 1970. Hormis ces implantations, d’autres structures éditoriales locales, ont été créées dans toute l’Afriquefrancophone subsaharienne. En 1967, le Mali lance les Éditions populaires du Mali devenues par la suite, les Éditions et Imprimeries du Mali, au Zaïre, on a la création des Éditions Belles-Lettres et celles du Centre Africain de Littérature ainsi que les éditions de Mont noir pour ne citer que celles-là. En somme, il faut dire que dans les années 1970, la plupart des pays de la sous-région, disposaient désormais de leur propre système éditorial. Bien que la plupart des grands éditeurs soient des structures mixtes, c’est-à-dire, financées par des investisseurs étrangers et les États concernés. Toutefois, cela n’apourtant pas empêché l’essor d’une édition purement locale, dont la mise en place s’estfaite à partir d’initiatives privées basées sur des fonds personnels.
Par ailleurs, cette décennie a aussi été marquée par l’avènement des institutionssusceptibles d’influencer la production écrite dans son ensemble. D’abord, tout au longdes années 1970, les États sont en quelque sorte devenus des éditeurs à part entière, du fait de la création de certains organismes et au financement des centres de recherches qui ont pu diffuser des textes littéraires courts, mais surtout, publier des travaux de recherche littéraire (œuvres et articles critiques, comptes rendus…). À titre d’exemples, on a lacréation du Conseil pour le Développement de la Recherche en Sciences sociales en Afrique (CODESRIA) qui a été créé 1973 à Dakar, avec pour objectif de dynamiser la recherche et la production intellectuelle dans différents domaines, notamment en littérature, mais aussi, de diffuser l’ensemble de ces recherches. Plusieurs parutions littéraires ont ainsi pu être diffusées par le biais de cette structure. Dans une perspectiveplus englobante, l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT)162 a été créée à Niamey en 1970. Cette structure intergouvernementale avait été créée dans le but de promouvoir et de renforcer la coopération culturelle, éducationnelle, technique et scientifique entre les différents États membres. Elle a énormément soutenu la production
162
En 1998, l’ACCT est devenue l’Agence Intergouvernementale Francophone (AIF) et en 2005, elle aintégré l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
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culturelle en langue française dans les pays subsahariens et plusieurs productions littéraires ont été financées et diffusées grâce à cette organisation.
En somme, la multiplication des structures éditoriales et des possibilités de diffusion durant cette décennie, a entrainé une amélioration des conditions matérielles de production et de diffusion du livre en général et de la littérature pour le cas qui nous concerne. Grâce à cela, la production littéraire francophone subsaharienne, a pu se diversifier plus amplement à travers une production plus accrue d’autres catégories textuelles telles que l’essai, la littérature de jeunesse, les études littéraires de tout genre, la critique qui s’est énormément enrichie grâce aux travaux universitaires et aux parutionspériodiques etc.
À cette époque, la majorité des pays subsahariens francophones pouvait désormaiscoordonner le circuit du livre et de l’imprimé dans la limite de leurs frontières ; même sicertaines structures éditoriales s’étaient données l’ambition de couvrir l’édition dans toute la sous-région voire sur tout le continent. Cette mutation éditoriale a largement soutenul’émergence des littératures nationales ; une nouvelle tournure qu’a pu prendre la littérature subsaharienne d’expression française au courant des années 1970. En effet,l’émergence des littératures nationales dans ce contexte, est la conséquence de la haussequantitative qu’a enregistrée la production littéraire dans sa totalité d’une part, d’autrepart, elle a été le fait de l’élargissement des gammes de productions qui s’adaptaientdésormais aux réalités nationales voire territoriales. Josias Semujanga explique qu’au cours de cette décennie, l’approche quantitative globalisante de la littérature francophone subsaharienne était devenue quasi-impossible, du fait de l’accélération des rythmes de publications dans l’ensemble des États de la sous-région. De ce fait, « la constitution del’institution littéraire nationale »163 » s’est imposée comme une nécessité, et « cette nationalisation des littératures africaines est proportionnellement liée à l’accroissement des publications et à l’intervention des politiques éducatives des États.»164. Ces
163
164
Kom (Ambroise), « Littératures nationales et instances de légitimation », in : Études littéraires, vol°24, n°2 : Département des littératures de l’Université Laval, 1991, p.65-75 ; p.66. [En ligne]https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1991-v24-n2-etudlitt2245/500968ar.pdf , consulté le 22 novembre 2016.
Semunjanga (Josias), « Le rôle des revues littéraires et des maisons d’édition dans la spécialisation de la (des) littérature (s) de l’Afrique subsaharienne francophone », in : Études littéraires, vol°24, n°2 : Département des littératures de l’Université Laval, 1991, p. 99-112 ; p. 103. [En ligne]
144
dernières, ont dynamisé la création des structures éditoriales dans plusieurs villes africaines. Les chiffres sur les productions nationales, fournis par LITAF montrent que certains pays qui jusque dans les années 1960, n’avaient pu enregistrer une réelle production littéraire (Burkina Faso, le Congo, le Mali, le Niger, ou encore le Gabon où lapremière œuvre romanesque Histoire d’un enfant trouvé de Robert Zotoumbat, a été publiée en 1971, aux éditions CLE), ont pu dans les années 1970, accroitre leur volume de production. On peut alors comprendre que l’essor quantitatif de la littérature durant cette phase décennale, reste un fait commun à l’ensemble des pays francophones subsahariens.
Par ailleurs, on ne peut omettre l’apport important des périodiques dans le développement de cette littérature. En effet, la création des revues littéraires et d’autresrevues culturelles ayant un intérêt pour la littérature, s’est largement intensifiée au coursde ces années, et cela, malgré une production très éphémère pour certaines, et pourd’autres, une longévité qui leur suscitera une bonne renommée. Le rôle des périodiques,dans l’évolution quantitative de cette littérature, a été plus que considérable durant tout le cycle, mais plus encore, à partir des années 1970.
Généralement, les écrits périodiques participent à la consolidation d’une activitélittéraire. Elles ont « une capacité effective de valorisation symbolique, un pouvoir àreconnaitre tout autant qu’à faire connaître les formes d’expression, les valeurs et lesidées qui sont aussi les enjeux nourrissants, les luttes que se livrent les protagonistes du champ littéraire et artistique »165. Toutefois, malgré leur importance, la banque de données LITAF ne réserve aucune indexation dédiée uniquement aux revues littéraires : ce qui est fort dommage. De ce fait, il est alors difficile d’établir un véritable corpus les concernant. Ainsi, ce n’est que par l’observation et l’analyse détaillées des indicessignalétiques, que l’on a pu retracer le mouvement de leur création et mesurer leur impact sur les rythmes de diffusion et de production littéraires. En effet, la signalétique indique une dynamique dans la création et la diffusion des périodiques, à partir des années 1970. On peut citer dans ce cas, la revue Abbia (Yaoundé) qui a été en créée en 1962, mais dontl’activité s’est intensifiée au cours des années 1970 ; quant à la revue Notre Librairie
165
https://www.erudit.org/fr/revues/etudlitt/1991-v24-n2-etudlitt2245/500970ar.pdf , consulté le 22 novembre 2016.
Aron (Pierre) ; Soucy (Yves), Les revues littéraires belges de langue française de 1830 à nos jours, Bruxelles : Éditions Labor et Archives et Musée de la Littérature, 1993, p. 8.
145
devenue par la suite, Cultures Sud 166, elle enregistrait entre 1970 et 1979, un total de trente-sept parutions contrairement à la décennie précédente, au cours de laquelle, elle n’apu enregistrer que deux parutions. Aujourd’hui encore, cette revue contribue grandementà la valorisation des littératures en langue françaises issues des espaces du Sud. En 1975, on a la création de la revue Éthiopiques, créée à l’initiative de Léopold Sédar Senghor. Ce périodique à la fois littéraire et philosophique a grandement contribué à la valorisation de la littérature subsaharienne en français ainsi qu’à la publication de plusieurs de ses textes. Lors du premier trimestre de cette année, la revue célébrait son centième numéro avecune problématique autour de l’héritage littéraire senghorien. La revue L’Afrique littéraireet artistique quant à elle, a existé entre 1969 et 1979, et vers la fin des années 1970, Mongo Beti et son épouse Odile Tobner ont créé la revue Peuples noirs-Peuples africains. Hormis, ces revues, la presse périodique devient aussi un autre moyen de publication de cette littérature. Dakar Matin par exemple, a été durant cette période, un journal qui a énormément contribué à la diffusion des textes littéraires morcelés.
Durant cette phase décennale, la création des périodiques relatifs à la littérature, à la culture et à l’art a connu un certain essor. De plus, celles qui existaient bien avant, ont pu accroitre leur diffusion. Le développement de ce type de support, a énormément soutenu la diffusion de cette littérature et, par conséquent, accentué son rythme de production. Certes, les périodiques restent très souvent marqués par une instabilité liée à la variabilité de leurs durées de vie, malgré cela, ils ont pu jouer un rôle déterminant dans cettelittérature. D’une part, l’augmentation de leur nombre confère à cette production littéraireune certaine dimension ; puisqu’étant des espaces de débats intellectuels et de critiques esthétiques, les revues et autres périodiques, sont aussi la marque d’une littérature en pleine expansion. D’autre part, ces périodiques ont pu dans un premier temps, suppléer à l’édition proprement dite et, par conséquent, stimuler la production littéraire à travers la diffusion de plusieurs textes critiques (la critique connait une hausse de 11% de plus par rapport à la décennie précédente). Dans un second temps, elles ont soutenu la diffusion des genres courts (nouvelle, poésie, théâtre, épopée, biographies courtes et des contes),qui intéressaient beaucoup moins l’édition traditionnelle. En somme, les parutions périodiques ont largement densifié la production de certains genres littéraires en donnant à certains types de textes, une possibilité de diffusion et une visibilité à leurs auteurs.
166
Fondée à la fin des années 1960, sous l’impulsion de Ministère de la Coopération française, elle s’est constituée au départ comme une aide pour la constitution des fonds culturels des pays du Sud.
146
Elles ont aussi amplifié cette littérature, par la diversité des rubriques de leurs publications.
Toute la dynamique éditoriale qu’a connue l’Afrique subsaharienne francophonedurant cette décennie, a été favorable à la production littéraire dans son ensemble. Leschiffres de production n’ont cessé de croitre en atteignant durant les années 1980 dessommes exponentielles. On se demande alors, quelles ont été les causes de cette hausse spectaculaire ?
d. De 1980 à 1990, l’élargissement des acteurs de la production littéraire
À partir des années 1980, l’Afrique noire francophone s’est désormais constituée comme un marché éditorial à part entière, grâce à la création et à l’implantation deplusieurs structures éditoriales, ainsi qu’à la progression suivie des taux de scolarisation, même si, cette réalité reste encore très disparate selon les espaces géographiques.L’édition est devenue un secteur économique comme d’autres, avec ses politiques de vulgarisation du livre, qui ont favorisé l’accroissement de la production écrite et le développement de plusieurs autres types d’imprimés aussi bien dans le domaine de la littérature, que dans d’autres domaines de la production intellectuelle. Toutes cesmétamorphoses pouvaient s’interpréter comme le signe d’une autonomie éditoriale.
Selon les chiffres obtenus par LITAF, les années 1980 restent la décennie la plus prolifique du XXe siècle. Elle enregistre une augmentation considérable de 14% del’ensemble de la production, par rapport à la décennie précédente. La production critique affiche quant à elle, un pourcentage de 35%, soit aussi 14% de plus que la décennie précédente. Durant cette phase, la critique a pris une envergure exceptionnelle. Dans ce cas, sa grande production traduit explicitement, l’intérêt scientifique qui est porté à la littérature francophone subsaharienne, ainsi que la reconnaissance qui lui est désormais accordée. Pour Claire Ducournau, durant cette décennie, l’intérêt porté à cette production littéraire, s’est accru avec « la cooptation de Léopold Sédar Senghor à l’Académie française à l’été 1983 »167 ; elle a selon elle, permis de « revivifier l’attention portée àcette littérature » 168. Pour Luc Pinhas, l’octroi en 1986, du Prix Nobel de littérature àWole Soyinka, a aussi été très déterminant dans ce cas. Cet évènement historique et
167 168
Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Paris éditions CNRS, 2017, p. 118 Ducournau (C.), La Fabrique des classiques africains, op.cit., p.118
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littéraire très marquant pour l’Afrique a eu des effets qui ont favorablement impacté toute la production littéraire africaine, qu’elle soit anglophone, francophone ou lusophone. Si leurs impacts ne peuvent être mesurés, ces évènements ont sans doute, apporté plus devisibilité et d’intérêt pour les auteurs subsahariens et leurs œuvres.
Les années 1980, ont aussi été une phase de grandes mutations pour l’ensemble de cette production littéraire. On enregistre au cours de cette décennie, l’entrée sur la scèned’une nouvelle génération d’écrivains 169, même si, certains écrivains se sont chevauchés sur plusieurs générations. Cette nouvelle génération a entrainé une hausse importante dunombre d’écrivains subsahariens ou d’origine subsaharienne dans l’espace littéraire.Claire Ducournau explique à cet égard que l’accroissement du « personnel littéraire » durant cette décennie a surtout été le fait de sa féminisation. Elle écrit à ce propos que :
[l]e nombre d’écrivaines débutantes augmente de façon continue au fil de la période : absentes dans les décennies précédentes, elles constituent 5% des nouveaux entrants dans la décennie 1960-1969, pour atteindre 39% de ce contingent en 2000- 2009. 170.
L’entrée des femmes dans la vie littéraire, a entrainé une certaine dynamique dans la production de cette littérature. La part des écrits de cette population d’écrivaines, augmente concomitamment à leur entrée sur la scène littéraire. Durant les années 1980,leurs rythmes de publication s’intensifient largement et cette contribution reste d’ungrand apport pour le développement quantitatif de cette production littéraire.
Toutefois, si l’entrée des femmes dans la vie littéraire a été d’un apport important durant cette phase, c’est la multiplication des instances de publication portant un intérêt à la littérature subsaharienne de langue française, qui a sans doute, joué le plus grand rôle. Elles ont entrainé, une nouvelle modification de l’offre éditoriale pour la littérature francophone subsaharienne, mais aussi, pour ses auteurs.
Il sied de rappeler qu’au cours des années 1970, les grands foyers d’édition de la littérature francophone subsaharienne, s’étaient déplacés en Afrique avec « l’espoir de s’adresser à un public situé sur le continent »171. Toutefois, ce déplacement géographique
169
170
171
Françoise Cévaër parle de cette mutation en termes de « remplacement » Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Idem., p. 267. Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Ibidem., p. 275
148
a surtout été le fait du désintérêt que portait les maisons d’édition françaises aux écrivainsissus du Sud du Sahara depuis la fin des années 1960 ; même si, certaines d’entre elles continuaient de publier des auteurs qu’ils avaient pu lancer des années avant.
En effet, depuis la fin des années 1970, une nouvelle modification du circuitéditorial pour la littérature francophone subsaharienne s’était établie. Elle a été le fait de l’élargissement de l’espace éditorial, induit par la création de plusieurs maisons d’éditionfrançaises spécialisées dans la diffusion des textes d’auteurs africains. On a d’abord, les éditions L’Harmattan (1975) et les éditions Actes du Sud (1978), qui ont été créées dans cette perspective. Toutes les deux ont centré leurs collections sur les pays du Sud, en donnant ainsi, une envergure à la production littéraire issue de ces espaces. Ensuite, d’autres éditeurs plus anciennement implantés (Seuil, Seghers, Gallimard…), avaient décidé durant cette période, de réaménager un espace pour la production littéraire francophone subsaharienne dans leurs catalogues. Enfin, même l’activité éditoriale dePrésence Africaine, en baisse depuis quelques années, a connu un rebondissement éditorial au cours de la décennie. Cette reprise éditoriale, s’inscrit dans un « mouvement plus vaste qui voit émerger diverses entreprises de valorisation et de promotion culturelle, favorisées par les initiatives de politique culturelle en direction du continent africain » 172. On constate par exemple que c’est dans les années 1980, que les études portant surl’Afrique y compris la littérature africaine, ont connu un certain intérêt dans le milieu académique français. En somme, on peut dire que les années 1980, ont été une période de reprise pour la littérature francophone subsaharienne en France.
Durant cette décennie, on a aussi enregistré la création des éditions Karthala, Silex, Sépia, La Découverte (ancien Maspero), qui sont plus orientées vers l’édition des textes en rapport avec les espaces du Sud, ou encore des écrivains issus des espaces francophones. En effet, vingt ans après les indépendances, d’autres besoins se fontressentir avec de nouvelles approches thématiques en ce qui concerne l’Afriquesubsaharienne. Ainsi, les catalogues éditoriaux se sont diversifiés, avec la mise en place de nouvelles collections à tendance politique, sociale et humaine, qui ont enrichi descatégories comme l’essai, la critique littéraire, ou encore la littérature traditionnelle(orale). La création de nouvelles collections, dans ce cas, reste la marque des grands
172
Ducorneau, (C.), La Fabrique des classiques africains, Paris, Éditions CNRS, 2017 p.158
149
bouleversements socio-politiques qui ont eu lieu depuis les indépendances. Selon Isabelle Olivero,
[l]’invention de la collection est intimement liée à l’évolution de la situation sociale et politique et culturelle du pays. Les sociétés de pensée, le développement de l’instruction populaire, l’élaboration des nouvelles doctrines[...] les progrès de l’imprimerie, appellent à la création de nouveaux livres qui n’existaient pas auparavant dans le commerce traditionnel de la librairie et quidoivent pouvoir répondre aux buts et aux besoins de chacun.173
La création de nouvelles collections dans ce cas, s’est accompagnée d’une réorientationde l’offre éditoriale au profit de la nouveauté (nouvelles thématiques, nouveaux auteurs,nouvelles collections), mais surtout, au profit de certaines catégories de textes, notamment : la littérature de jeunesse et le roman qui sont positionnés comme lescatégories phares dans l’édition de cette littérature.
En effet, si au cours de cette décennie, la littérature francophone subsaharienne connait un véritable élan dans sa production, cette croissance révèle cependant des disparités énormes entre les catégories textuelles. Une analyse plus fine des chiffres de production montre que cette production littéraire a connu pendant ces années, une perte de vitesse considérable en ce qui concerne la production de certaines catégories littérairesau profit d’autres. Ces régressions pourraient s’expliquer par un désintérêt croissant descatégories littéraires les moins rentables dans l’offre éditoriale notamment : la poésie, le théâtre, la nouvelle entre autres, pour lesquelles, la diffusion se faisait de plus en plus àtravers d’autres canaux de publication.
Il faut dire que dans les années 1980, les besoins en livre, les goûts de lecture etd’écriture se diversifient encore plus amplement ; un auteur n’est plus simplement unromancier, un poète ou un dramaturge et cette nouvelle orientation a entrainé unetransformation importante aussi bien, dans l’édition que dans la production livresque. Enlittérature par exemple, l’édition est redirigée vers des catégories que l’on considèrecomme des produits éditoriaux rémunérateurs. Ainsi, après la fiction dans son ensemble, la littérature de jeunesse a intégré cette gamme, avec une intensification du rythme de sa production. Pour cette catégorie, LITAF enregistre un total de 112 notices entre 1980 et 1990, contre 50 seulement pour la décennie précédente ; sa production a plus que doublé.
173
Olivero, (I.), L’invention de la collection, Idem., p. 3.
150
En effet, tout un secteur lui est désormais consacré, et la plupart des éditeurs lui octroient une place de choix dans leurs catalogues. En termes de chiffres, on parle de plus de 300 éditeurs qui proposaient désormais, des livres en rapport avec la jeunesse. Dans ce cas, l’immensité et les attentes de son public, ont transformé cette catégorie littéraire en un produit très rentable.
À partir de cette période, le manque d’intérêt grandissant pour certaines catégorieslittéraires a été le fait des modifications d’ordres économiques appliquées au secteur éditorial. En effet, vers la fin des années 1980, le secteur éditorial a connu une nouvelle fois, des ajustements économiques qui ont considérablement réduit, non seulement les possibilités éditoriales pour certains types de textes, mais aussi l’activité éditoriale de plusieurs maisons d’édition. En France par exemple, « la survie est extrêmement difficileau sein de l’édition française à moins de faire alliance avec un éditeur déjà établi »174. En Afrique aussi, la plupart de grands éditeurs souvent plus fragiles et dépendants, ont vu considérablement baisser leurs rythmes de publication. On constate ainsi, une baisse légère de la production vers la fin des années 1980, et un recul plus marqué au début des années 1990. Qu’est ce qui justifie le ralentissement du rythme de production ?
e. De 1900 à 2000, une phase de rupture pour la production écrite
Cette phase décennale constitue une rupture évidente, depuis la grande etprogressive lancée qu’a connue la production écrite au début de la seconde moitié du XXe siècle. Pourtant, lors de cette décennie, toutes les machines de la production écrite semblaient être en marche : la population dans son ensemble est largement lettrée, les institutions éditoriales sont ouvertes et bien implantés partout dans le monde. Comment alors justifier cette régression (il y a une légère régression, même si les pourcentages de production affichent une stagnation : 34% pour cette décennie et la précédente) ?
Le cadre éditorial de la fin des années 1980 jusqu’aux années 1990, et bien au-delà,a été très particulier pour l’histoire du livre et de l’édition. Les grandes mutationséditoriales de l’après-guerre, ont connu une nouvelle modification marquée par un changement des acteurs commerciaux et une réorganisation économique du marché del’édition, qui ont complètement reconditionné la diffusion du livre et le secteur del’édition en lui-même. En effet, dès la fin des années 1980, les grands empires financiers
174
Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, op.cit., p. 268.
151
s’étaient investis dans le secteur éditorial en rachetant plusieurs maisons d’édition pourcréer de grands groupes qui se sont accaparés les plus grandes parts du marché del’édition. Ainsi, la concentration de ces forces financières dans le secteur du livre, a eupour effet de restreindre l’offre éditorial, en la focalisant sur les productions les plus rentables. On parle à cet égard, des « big-books, qui ont un potentiel de vente très élevé » 175. Toutefois, cette nouvelle logique éditoriale a occasionné la sortie d’un bonnombre de catégories littéraires et même de certains auteurs du circuit éditorial traditionnel. Dès lors, la diffusion constante des textes considérés comme moinsvendeurs, ne se maintiendra qu’à travers l’activité des petits éditeurs refusant de s’alignerdans cette logique du chiffre à tout prix. Mais aussi, grâce au soutien des périodiques, blogs, et autres canaux de publication qui ont pris une importance dans la diffusion de ces textes littéraires.
Il faut préciser que les nouvelles politiques éditoriales se sont de plus en plus étendues vers d’autres types de produits, et cela s’est fait au détriment de la littérature même, qui s’en est retrouvée en quelque sorte dévalorisée au point que «certains redoutent sa disparition » 176. Cette situation a entrainé une baisse de l’édition littéraire et, par conséquent, de la production littéraire au profit d’autres produits éditoriaux. Pour Jean-Marie Bouvaist, même si, à cette époque, on enregistre une baisse générale de la production littéraire, la création littéraire en elle-même a continué de croître. Toutefois,toutes les possibilités d’édition dépendent désormais des grands « marketeurs », et leur logique conduit à disqualifier bon nombre d’œuvres littéraires du circuit éditorial, qui ne retient plus souvent que : les auteurs à succès, les produits les plus rentables et les œuvrespouvant devenir des best-sellers.
En effet, le livre a toujours été un produit culturel très important. Cependant, vers la fin du XXe siècle, il a subi un effacement progressif au profit d’autres techniques decommunication : « livre/presse, livre/jouet, livre/ produit électronique et livre/ audiovisuel » 177. En somme, tout un ensemble de produits qui lui font désormais
175 176 177
Sapiro (G , La sociologie de la littérature, ibidem., p. 41.
Tonnet-Lacroix (E.), La littérature française et francophone de 1945 à l’an 2000, Idem., p. 145.
Bouvaist, (Jean-Marie), « Les enjeux de l’édition-jeunesse à la veille de 1992 », in : Bulletin des bibliothèques de France, n°3, 1990, p. 256-259 ; p. 257. [En ligne]http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1990-03-0256-001 , consulté le 4 mars 2015.
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énormément concurrence. Une enquête de l’INSEE 178 sur la consommation du livre,indique qu’elle a nettement baissée dans la plupart des ménages et sur toutes les générations confondues depuis 1990. Cette baisse généralisée du lectorat (qui ne cesse des’accentuer malgré la généralisation de l’accès à la lecture soutenue par les tauxd’alphabétisation de plus en plus élevés) a défavorablement impacté l’édition littéraire qui perd de plus en plus de son prestige dans l’activité éditoriale. Désormais, elle se maintient en grande partie grâce à la publication à compte d’auteur qui est devenue « la norme à la fin de ce siècle ». Le compte d’auteur permet aux éditeurs de ne prendre aucun risque en faisant porter tous les coûts d’impression et de publicité à l’auteur qui veut sefaire publier et qui espère tirer profit de son œuvre qu’à travers les ventes engendrées. Selon une enquête de Le Figaro littéraire 179, en France, depuis les années 1990, 5% seulement de candidatures à l’édition arrivent à obtenir un contrat de publication aucompte d’éditeur, le reste, est relégué à la publication à compte d’auteur ou d’autres typesde contrats mixtes nécessitant aussi, une contribution financière personnelle. Si ce n’est le choix de s’auto-éditer, qui connaitra un véritable essor au cours du siècle suivant.
En somme, on peut comprendre qu’à la fin du XXe siècle, les logiques commerciales éditoriales, ont entrainé une standardisation du produit littéraire et par conséquent, une diminution de l’édition littéraire dans son ensemble. Ainsi, la baisse du rythme de production de la littérature francophone subsaharienne au cours de cette décennie s’explique, dans un premier temps, par une baisse généralisée de l’éditionlittéraire en elle-même.
Par ailleurs, la régression qu’enregistre la production littéraire francophone subsaharienne, a aussi été le fait de la « recomposition de l’espace éditorial international [...] et une forte intensification de la circulation transnationale du livre » 180 durant cette période. En effet, les grandes mutations éditoriales de la fin des années 1980, se sont
178
179
180
Institut national de la statistique et des études économiques, « Le recul du livre et de la presse dans le budget des ménages », in : INSEE PREMIERE, n°1253 [En ligne]www.insee.fr/fr/statistiques/1281088, consulté le 14/03/2018.
Francisco (Sylvie) « L’édition à compte d’auteur : être publié à tout prix », in : Le Figaro particulier.fr [En ligne] http://leparticulier.lefigaro.fr/jcms/p1_1416570/l-edition-a-compte-d- auteur-etre-publie-a-tout-prix , consulté le 13/08/2018.
Tirée de l’introduction du livre Les contradictions de la globalisation éditoriale, dirigé par Sapiro (G.), Paris : Nouveau Monde Editions 2009, p.7
153
accompagnées d’une internationalisation dans la circulation du livre qui se fait désormais,presqu’entièrement dans la direction allant du centre vers les périphéries. Autrement dit, dans un rapport de force totalement inégalitaire avec comme conséquence, l’affaissement du marché éditorial dans les zones périphériques (dans lesquels s’intègrent l’Afriquesubsaharienne francophone), et une immense concentration dans les grandes villes telles que Londres, Paris, New-York entre autres, qui détiennent désormais le monopole del’édition et sont ainsi devenues des grands « centres culturels ». En somme, le livre obéit désormais à une circulation quasi-unique qui se fait du centre vers la périphérie.
Ainsi, la concentration de l’édition dans ces villes a entrainé une baisse d’activitéimportante, voire même un arrêt d’activité dans les zones plus décentrées. Dans les paysd’Afrique subsaharienne par exemple, l’industrie du livre en a pris un coup important, malgré le fait que la plupart des grandes structures éditoriales africaines soient à moitié des investissements étrangers. Thierry Raphaël explique qu’au début des années 1990 :
[l]e panorama de l’édition en Afrique est assez complexe. La plupart desmarchés du livre sont à (re)construire. Des marchés qui avaient jusqu’alors été relativement prolifiques, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Nigéria ouencore le Zaïre (futur RDC), voient leur production littéraire diminuer très sensiblement. Dans plusieurs pays, des éditeurs étatiques ont été privatisés et doivent faire face à des difficultés de gestion et de relance de leur activité ;nombre de ces maisons ne vivent plus qu’au ralenti, lorsqu’elles n’ont pas misla clef sous la porte.181
Comme on peut le lire dans cet extrait, les grandes mutations éditoriales de cette fin du siècle ont eu pour conséquence la restriction de la production littéraire au sein même de chaque État. En effet, l’essor de l’activité éditoriale qui a commencé durant les années 1970, enregistre un déclin important au cours de cette décennie, et les nombreuses possibilités éditoriales offertes lors des précédentes décennies, ont vu leur nombre se réduire considérablement. Il faut noter que dans cet espace, le secteur de l’édition y est très fragile, et de ce fait, très sensible aux changements du marché du livre en général. Au cours de ces années, les éditions CLE ont enregistré une baisse considérablement dans leurs activités ; quant aux éditions NEA, elles ont éclaté depuis l’année 1988. Néanmoins, elles ont pu se reconstituer comme NEI à Abidjan, NEA au Togo et NEAS au Sénégal, dont le redressement avait été financée par le Groupe Vivendi. Concernant les plus petites
181
Thierry (R.), Le marché africain et ses dynamiques littéraires, Idem., p 49.
154
structures éditoriales, la plupart sont carrément en cessation d’activité. La dégradation del’activité éditoriale dans ce contexte, a aussi lourdement ralenti la production littéraire.Rappelons ici que c’est en Afrique que se trouvaient, à cette période, la plus grande proportion d’éditeurs de la littérature francophone subsaharienne. Les chiffres indiquent à cet égard que « sur 424 éditeurs recensés en 1995, 47% étaient installés en Afrique contre 39% seulement en France et le reste dans d’autres pays du monde » 182 ; même si les tauxd’édition ne varient pas forcément en fonction de la proportion d’éditeurs. Cette situation est d’autant plus frappante, si l’on prend en compte le fait que l’accès aux éditeurs situés dans l’Hexagone reste plus complexe que ceux implantés localement.
Par ailleurs, si la « globalisation éditoriale » reste l’une des causes de la chute qu’enregistre cette production littéraire, cette situation a largement été accentuée par des nombreuses déstabilisations socio-économiques et politiques qui ont marqué la partiefrancophone de l’Afrique subsaharienne depuis la fin des années 1980.
En effet, après la grande lancée économique des années 1970, au cours desquelles le PIB de plusieurs pays de la sous-région avait pu s’établir jusqu’à 4%, la régression économique a commencé à se faire ressentir vers la fin des années 1980. Cette criseéconomique a été le fait de l’effondrement des coûts de certains produits surtout, desmatières premières (pétrole, café, uranium, cacao, manganèse …), ainsi que l’aggravationdes déficits commerciaux et par conséquent, le durcissement des conditions d’empruntsavec à la clé, la dévaluation du franc CFA (utilisé comme devise par plusieurs États francophones du continent) survenue le 11 janvier 1994. Cette nouvelle situation économique a entrainé son lot de répercussions, avec notamment : une augmentation du coût général de la vie et évidemment, une dégradation des conditions de vie (baisse desbudgets destinés à la santé et à l’éducation, salaires impayés, licenciements économiquesmassifs…) et des activités économiques (ventes, privatisations ou fermetures desentreprises publiques…) etc.
Sur le plan politique, les années 1990 ont été marquées par de fortes déstabilisations politiques engendrées par les processus de démocratisation qui avaient débuté la décennie précédente. En effet, jusqu’en 1983, l’Afrique subsaharienne comptait 18 États
182
Cévaër (F.), Littérature d’Afrique Noire : les conditions de production et de circulation du livre de 1960 à nos jours, Ibidem, p, 64.
155
monopartites 183 et dans les années 1990, le passage au multipartisme ne s’est pas fait de façon pacifique dans bon nombre de cas. Ce repositionnement politique a déclenché des soulèvements un peu partout dans la sous-région. On note un certain nombre de coupsd’État, ainsi que des soulèvements violents (grèves généralisées, manifestations,émeutes…) dans plusieurs pays. Par ailleurs, cette décennie reste aussi marquée par une série de conflits qui ont davantage fragilisé les États concernés voire, la région toute entière. En 1994, le Rwanda par exemple, faisait face à un génocide dont les effets se sontrépercutés sur l’ensemble des pays voisins, notamment au Zaïre, au Tchad, et au Burundioù des conflits s’étaient aussi déclenchés. Au cours de cette même année, la mortd’Houphouët-Boigny en Côte- d’Ivoire entrainait une déstabilisation politique qui a étésuivie d’une guerre civile. Durant l’année 1988, de violentes agitations reprirent pendant plusieurs années au Burundi, après celles qu’avaient déjà connues le pays en 1972. Ensomme, on peut voir que cette décennie se caractérise par une dégradation du climat socio- politique et économique, très défavorable aux activités intellectuelles en général, àl’industrie du livre, et à la production littéraire pour ce qui nous concerne. Cette situationexplique en partie, la régression qu’enregistre la production écrite au cours de ces années. De façon général, les crises et les conflits rendent difficile l’essor d’une activitéintellectuelle, et un tel contexte, ne pouvait qu’être contre-productif.
L’ensemble des bouleversements sociaux, économiques, politiques que connaitl’Afrique francophone subsaharienne à cette période, ont négativement impacté le secteuréditorial qui tourne désormais au ralenti. Cette situation a non seulement entravé la progression de la production littéraire, mais, elle a aussi incité les écrivains issus de cet espace à solliciter plus vivement les structures éditoriales européennes et particulièrement françaises. En effet, le contexte des années 1990, a fait perdre à l’édition littéraire franco- subsaharien de sa crédibilité, or elle avait pu jusque-là, préservée une certaine influencegrâce à l’édition des écrivains de renom, comme Wole Soyinka, qui à ses débuts, avait été publié par les éditions CLE. Cependant, vers la fin de la décennie, les écrivains se tournent de plus en plus vers l’Hexagone, afin d’« échapper à ce contexte régional
183
p. 65.
Hugon (Anne), Introduction à l’histoire de l’Afrique contemporaine, Paris : Armand Colin, 1998,
156
africain et entrer dans le champ de l’édition international » 184, plus apte à leur offrir des opportunités en termes de carrière, d’audience, de réception, avec à la clé, une renommée internationale que beaucoup souhaitent atteindre. Toutefois, cette fuite des écrivains versl’Occident, constitue en effet, une forme de dépendance à d’autres marchés éditoriaux(principalement au marché français). De plus, la réalité de ces marchée reste aussi très problématique ; plusieurs de ces auteurs se heurtent très souvent à la pratique du compted’auteur ou encore, à celui de l’autoédition qui « constituent pourtant de véritables stigmates » pour leurs carrières. En effet, ces deux types d’édition entrainent très souvent une dévalorisation du statut d’écrivain, et une restriction des possibilités de consécration. En outre, ils sont moins repérables (encore plus pour l’autoédition), de ce fait, ils échappent très souvent aussi à la collecte des données de production, qui se basentpresqu’essentiellement sur les catalogues d’éditeurs dans lesquelles ils ne figurent pas souvent.
En définitive, on peut dire que la transformation de l’industrie du livre adéfavorablement impacté la publication des écrits littéraires ; elle doit désormais obéir aux lois économiques du marché. Ce reconditionnement du marché éditorial ainsi que le contexte social des années 1990 très peu favorable à la production intellectuelle sont àl’origine de la régression qu’enregistre la production littéraire dans son ensemble. On se demande toutefois, si cela a été le cas au cours des années suivantes.
C. Un nouveau paysage éditorial et littéraire pour le XXIe siècle
Le XXIème siècle se présente comme une phase de surproduction du livre due auprocessus d’industrialisation dans lequel est entré sa fabrication livre. Ce siècle répond totalement aux logiques économiques du marché éditorial introduites depuis la fin du siècle précédent. Ainsi, il se caractérise par un nouveau paysage éditorial qui a complètement influencé sur le paysage littéraire et sur l’activité littéraire dans leurensemble. Dans cette partie, la question est de savoir si les changements dans le secteur
184
Courtin (Nicolas), « L’affirmation de l’Afrique dans le champ littéraire mondial », in : Afrique contemporaine, n°241, Paris: De Boeck Supérieur, 2012, p. 114-115., p.115. [En ligne]file:///C:/Users/Darly/Downloads/AFCO_241_0114%20(2).pdf consulté le 3 septembre 2017.
157
de l’édition et par ailleurs, dans la production du livre ont été bénéfiques à la production littéraire subsaharienne de langue française ?
Comme il a été expliqué dans notre premier chapitre, cette analyse se cadrera essentiellement sur toute la première décennie.
158
Graphique 5- Évolution annuelle de la production écrite entre 2000 et 2010
Le mouvement de la courbe du graphique présente une production fluctuante, maisqui fléchit continuellement malgré une légère reprise durant l’année 2006. À la fin decette décennie, la production écrite repasse en dessous de la barre des 600 imprimés par an, un chiffre pourtant largement dépassé au cours des décennies précédentes. Cette phase décennale affiche un total de 7319 notices ; or, durant les années 1980, on enregistrait déjà une production plus dense, soit 7439 fiches au total. Le fléchissement de la production écrite se présente comme un paradoxe dans ce cas, car comme on a pu le souligner plus haut, cette période se caractérise par une surproduction écrite et livresque.
En effet, la surproduction du livre, dont il question ici, fait suite à l’inflationéditoriale due aux transformations du contenu livresque et à une baisse importante de son coût de fabrication due au fait que « le papier, jadis à base de chiffons, est désormais réalisé à partir de fibres de cellulose moins résistantes » 185. Mais elle a aussi été le fait de la multiplicité des offres éditoriales qui ont pu faciliter l’accès à l’édition, même si les types d’édition ne se valent pas, et que ce sont eux qui octroient ou affectent désormais, la valeur symbolique donné à un livre. Malgré tous ces changements, les chiffres n’ont pu
185
Bessard-Banquy, (O.), La fabrique du livre, Idem., p.15.
159
prendre des proportions exponentielles mêmes s’ils se sont maintenus à des hauteursrelativement élevées. Comment l’expliquer ?
L’avènement d’un marché international de l’édition et du livre a introduit de nouvelles logiques éditoriales basées essentiellement sur des enjeux économiques. Elles se traduisent par
[u]n renforcement des principes de rationalité économique selon les critères définis par Max Weber (calculabité, recherche systématique de productivité),lequel est venu nourrir le sentiment d’une perte d’autonomie des sphères de production culturelle en général et de l’édition en particulier, par rapport à desnormes importées d’un autre champ. 186.
Dans ce contexte éditorial de rationalité financière, on peut comprendre que la production littéraire, qui reste pourtant un secteur essentiel de la production livresque, n’est plus un fait indépendant. Dorénavant, elle se doit de suivre les tendances de l’économie globale et générale, et, dans ce cas, l’édition littéraire, comme celle d’autres types de livre, obéit aux tendances du marché à l’instar d’autres produits de grande consommation. Ainsi, malgré la surproduction livresque, l’offre éditoriale s’est considérablement réduite, car on ne peut désormais écrire et publier que ce qui se vend aisément. On parle à cet égard d’une « logique du travail d’écriture sous contraste structurante » 187, qui a donné un grand coup à la production littéraire dans son ensemble. En effet, cette logique a entrainé une standardisation de la production littéraire, en la focalisant sur des genres vendeurs notamment le roman ou la fiction, la réédition des œuvres classiques, la littérature de jeunesse et l’essai dans une moindre mesure, au détriment du reste des catégories littéraires. Robert Escarpit décrit cette situation comme étant une « crise du genre », qui se révèle être aussi un facteur de limitation de la production littéraire car elle contraint les écrivains à ajuster leur production au gré des intérêts de lecture, donc de la consommation. Cette logique a d’ailleurs fait du roman, un genre phare de l’édition littéraire.
186
187
Noël, Sophie, « La petite édition indépendante face à la globalisation du marché du livre : le casdes éditeurs d’essais (critiques) », in : Sapiro (G.), dir., Les contradictions de la globalisation éditoriale, op.cit., p.133- 156 ; p. 136.
Ducournau, (C.), La fabrique des classiques africains, Ibidem., p. 262.
160
De façon générale, les principes de rentabilité de l’édition depuis la fin du siècle dernier n’ont pas été bénéfiques à la production littéraire, bien que l’édition littéraire soit restée un secteur clé de l’édition. Alain Vaillant explique que la modernisation des mécanismes éditoriaux se fait au détriment de la littérature. Dans cette perspective, il écrit que
la rentabilité du livre littéraire, reste aléatoire, trop aléatoire pour servir defondement à une politique industrielle cohérente. L’édition lorsqu’elle franchitun nouveau seuil d’industrialisation, tend donc à rechercher d’autres produits culturels et à rebours privilégie la littérature dans les périodes de flottements 188.
Cet extrait laisse comprendre le fait que la production littéraire s’adapte très mal ou ne peut s’adapter aux nouvelles logiques éditoriales puisqu’elle se fait selon une logique esthétique et non économique. C’est-à-dire dans un rythme forcément plus lent par rapport aux exigences de productivité accélérée que veulent lui imposer les logiques financières éditoriales actuelles.
Depuis la fin du siècle dernier, la pression financière et commerciale qui régule lesecteur éditorial n’avantage pas forcément la production littéraire. Elle est de plus en plus soumise à des contraintes qui entravent la création littéraire en elle-même. Ainsi, dans lecadre de la littérature francophone subsaharienne, la baisse de production qu’affiche cette décennie n’est certainement pas un fait isolé : elle est une réalité commune à la littérature dans son entièreté. Aujourd’hui, si l’édition littéraire reste toujours un secteur trèsrentable, cela se fait au détriment même de la production littéraire, car dans ce cas, ce ne sont que les catégories littéraires les plus vendeuses qui sont perçues comme celles faisant désormais partie intégrante de la littérature.
Depuis le siècle dernier, on voit apparaitre un tout autre type d’éditeur, dont l’objectif est de redonner à la production littéraire toute sa valeur symbolique. Ainsi, en Afrique francophone subsaharienne, depuis le début des années 2000, on parle d’unereprise éditoriale qui se traduit par la création des groupes d’éditeurs (l’édition du Sud,l’édition indépendante, Afrilivres)de plus en plus engagés dans le concept de la
188
Vaillant (A.), « L’un et le multiple, essai de modélisation bibliométrique », in : Vaillant (A.), dir.,Mesure (s) du livre, art. cit., p.198.
161
bibliodiversité189. Cependant, ces quelques initiatives n’ont apporté qu’une infimeamélioration dans la production littéraire. En effet, la « globalisation de l’édition » a aussi eu des effets sur l’orientation des carrières d’écrivains. Aujourd’hui, la plupart des auteurs veulent être publiés dans des structures éditoriales de grande renommée. Dansl’espace littéraire francophone, « galligrasseuil » 190 est le mot valise inventé pourdésigner les trois maisons d’édition qui concentrent la plus grande part d’influence surl’activité littéraire en langue française. Aujourd’hui, se faire publier chez ces éditeurs constitue un gage de qualité littéraire et la garantie d’une bonne réception critique et par conséquent d’une certaine notoriété.
Il faut dire que l’internationalisation de l’édition a entrainé une « internationalisation des carrières d’écrivains » 191, qui se fait au détriment des écrivains issus des zones « décentrées » comme l’Afrique subsaharienne. Dans le cadre de lalittérature, le succès d’un auteur dépend maintenant de sa capacité à rattacher ses œuvresà un contexte littéraire et culturel mondial. De ce fait, plusieurs écrivains subsahariens ou originaires de l’Afrique subsaharienne s’autocensurent, en refusant de se faire éditer sur le continent ou «dans un réseau trop identifiable, qui implique non seulement de‘’s’enfermer dans toutes ces choses’’ avec en prime un label africain et une façon de faireprécise et donc se refuser la possibilité à la totalité des pratiques littéraires » 192. À celas’ajoute, l’improbabilité d’obtenir une consécration littéraire. Dès lors, de plus en plusd’écrivains refusent d’intégrer ou prennent des distances avec l’espace littéraire francophone subsaharien, en s’orientant vers des espaces littéraires mondialisés qu’ilstentent de définir. Comme le précise Abdoulaye Imorou,
189
190
191 192
une grande partie des écrivains africains de la dernière génération adopte une rhétorique de la transnationalité et place son travail sous le signe de la rupture ;
La bibliodiversité est un concept qui s’est construit en opposition à la standardisation que connaitde plus en plus le secteur éditorial. En référence au concept de biodiversité, elle se constitue unevolonté de diversifier l’offre éditoriale, et de ce fait, maintenir la pluralité des types de livres à proposer aux lecteurs.
Le mot a été inventé pour désigner les éditeurs : Gallimard, Grasset, Seuil qui concentrent la plusgrande part d’attribution des prix littéraires.
L’expression est empruntée à Gisèle Sapiro (2009).
Cévaër (F.) La littérature d’Afrique Noire : les conditions de productions et de circulation du livre de 1960 à nos jours, Ibidem., p. 402-403.
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rupture vis-à-vis des conceptions littéraires de leurs aînés mais aussi d’une certaine orientation de la littérature française 193.
On assiste alors, à la décomposition d’un «patrimoine littéraire en cours de constitution », qui brouille totalement cette identification littéraire qui est présentée ou désignée comme francophone et subsaharienne. Avec toutes ces réorganisations, on se demande si la collecte des données de production de la littérature francophone subsaharienne reste encore possible, car dans ce cas, quels seraient, les critères sur lesquels elle se basera ?
En somme, la baisse de production qu’enregistre cette première décennie, restesurtout liée aux nouvelles politiques éditoriales qui ont relégué à l’arrière-plan toute une bonne partie de la création littéraire. Cette réalité pèse lourdement sur le rythme de production, même s’il arrive à se maintenir grâce à la contribution d’autres canaux de publication et des types d’édition tels que le compte d’auteur ou l’autoédition, l’éditionnumérique et celle des petits éditeurs en désaccord avec cette logique éditoriale marchande.
Après toutes ces analyses, on peut conclure que l’évolution séculaire de lalittérature francophone subsaharienne se donne à comprendre par son articulation avecl’histoire sociale, politique économique, démographique, culturelle, de cette partie dumonde. L’augmentation de cette production littéraire au fil des siècles a d’abord été le faitde l’accroissement de la démographie scolaire, car c’est surtout par l’école que s’estimplantée la langue française en Afrique noire. C’est, par ailleurs, cette institution qui a permis, à la fois, de constituer un personnel d’écrivains et une hausse du lectorat nécessaires au maintien de cette activité littéraire.
Durant tout l’ensemble du XIXe siècle, il ne pouvait y avoir une réelle production littéraire, car les conditions de production et la ressource humaine capable de produire en français étaient quasiment inexistantes. Ce n’est que vers la fin de la première moitié du XXe siècle que cette production littéraire a pu connaitre un véritable essor. La seconde moitié du XXe siècle constitue une phase de transition quantitative importante, qui n’a été possible qu’à travers l’expansion de la scolarisation qui, en plus, a permis le
193
Tiré de l’introduction du livre de Imorou, (Abdoulaye), dir., La littérature africaine francophone, Paris : Éditions Universitaire de Dijon, 2014, p. 11.
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développement des structures favorables à l’ensemble de cette production écrite. Toutefois, depuis les années 1990, on constate un ralentissement des rythmes de production. Ce recul est la conséquence des nouvelles logiques économiques adoptéesdans le secteur de l’édition depuis la fin des années 1980. Depuis cette décennie, la production littéraire francophone subsaharienne est rentrée dans une phase de tâtonnement, malgré quelques années de reprises légères.
164
CHAPITRE 3 : BIBLIOMÉTRIES GÉNÉRIQUES
165
Le précédent chapitre de notre travail a porté sur une analyse bibliométrique générale du corpus, analyse qui a été déterminante pour notre travail. Grâce à elle, on a pu poser les postulats de base, en retraçant à partir de trois cycles séculaires successifs,l’évolution entière de la production des livres et autres imprimés relatifs à la littérature francophone subsaharienne. Cet examen détaillé a permis de mettre en évidence non seulement les fluctuations de cette production littéraire, mais aussi l’ensemble des facteurs ayant contribué à son accroissement aussi bien qu’à sa régression au fil dessiècles. En somme, nous avons pu, au fil de nos analyses, reconstruire l’histoirequantitative générale de la production littéraire francophone subsaharienne. Bienqu’essentielle, cette partie est restée axée sur des généralités, c’est-à-dire qu’elle porte surune vision d’ensemble de la progression de l’activité littéraire liée à cette aire géographique. Ainsi, dans l’objectif d’approfondir notre analyse, il est nécessaire de restreindre notre corpus, c’est-à-dire de sortir de ce premier cadre général afin de construire des analyses plus fines, basées sur les catégorisations établies par la banque de données.
Le but du présent chapitre est de faire, comme l’indique son intitulé, une « bibliométrie générique ». Elle consistera à prendre la mesure de l’activité littéraire sur la base des (échantillons) ou plus précisément des genres littéraires et d’autres catégoriestextuelles. En effet, travailler sur un corpus plus restreint permettra de mieux saisir des informations qui ont pu se dissiper dans une plus grande masse. Dans cette perspective, laquantification des catégorisations donne la possibilité d’affiner notre analyse et de creuserplus en profondeur dans l’histoire de la production littéraire francophone subsaharienne.Pour ce faire, il est indispensable de nous pencher au préalable sur les problématiques liées à la notion de genre sur laquelle repose ce chapitre.
Selon Alain Vaillant,
[q]u’il s’agisse du genre littéraire stricto-sensu ou des types textuels catalogués par la rhétoriques ou les poétiques, le genre est une réalité culturelle quis’impose évidemment à l’historien, ne serait-ce que parce que tout écrivain(comme tout artiste en général) est nécessairement amené à concevoir l’œuvreen gestation à partir d’un cadre générique donné, parce qu’il n’y a pas d’acte decommunication possible sans un protocole communicationnel prédéfini ; demême, tout lecteur lit l’œuvre une fois achevée et publiée en fonction de ses
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propres codes génériques. La production et la réception de la littérature sont donc rigoureusement impossibles et inconcevables sans ces catégories hypertextuelles qui, de fait ont toujours une fonction normative – même si, selon les époques, ces normes sont plus ou moins contraignantes 194.
Dans cet extrait, l’auteur souligne la prééminence de la notion de genre dans toute activité littéraire, et même culturelle. C’est une notion-clé dont on ne peut faire abstraction, et dans un travail de bibliométrie littéraire, le genre et la catégorie littéraire se présentent comme des outils indispensables. Dans cette démarche, ils sont utilisés comme des cadres statistiques de dénombrement ou simplement des « variables » par le biais desquels onpeut interroger les différentes facettes et les transformations successives d’une productionlittéraire. Yves Stalloni précise à cet égard que « la notion de genre est un élément essentiel de la description littéraire » 195, car elle fait apparaitre une division stratifiée de la production qui sert de voie d’accès aux spécificités d’une littérature. C’est pourquoi ilest nécessaire de s’en servir, d’autant plus que « la production et la réception de la littérature sont donc rigoureusement impossibles sans ces catégories » 196.
Ainsi, la bibliométrie générique, telle que nous souhaitons la mener ici, aura pour finalité de proposer une évolution historique de la production des différents genres et autres catégories littéraires, dans le but de ressortir les conditions sociales de leur production. Selon Gisèle Sapiro, « les genres naissent, se développent et meurent selonque les auteurs s’y conforment ou s’en démarquent » 197. Ainsi, il sera aussi question de comprendre, les facteurs qui favorisent une pratique plus courante pour certainescatégories littéraires, par rapport à d’autres. Toutefois, pour ce faire, il est nécessaired’établir au préalable, un classement quantitatif des genres, qui se fera selon leur volume de production, dans le but de peser leur poids réel à l’intérieur même de toute cette production écrite.
Mais auparavant, des précisions méritent d’être établies concernant la notion degenre et l’usage qu’on en fera dans cette analyse. Cette problématique soulève une
194 195 196 197
Vaillant, (A.), L’histoire littéraire, Paris : Armand Colin, 2010, p.145 Stalloni (Yves), Les genres littéraires, Paris : Armand Colin, 2007, p.8. Vaillant (A.), L’histoire littéraire, op.cit., p 145.
Sapiro (G.), Sociologie de la littérature, Paris : La Découverte 2014, p.14.
167
multitude de questions théoriques que nous avons déjà essayé de mettre en lumière dans les chapitres précédents.
En effet, il est important de rappeler que toutes les quantifications faites dans ce travail ont pour source la banque de données LITAF ; nous avons simplement adapté toutes nos quantifications et analyses aux catégorisations établies par ce corpus. Cependant, cette catégorisation préétablie révèle quelques défauts de classification dus à la notion même de genre, qui renferme des imprécisions aussi bien dans sa définition intrinsèque que dans l’emploi qui y est fait sur la banque de données. Puisque notretravail repose et dépend de ce corpus, il nous a fallu avant d’entamer cet examen, mettre en lumière toute les problématiques liées à ce concept, afin de mieux comprendre,l’orientation qui a été donnée à cette bibliométrie générique.
Jean Philipe Genet décrit la notion du genre comme
structurellement porteuse d’ambiguïtés du fait même de la complexité de touteœuvre littéraire en tant qu’objet sémiotique. Il y a d’abord que les noms degenres sont tantôt endogènes, tantôt exogènes, et que leur statut peut être paratextuel ou métatextuel 198.
Son propos explicite la difficulté qu’il y a à cerner entièrement la notion de genre. Cettedifficulté s’accentue davantage lorsqu’il s’agit de procéder éventuellement à uneclassification générique d’ouvrages ou de textes. De ce fait, il est souvent très probable, que toute catégorisation générique, telle qu’en est le cas sur LITAF, pose, d’une façon oud’une autre, un souci de clarté, dû à une confusion des formes génériques. Sur cettebanque de données, on ne peut parler d’une mauvaise classification générique, car il n’en existe pas de bonne, étant donné que la notion de genre elle-même ne possède véritablement pas des contours concis. En effet, la classification des textes reste une méthode assez particulière impliquant très souvent des questions de nuances et del’arbitraire des choix. Le genre permet certes, de classer des textes, mais ce systèmesemble tout à fait instable, parce qu’il repose sur une notion qui manque elle-même déjà de clarté.
198
Genet, (Jean-Philippe.), « Matrices, genres, champs : une approche sur le long terme 1300-1600 »,in : Vaillant (A.), Mesure (s) du livre, Paris : Bibliothèque nationale, 1992, p. 57-74 ; p. 58.
168
Dans le chapitre précédent, nous avons déjà décelé et révélé les confusions qui se dégagent des catégorisations. Il existe en effet, dans certaines catégories littéraires, une « transgénéricité » qui implique des formes d’hybridation, c’est-à-dire, de mélange à des degrés divers de plusieurs genres. Par ailleurs, d’autres genres résistent à tout classementgénérique ou simplement « n’appartiennent à aucun genre constitué » 199 ; Alain Vaillantparle à cet égard d’« agénéricité » littéraire. Dans ce cas, l’absence ou le trop de relations génériques rend malaisément classables toutes ces catégories littéraires. Ainsi, ne pouvant faire abstraction de cette réalité, nous avons essayé de la contourner en nous intéressant de façon plus pointilleuse, aux genres qui offrent une certaine stabilité dans leur composition notamment, ceux qui relèvent de la littérature écrite de laquelle on exclut la littérature de jeunesse. Pour ce faire, nous allons premièrement nous intéresser de façon distincte, aux quatre genres majeurs, mais aussi à l’essai et la critique. L’analyse de cescatégories littéraires, permettra de mettre en exergue leur évolution quantitative à traversle temps. Ensuite, à partir d’une analyse comparative établie sur des micros-corpus (rassemblant des catégories littéraires qui partagent quelques points de similarité), ils’agira de retracer l’évolution quantitative des catégories littéraires réunies.
Mais auparavant, il nous a paru intéressant d’établir une classification des catégories littéraires à partir de leurs volumes de production, afin de dresser un bilan quantitatif de la production des genres dans la littérature francophone subsaharienne.
A. Répartitions quantitatives et comparatives de la production des catégories textuelles
La quantification des productions génériques, permet d’établir d’une part, une classification des genres ou des catégories littéraires selon leur volume de production, etd’autre part, de dresser une hiérarchie générique propre à la littérature francophone subsaharienne, dans le but d’identifier et d’interroger les facteurs qui déterminent les différents niveaux de production. Pour ce faire, nous avons établi deux graphiques : le premier présente de façon chiffrée la production globale de chacune des catégories littéraires et un second graphique plus pondéré, qui répartit en pourcentage le volume de
199
Vaillant (A.), L’Histoire littéraire, Idem., p. 298.
169
production des genres et catégories les plus représentatifs. Rappelons que les chiffres de production dans ces graphiques, tiennent compte de la totalité des données production.
Graphique 6 – Classement générique de la production écrite
Ce graphique est à la fois une répartition et un classement des catégories textuelles dont se compose LITAF, sauf celles qui totalisent une production de moins de vingt notices. Cet ensemble comptabilise au total 29947 notices, une quantité très importante avec toutefois, des réalités très disparates. Comme on peut le voir, toutes les catégories ne sont pas logées à la même enseigne ; on a, d’une part, des genres et catégories prolifiques dont le volume global approche ou dépasse les 2000 notices et, d’autre part, les genres et catégories avec une moyenne voire, pour certaines, une très faible production.
La critique domine fortement l’ensemble de cette production écrite, comme on peut le voir, elle se positionne comme la catégorie la plus dense en termes de diffusion. Le volume de production critique témoigne aussi de l’intérêt critique qui est porté à cette littérature. Généralement, la croissance de cette catégorie littéraire dépend aussi, commeon a pu le montrer précédemment, de l’augmentation de la production littéraire dans son ensemble. Il en est de même pour le compte-rendu, qui occupe la troisième place de ce
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classement. Comme pour la catégorie critique, l’évolution quantitative de cette catégorie littéraire dépend aussi de celle de la production littéraire dans son ensemble.
Le roman conserve son hégémonie en tant que genre littéraire majeur ; il est suivi de la poésie, de la nouvelle, de la littérature de jeunesse, du théâtre et de l’essai dont laproduction a démarré pourtant assez tardivement. Ensuite, nous avons des genres qui enregistrent une production moyenne, notamment les entretiens, le conte, la littérature traditionnelle et le récit. Le conte occupe une place assez particulière dans la production littéraire francophone subsaharienne ; il enregistre au total 711 fiches. C’est l’un despremiers genres à avoir connu un véritable essor quantitatif dans le cadre de cette littérature. La multiplicité des possibilités de publication dont il bénéficie a largement joué en faveur de sa production.
Enfin, le reste des catégories affiche une production assez faible voire très faible pour certaines. Les mémoires, le dictionnaire et les chroniques occupent les dernières places de ce classement. Leur production semble assez marginale dans cette littérature.
Par ailleurs, le classement générique du graphique laisse percevoir un bouleversement hiérarchique des genres traditionnels. En effet, comme le montre ce graphique, la littérature de jeunesse et la nouvelle ont supplanté le théâtre qui n’arrive qu’en septième position du classement. Or, de l’avis de tous, le théâtre a toujours été ungenre littéraire très représentatif (aussi bien quantitativement que symboliquement) de la littérature. À partir de ce constat, on se demande si ce genre est en train de progressivement devenir un genre mineur sur le plan quantitatif. Ou est-ce simplement le fait que les chiffres fournis par LITAF, dans ce cas, cachent d’autres réalités pluscomplexes, et donc insaisissables de prime abord ?
Ce premier graphique a permis d’établir une hiérarchie générique de la littératurefrancophone subsaharienne. Mais, la pluralité des genres qui y sont référencés ne le rend pas assez représentatif. Ainsi, il nous a paru nécessaire de tracer un graphique plus restreint qui permettrait de mieux appréhender cette production littéraire. Cette approche se veut plus explicite, et elle nous permet de faire un examen plus détaillé des détails quantitatifs.
171
Graphique 7- Répartition quantitative et générique de la production littéraire
Dans ce graphique, on a essayé de quantifier la production littéraire de manière plus pondérée. Selon nous, les genres inclus dans ce graphique sont les plus représentatifs de la littérature francophone subsaharienne, sachant que la banque de données intègre plusieurs autres catégories textuelles qui peuvent être classées comme étant de la « littérature par extension » (cf. chapitre 1).
Les pourcentages de production présentent le roman comme le genre le plus dense du corpus. Il rassemble à lui seul, environ 1/3 de cette production littéraire. Son influence est encore plus grande, car il est le genre qui régule l’édition de la littérature francophone subsaharienne. En effet, la diffusion romanesque nécessite obligatoirement une édition, et le succès de ce genre littéraire, est tout d’abord un succès éditorial. Par ailleurs, la moyenne très élevée du genre (30%°) est aussi le fait de sa « trangénéricité ». Ce genre littéraire rassemble plusieurs sous-catégories qui l’enrichissent énormément, et dans la banque de données LITAF, le roman se distingue très difficilement du récit, car les deux genres se chevauchent.
Malgré les mutations éditoriales de ces dernières décennies, qui accordent de moins en moins de place à la poésie dans l’offre éditoriale, ce genre arrive toujours à conserver172
une place importante dans la littérature francophone subsaharienne. Elle affiche un taux de 19%, soit 11% de moins que le roman. On se demande ce qui peut expliquer son volume de production.
Par ailleurs, les moyennes en pourcentage du graphique permettent de mieux saisir le ralentissement que connait la production théâtrale. Elle totalise un pourcentage de 9%, derrière celui de la nouvelle (11%) et de la littérature de jeunesse (10%), qui connaissent une hausse fulgurante dans leurs productions. Si les nouvelles logiques éditoriales ont largement favorisé la production de la littérature de jeunesse, qu’est-ce qui expliquel’accroissement tendanciel que connait la production de la nouvelle ?
Concernant la production de l’essai (7%), elle avoisine de près celle du théâtre. Ce genre littéraire connait aussi une certaine expansion, malgré son avènement assez tardif dans la littérature francophone subsaharienne. L’essai constitue une branche assez importante de cette production littéraire. Il se constitue désormais, comme étant une catégorie importante dans cette littérature. Quelle a été son évolution au fil des années ?
Dans la littérature francophone subsaharienne, le conte ne suscite pas un grand intérêt critique (cf. chapitre 4), pourtant, il constitue une part de production importante (6%) dans cette littérature ; il est suivi de la littérature traditionnelle, qui enregistre un taux de 4%. Cependant, les deux genres se dissocient difficilement sur cette banque de données, ce qui empêche de détailler distinctement leur production réelle. Le récit enregistre le plus faible taux de production (3%) du corpus. Mais, la très grande part des notices liées à ce genre, sont aussi référencées dans la catégorie « Roman », il est ainsidifficile de saisir l’évolution quantitative de ce genre à partir de la banque de donnéesLITAF.
En général, la littérature se compose d’une multiplicité de textes de tous genres, mais très souvent, elle est représentée à travers les trois genres majeurs que sont : le roman, la poésie et le théâtre, auxquels on peut ajouter la nouvelle et la littérature de jeunesse qui progressivement prend une place importante dans la production littéraire. Le reste de la production, est souvent assez marginalisé par rapport à ces genres quelques genres. Or, toutes les catégories littéraires, peu importe la minceur de leur volume de production, jouent un rôle considérable en participant à l’essor d’une littérature. Alain Vaillant écrit à ce propos qu’
173
[o]n se représente spontanément l’ensemble des productions littéraires en un tout hiérarchisé, ayant un centre constitué des textes majeurs, et une périphériedont l’intérêt littéraire serait disséminé en une grande masse d’objetsmédiocres; si je puis oser cette métaphore agricole, il y aurait un noyau de littérature intensive, et un vaste domaine voué à la littérature extensive. Sans en induire nécessairement un jugement de valeur à proprement parler, il paraît donc raisonnable méthodologiquement, pour qui veut connaître la littérature,d’aller directement à son centre, parce qu’il a plus de chances d’en retirer desenseignements majeurs 200.
Son propos met en lumière, la partialité qui se décline dans la présentation que l’on fait de la littérature en général et celle qui se fait dans la plupart des études littéraires. Très souvent, elles sont orientées sur un ensemble de textes ou de genres littéraires qui se constituent comme étant un centre, au détriment d’autres qui suscitent peu d’intérêt. Il en est de même, pour la littérature francophone subsaharienne dont la description etl’analyse s’élaborent couramment autour de trois genres, notamment : le roman, le théâtreet la poésie. Partant de ce constat, nous avons voulu étendre cette bibliométrie générique de la littérature francophone subsaharienne, à toutes les catégories textuelles dont est composée la banque de données LITAF. Toutefois, la structuration de ce corpus rend cette perspective très complexe. De ce fait, nous avons été obligées de ne s’intéresser qu’aux quelques catégories littéraires qui permettent de suivre aisément leur évolution dans le temps. Ainsi, dans un premier temps, nous allons d’abord examiner de façon distincte et comparative, la production des genres les plus représentatifs (roman-poésie-théâtre- nouvelle), dans le but de tracer quantitativement leur évolution à travers les périodes. Dans un second temps, nous allons nous intéresser aux genres et catégories littéraires qui sont considérés comme mineurs du point de vue de la représentation. S’intéresser à ces catégories, c’est aussi exhumer une partie de la littérature ou de l’activité littéraire qui est très souvent mise en marge des analyses critiques et historiques. Pour cela, nous avonsrassemblé quelques catégories littéraires à partir d’éléments de ressemblance typologique.Suivre leur production, permettrait de comprendre leur constitution en tant que catégorie littéraire automne. Par ailleurs, à travers toute cette bibliométrie générique, il sera question aussi de saisir l’évolution des attitudes de lecture et des postures d’écrivains.
200
Vaillant, (A), « Mesure de la littérature », art. cit., p.187.
174
B. Mesures et analyses des évolutions périodiques des genres littéraires majeurs
Graphique 7- Répartition proportionnelle des genres majeurs
Ce graphique répartit proportionnellement le poids de production des quatre genres.Le roman domine fortement l’ensemble du corpus ; il représente près de la moitié de cette production restreinte. On peut aussi voir que les écarts de production entre la nouvelle et le théâtre se creuse davantage, et que la poésie, malgré un taux assez important, reste loin derrière le roman. La question centrale de cette analyse est de savoir comment a évolué chacun de ces genres littéraires et quels sont les facteurs qui expliquent les écarts des niveaux de production.
La sensibilité des auteurs a longtemps été le facteur principal qui a conditionnél’activité littéraire dans son ensemble et par conséquent celle de ses différentes catégories textuelles. Depuis la seconde moitié du XXe siècle, la communication éditoriale, très largement influencée par les goûts du public (qui varient à travers le temps), joue désormais un rôle prépondérant dans ce domaine. Elle oriente la production littéraire selon les besoins du marché, en privilégiant les genres et catégories littéraires qui ont une
175
valeur marchande très importante. De ce fait, une réorganisation moderne et très standardisée de la notion de genre littéraire est en train de se mettre en place, même si celle héritée du modèle classique continue de lui résister.
En effet, depuis la fin du XIXe siècle, le classement de la production littéraire s’est schématisé de façon plus restreinte et plus simple par rapport au système générique très complexe qui existait depuis le Moyen-âge. Cette nouvelle classification générique se fait très souvent, autour des genres du roman, de la poésie et du théâtre qui forment désormais, le modèle générique standard. Selon Antoine Compagnon, cette classification reste la plus utilisée, car c’est sur elle que repose désormais la réception littéraire. Elle constitue ainsi « l’état présent de la distribution de la littérature » 201.
De ce fait, commencer notre analyse en nous appuyant sur cette classification générique traditionnelle a semblé évident. Il faut préciser que le terme « majeur » qui estutilisé pour présenter l’ensemble de ce micro-corpus a une connotation de représentativité. Ainsi, à ces trois genres représentatifs, nous avons choisi d’adjoindre la nouvelle. En effet, bien souvent présentée comme un genre mineur, la nouvelle, dans ce contexte, surprend par la vivacité de sa production, qui la positionne comme étant l’undes genres les plus prolifiques de la littérature francophone subsaharienne. Sur le plan quantitatif, la nouvelle occupe une place de genre majeur; donc, elle s’intègrecorrectement à cette classification.
Pour ce corpus, LITAF totalise une production de 8695 notices, soit près de 1/3 del’ensemble du corpus. Quelques analyses portant sur l’évolution de la production de ces genres ont été menées. Toutefois, la grande majorité d’entre elles, propose une évolution historique généralisée des genres, c’est-à-dire, qui ne tient pas compte des réalités propres à chacune des catégories génériques. En effet, l’histoire de la littérature francophone subsaharienne a très souvent été orientée dans une perspective globalisante et, à la fois, dans une démarche majoritairement thématique. Ainsi, la périodisation littéraire dans ces cas, repose très souvent sur les grandes orientations thématiques se rapportant aux mutations historiques liées à cette partie du monde. Généralement, on retient cinq grandesphases historiques qui ont marqué l’évolution de cette littérature à savoir : la période
201
Compagnon (Antoine), « Genre, création, évolution » (cours) [En ligne]http://www.fabula.org/compagnon/genre12.php , consulté le 17 janvier 2018.
176
coloniale, celle des décolonisations, celle des indépendances, celle des après- indépendance et enfin la période postcoloniale. Ces cinq périodes sont des « étapescanoniques adoptées par l’historiographie africaine » 202. En somme, l’histoire littéraire francophone subsaharienne s’est construite dans un certain conditionnement, qui influence largement ses formes génériques.
Sur la base des recherches effectuées dans ce cadre, on constate qu’il existetoujours une méconnaissance réelle de l’évolution quantitative des genres littéraires. Il est très probable que l’évolution du roman qui suscite un plus grand intérêt critique, soit la base référentielle à partir de laquelle on a interrogé ou on interroge encore, le reste des catégories littéraires. Majoritairement, c’est la production romanesque qui a permis de saisir les tendances liées à la production littéraire francophone subsaharienne ; si bienqu’à partir des années 1950, toute l’histoire littéraire francophone subsaharienne reposepresqu’entièrement sur ce genre littéraire.
En effet, la poésie francophone subsaharienne, est intrinsèquement liée à laNégritude. Toutefois, après l’essoufflement de ce mouvement littéraire, son évolution reste quasiment inexplorée et de ce fait, très peu connue. De même, le théâtre qui enregistre pourtant une production critique assez dense, est essentiellement présenté à travers deux périodes de son histoire : celle de la création de la troupe William Ponty, qui constitue par ailleurs, son avènement et celle qui s’est constituée avec l’organisation du Concours théâtral interafricain. Au-delà de ces deux périodes, l’évolution du genre dansl’ensemble, demeure encore très opaque. La nouvelle quant à elle, a toujours été présentée comme un genre mineur de la littérature. Ainsi, malgré l’abondance de sa production, ce genre littéraire ne suscite toujours pas un grand intérêt critique. Plus que la poésie et le théâtre, son évolution historique reste encore moins analysée.
Après de tels constats, une bibliométrie générique distincte des quatre genress’avère essentielle. Elle permettra de se détacher de cette vision généralisante, afin de retracer, une évolution historique et quantitative propre à chacune des catégories. La quantification dans cette analyse servira à établir une chronologique indiquant les tendances évolutives à savoir : les progressions, les régressions, les stagnations, ainsi que les corrélations, les disparités et les écarts dont les détails sont souvent insaisissables lors
202
Ducournau, (C.), La Fabrique des classiques africains, Paris, Éditions du CNRS, p. 274
177
d’un examen des faits bruts. En d’autres termes, il sera question : « chercher à établir les moments historiques et sociaux de la naissance, de la floraison et du dépérissement des genres.203 », si bien sûr la production générique a atteint ce dernier stade.
Pour ce faire, les analyses vont porter sur des dénombrements périodiques allant de 1900 à 2010. Toutefois, la prise de mesure de la production de chacune de ces catégories, répondra à des périodicités variables qui s’adapteront à l’évolution de chacune des productions. Par la suite, une analyse comparative et périodique de la production des quatre genres, permettra de croiser leur évolution dans le but de saisir, comme il a été déjà dit, les corrélations, les disparités et les écarts qui ont marqué leur progression dans le temps.
1° Évolutions périodiques de la production romanesque
Le roman reste le genre le plus important, aussi bien sur le plan quantitatif que sur celui de la réception (LITAF affiche une somme de 2028 notices critiques consacrées àl’étude du roman). À lui seul, ce genre représente quasiment la moitié de la production du corpus analysé, et cette réalité n’est pas essentielle à la littérature francophone subsaharienne. En effet, depuis le siècle dernier, le roman a pu acquérir un statut de « genre noble » ; ce reclassement progressif a été le fait de plusieurs facteurs qui ont largement été favorables à l’intensification du rythme de sa production, qui lui octroie désormais, une grande influence dans la sphère littéraire. Plus qu’un genre littéraire, le roman est devenu une littérature à part entière dont les formes et les thématiques sont régulièrement revisitées et varient au fil du temps. Bruno Blanckeman justifie la vitalité de la production romanesque par : « sa liberté de forme et de parole, par sa polymorphie qui lui permet de s’adapter à toutes les circonstances de la vie sociale ou intime, et sa capacité à être en phase avec tous les tourments et les tourmentes d’une société. »204. En somme, on peut comprendre que le roman est un genre qui s’adapte à tout et peut s’écrireà partir de tout. De plus, il se déploie à travers des formes diverses très souvent appelées des sous-genres tels que l’historique, l’autobiographique, le sentimental, lepsychologique, le roman d’aventure, le roman policier entre autres, qui l’enrichissent
203 204
Vaillant (A.) L’histoire littéraire, Ibidem., p. 488.
Blackeman (Bruno), Le roman depuis la Révolution française, Paris : Presses universitaires de France, 2011, p. 15.
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énormément. Cependant, cette nature protéiforme n’est pas le seul élément qui justifie la densité de sa production. À cela, il faut ajouter le fait que le roman bénéficie d’unepolitique éditoriale très favorable à laquelle, il doit surtout son hégémonie.
En effet, l’édition littéraire a mis le roman sur un piédestal et dans cette perspective, plusieurs stratégies éditoriales contribuent à faire de ce genre un art à part entière. À titred’exemples, on peut citer : la multiplication des points de diffusion qui font passer le roman par des circuits de distribution plus ouverts (bureaux de tabac, les kiosques de gare, rayons de grandes surfaces…), et le fait que le roman détient quasiment le monopole d’attribution des prix littéraires (la plupart des grands prix littéraires récompensent le plus souvent les romans), pour ne citer que ceux-là. Toutes ces stratégies, à la fois commerciales et éditoriales incitent les écrivains à écrire très souvent des romans. Cette pratique littéraire plus que d’autres, garantit une plus grande réception et par conséquent, un taux de tirage plus élevé avec à la clé, une plus grande possibilité pour les romanciers d’accéder à la consécration. Aujourd’hui, le roman se place parmi les genres et catégories littéraires les plus rémunérateurs, et c’est un facteur déterminant qui conditionne sa production. Pour Robert Escarpit, de tous les genres littéraires, c’est le roman qui a le plus bénéficié de ce qu’il nomme « la Révolution du livre ».
Dans le cadre de la littérature francophone subsaharienne, le roman fait l’objet d’une multitude de périodisations établit en grande majorité, à partir des idées directrices qui ont marqué son évolution historique. Dans sa Sociologie du roman africain 205, Sunday Anozié explique que les mutations thématiques dans la production romanesque se sont appuyées sur les bouleversements socio-historiques et politiques des États africains dans leur ensemble. Mais Jacques Chevrier, dans La littérature nègre, décrit l’évolutiondu genre à travers cinq phases qui restent, selon lui, les orientations du roman subsahariend’expression française depuis son émergence, bien qu’il existe des dénominateurscommuns à ces cinq courants romanesques et que des interférences entre eux soient toujours possibles. Il propose à cet égard : le roman de contestation, le romans historique, le roman de formation, le roman de l’angoisse, le roman de désenchantement. Selon lui, ce sont « les grandes lignes panoramiques du roman négro-africain contemporain, en
205
Anozié (Sunday), Sociologie du roman africain, Paris : Aubier-Montaigne, 1970.
179
même temps, elles posent les premiers jalons d’une réflexion sur la signification profondede cet important courant romanesque » 206.
À travers toutes ces analyses, on constate que la plupart des études sur le genre portent sur les contenus d’ouvrages et la sociologie du roman africain, dans ce contexte, fait habituellement état des conditions historiques et sociales qui ont orienté la production romanesque vers une thématique donnée ou encore, vers une poétique particulière. La périodisation historique romanesque dans le cadre de cette littérature s’oriente surtoutvers une visée sociologique et thématique. On se demande alors ce qu’il en est del’évolution historique et quantitative du genre, et quels ont été les facteurs historiques qui ont conditionné cette évolution quantitative.
a. De 1900 à 1920
Graphique 8- Évolution annuelle de la production romanesque entre 1900 et 1920
Ce premier graphique présente l’année 1901 comme celle qui a marqué l’entrée duroman dans la littérature francophone subsaharienne. Les détails du graphique indiquent une production très modeste tout au long des vingt premières années que couvre la
206
Chevrier (J.) La littérature nègre, Paris, Armand Colin,1984, p. 103.
180
période. Pour cette phase, LITAF enregistre un total de cinq notices et, l’examen de lasignalétique a été nécessaire pour saisir plus amplement les détails de leur production.
Les parutions qu’enregistrent les années 1901 et 1913, sont des romans traduits enfrançais de l’auteure Sud-Africaine Olive Scheiner. Mais ce n’est qu’en 1912 qu’on notela parution du roman-récit Le Réprouvé qui, selon LITAF, est le premier roman écrit par un auteur subsaharien ; il est suivi de la parution du roman Les Trois volontés de Malick, qui a été rééditée en 1920 dans une version certainement revue et augmentée, car entre les deux versions, le nombre de pages a augmenté, en passant de 28 pages en 1915 à 32 pages en 1920.
Durant cette période, il est difficile de parler d’une véritable production romanesque car les notices répertoriées (dans cette catégorie), hormis celles d’OdileSchreiner, oscillent entre le récit et le roman. De plus, elles sont marquées par une certaine brièveté, au niveau de la longueur du texte (32 pages au maximum). En somme, on peut retenir de cette analyse que la production du roman dans la littérature subsaharienne de langue française a commencé au début du XXe siècle, mais dans des fictions relativement brèves.
Qu’en est-il de la phase suivante ? b. De 1920 à 1950
181
Graphique 9- Évolution annuelle de la production romanesque de 1920 à 1950
Pour cette seconde phase, LITAF enregistre une production de 27 notices, soit une moyenne de près de 1/an. On constate une hausse assez significative au cours de ces années, malgré des phases d’absences : de 1924 à 1928 ; de 1932 à 1934 et enfin, de 1942 à 1945. À partir de 1946, la production du genre a repris son cours, après une absence de production probablement due au déroulement de la Seconde Guerre mondiale et, depuis cette année le roman est rentré dans une phase de production constante.
Cependant, pour cette phase de production, la signalétique indique un nombre important de rééditions ou réimpressions et de traductions. Or, selon Guy Rosa 207, les quantifications bibliométriques ne devraient prendre en compte que les premières éditions, ou encore les premières impressions dans le cas d’une impression. Ainsi, si on extrait de ce corpus, l’ensemble des réimpressions (3) et des traductions (5), on peutconstater que le rythme de la production romanesque, durant cette phase, s’est aussimaintenu à un niveau relativement bas. En effet, les conditions qui pouvaient soutenir la production du genre, n’étaient pas encore réunies. Les taux d’alphabétisation encore très faibles durant cette période, restreignaient fortement les possibilités d’écriture et l’accès àl’édition de ce fait, restait encore très difficile. Or, le roman, bien plus que les autresgrands genres de la littérature, nécessite davantage l’implication d’une structure
207
Rosa (G.), « Le peuple des poètes. Étude bibliométrique de la poésie populaire de 1870 à 1880 »,art. cit., p. 22.
182
éditoriale. Toutefois, il n’en existait pas encore au niveau local, hormis quelquesimprimeries qui régulaient l’ensemble de la production locale ainsi que des bulletins officiels et d’autres périodiques qui étaient plus portés sur d’autres types de textes.
Après la Seconde Guerre mondiale, précisément dès 1946, on constate un renversement de la tendance, avec une hausse légère mais significative de la production romanesque. Paradoxalement, LITAF n’enregistre aucune édition de roman d’un auteursubsaharien tout au long de cette période. Durant ces années (1946-1950), on relève plusieurs traductions de romans d’auteurs sud-africains, une réimpression du romanKarim d’Ousmane Socé et des extraits du roman-feuilleton d’Abdoulaye Sadji (Nini la mulâtresse) publiés dans la revue Présence africaine, mais dont la version achevée a faitl’objet d’une édition au cours la seconde moitié du siècle.
La signalétique fournie par LITAF, plus que les chiffres de production obtenus, laissent constater le fait que la production du roman dans la littérature francophone subsaharienne durant la première moitié XXe siècle, s’est faite de façon inconstante. Cette situation a certainement été le fait de la lente expansion de la langue française dans les populations locales tout au long de la période. En effet, l’alphabétisation enregistraitencore des taux très bas et les possibilités d’écriture en français étaient de ce fait, très limitées. Or, la production du genre nécessite une certaine maitrise du français, et seule une infime partie de la population dans les colonies, détenait véritablement cette possibilité.
Par ailleurs, malgré les mutations qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, lerythme de production n’a pu prendre une réelle envergure. Il faut dire que le roman, à cette époque, avait été mis en second plan au profit de la poésie, autour de laquelles’articulait l’essentiel de la production littéraire, et qui en plus, était soutenue par le mouvement de la Négritude. En effet, durant les années 1940, les écrivains se sont plus orientés vers la poésie, et cela a plus ou moins réduit la production des genres narratifs dans leur ensemble. L’influence de la poésie lors de cette phase, a conduit beaucoupd’écrivains de la période, à faire leurs premiers pas dans l’écriture, à travers des rimes poétiques. En outre, il faut souligner aussi le fait que le roman, contrairement à la poésie ne bénéficiait pas d’un encadrement adéquat. Son écriture se faisait de façon totalement isolée, tandis que la poésie était soutenue dans le sens où, elle relevait le plus souvent,d’une sociabilité entre écrivains qui était centrée autour du concept de la Négritude. Pour
183
Hausser et Mathieu, jusque dans les années 1950, la poésie dans la littérature francophonesubsaharienne s’élaborait
[a]u sein d’une « camaraderie », autour d’un programme, complexe dans samise en œuvre mais simple dans ses présupposés et dans ses buts : il existe uneculture nègre ; il faut en montrer la valeur et l’intérêt par la création d’œuvres actuelles. [...] Rien de tel du côté des prosateurs. Le « récit africain » seprépare en une vingtaine d’années sinon plus et sans concertation : chacun écritde son côté avec ses propres exigences : pas de programme, même si des orientations sont repérables, même si des règles sont ultérieurement édictées.208
On comprend alors que le roman, durant cette phase, a été en partie éclipsé par la poésie qui, dans les années 1940, est devenue le genre-phare de la littérature francophone subsaharienne. Ainsi, l’influence de la poésie, dans ce contexte, a été défavorable à la production romanesque qui souffrait, en plus, d’un manque de conditions appropriées pouvant permettre son essor.
Qu’en est -il de la phase suivante ? c. De 1950 à 1980
208
Hausser (M.) ; Mathieu (M.), Littératures francophones III. Afrique noire, Océan Indien, Paris : Éditions Belin, p, 171.
184
Graphique 10 – Évolution annuelle de la production romanesque entre 1950 et 1980
La lecture du graphique montre qu’à partir des années 1950, le roman francophone subsaharien est entré dans une phase de stabilité dans sa production. Le mouvement de la courbe indique une production à la hausse, malgré quelques phases de stagnation ainsi que des années de régression. Les premières années (1951 et 1952), affichent uneproduction relativement faible par rapport à l’ensemble de la période. Ce n’est qu’à partirde 1953, qu’on note une hausse dans la production malgré une année de recul (1955). Après cette année, la reprise dans la production du genre a été modérée mais significativejusqu’au début des années 1960 ; dans son ensemble, cette décennie a été une phase de flottement comme le traduit la stagnation de la courbe de production. La dernière décennie du cycle, a été marquée par un renversement de la tendance, qui s’est accompagnée d’une augmentation exponentielle des rythmes de production jusque dans les années 1980.
En somme, tout au long de ce cycle, l’évolution s’est faite de façon constante etquasiment progressive. La moyenne de production a presque quadruplé par rapport au cycle précédent. Quels ont été les facteurs auxquels on peut annexer cette croissance ?
185
Rappelons que le paysage éditorial et littéraire d’après-guerre a été marqué par de grandes mutations comme il a été souligné précédemment. Dans le domaine de l’éditionen particulier, on a assisté à « l’industrialisation croissante de la production littéraire » 209, induite par la modernisation des mécanismes éditoriaux et soutenue par les transformations à la fois idéologiques, structurelles et économiques du secteur éditorial. En effet, dans le contexte éditorial d’après-guerre, les éditeurs sont devenus plus accessibles, et accordaient désormais une plus grande place à la nouveauté dans leurs catalogues. Toute cette réorganisation a sans doute été bénéfique à la production romanesque, qui de ce fait, a pu profiter d’un cadre éditorial plus favorable dont elle manquait les décennies précédentes.
Toutefois, si la décennie des années 1950 a été une phase de stabilité dans la production du genre, les années 1960 quant à elle, ont été marquées par un ralentissement du rythme de production. C’est une phase de tâtonnement qui peut s’expliquer par « ledésintérêt croissant de l’édition parisienne » 210, qui pourtant, avait été jusque-là, le moteur principal de l’édition du roman subsaharien francophone. En effet, Albert Gérard explique que dans les années 1960, « le nombre d’œuvres littéraires capables de séduire les éditeurs parisiens décrut d’une manière dramatique » 211. Or, dans la plupart des grandes villes de la sous-région, il n’existait pas encore à cette période, une véritable activité éditoriale capable de soutenir de façon rythmée, la production romanesque. Lesquelques structures éditoriales récemment implantées ou créées n’étaient encore qu’à leurphase de tâtonnement. De ce fait, cette décennie a surtout été marquée (comme le montre la signalétique) par une activité de rééditions des romans parus dans les années 1950 et des publications épisodiques de romans feuilletons dans la presse locale, ou dans des revues littéraires qui étaient en activité.
Ce n’est que dans les années 1970 que le roman est entré dans une phase de production plus accrue, et cette évolution à la hausse, a été constante jusqu’à la fin de ce cycle. En effet, le développement éditorial qu’a connu l’Afrique francophone
209
210 211
Tonnet-Laroix (E.), La littérature française et francophone de 1945 à l’an 2000, Paris:L’Harmattan, 2003, p.21.
Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Paris : CNRS Éditions, 2017, p.155.
Gérard (A.), Afrique plurielle, Études de littérature comparée, Amsterdam, Atlanta : Rodopi, p. 44.
186
subsaharienne au cours de cette période, a sans doute permis cet accroissement dans la production du genre. La réorientation des éditions CLE vers des activités d’éditiongénérale, la création des Nouvelles éditions africaines à Dakar, Abidjan et à Lomé,l’implantation des éditions St-Paul à Lubumbashi et à Kinshasa, ainsi que la création de plusieurs structures éditoriales locales, ont permis de relancer la production du genre et de combler le déficit éditorial dont souffrait plus ou moins l’ensemble de la production littéraire depuis le milieu des années 1960. L’essor de l’édition à partir des années 1970, a largement soutenu la production du genre en lui octroyant plus d’envergure.
En définitive, le rôle des éditeurs africains a été très déterminant dans la tournurequ’a prise la production du roman vers la fin des années 1960. Mais on se demande si cette lancée a été progressive durant les décennies suivantes.
d. De 1980 à 2010
Graphique 11- Évolution annuelle de la production romanesque entre 1980 et 2010
À partir des années 1980, la production du roman francophone subsaharien a eu une évolution quasi-ascendante, nonobstant quelques années de légères régressions et une
187
stagnation durant les années 1990. Le rythme de production s’est accéléré davantagedurant les années 2000, en avoisinant une moyenne de 200/an en fin de cycle.
Les années 1980, ont été marquées par une augmentation croissante des structures éditoriales portant un intérêt à la production littéraire francophone subsaharienne. En plus, ces années ont enregistré une hausse importante du « personnel littéraire » (cf. chapitre 2), qui n’a cessé de s’accentuer au fil des décennies. L’avènement de cesnouveaux acteurs de la vie littéraire a largement contribué à la hausse de cette production littéraire dans son ensemble, mais, surtout, à celle du roman en particulier.
En effet, depuis les années 1980, le roman profite de la rationalisation commerciale qui a été adoptée dans l’édition littéraire. Elle a fait du roman un genre phare, dont la production est très encouragée chez les éditeurs. Cette politique éditoriale marchande, a accru les chiffres de production aussi bien, dans la production que dans la diffusion du genre. Ainsi, le roman francophone subsaharien depuis le début des années 1980, bénéficie de l’intérêt éditorial accordé au genre dans sa globalité.
En somme, depuis ces dernières décennies, la distribution de l’édition littéraire est orientée à partir d’une politique éditoriale qui accorde un intérêt de plus en plus grandissant pour des catégories très vendeurs tel que le roman. Dès lors, ce genre s’estconstitué comme une catégorie littéraire à part entière et fortement valorisée autant par les écrivains eux-mêmes, que par les éditeurs et le lectorat. Ainsi, l’influence dontbénéficie désormais ce genre littéraire contribue fortement à son essor dans toutes les sphères littéraires, y compris, dans la littérature francophone subsaharienne.
2° Évolutions périodiques de la production théâtrale
Contrairement aux trois autres genres littéraires, le théâtre propose d’autres modes de réception (spectacle et lecture). De ce fait, il entretient des rapports déterminants avec le public, car il se consomme de plus en plus de façon représentée, c’est-à-dire, sur la scène qui est aussi, son mode de réception fondamental. Pour définir ce genre littéraire, Alain Viala le présente d’abord et surtout comme étant un spectacle ; il écrit à cet égard que « tout au long de son histoire, le théâtre existe comme spectacle, et n’existe vraiment
188
comme théâtre qu’en tant que spectacle » 212. Ainsi, la production imprimée, dans ce cas,bien que nécessaire à l’essor du genre, reste cependant une phase annexe dont le théâtre peut aisément se passer.
La multiplicité des modes de réception (lecture-spectacle-publication imprimée) dont se caractérise la production théâtrale, le différencie énormément d’autres genreslittéraires pour lesquelles, la publication imprimée reste souvent le moyen de publication privilégiée. Ainsi, il est nécessaire de prendre en compte cette réalité, lorsqu’on veut examiner la production d’un tel genre. Dans ce cas, les chiffres de production doivent être maniés de façon précautionneuse et cela appelle donc à prendre quelques précisions sur lafaçon de l’envisager.
Dans son analyse sur la production théâtrale sous la Restauration et la monarchie dejuillet, Odile Krakovitch montre la nécessité d’établir au préalable, une série d’enquêtes avant d’établir une analyse sur la production du théâtre, car elle est se singularise par une certaine complexité qu’il faut prioritairement cerner. Dans cette perspective, elle pose un certain nombre de problématiques qui doivent être abordées en priorité à savoir : « existe- t-il un répertoire qui n’a été écrit que pour être lu ? Quelle est la proportion des pièces jouées qui ont été éditées ? Quel délai entre la première représentation et la première édition ? » 213. En plus de cette problématique, d’autres interrogations nécessitent d’êtreposées, à savoir: existe-t-il un répertoire théâtral essentiellement destiné à la représentation ou à l’édition ? Quel serait le mode de diffusion privilégié du genre ? Existe-t-il aujourd’hui, des modes de diffusion plus modernes ? Enfin, le théâtre est-il encore véritablement un genre littéraire ?
Le but de cette analyse n’est pas d’apporter des éclaircissements sur ces quelquesinterrogations, bien qu’elles méritent d’être soulevées. Ainsi, face à l’immensité d’unetelle problématique, notre analyse ne se limite qu’aux notices sur la production théâtrale contenues dans LITAF. À partir des données fournies, il sera question de tracer l’évolutionquantitative de la production du genre et d’examiner les facteurs qui ont influencé sa progression périodique.
212 213
Viala (Alain), Le théâtre en France, Paris : Presses universitaires de France, 2009, p.7.
Krakovicth (Odile), « Le théâtre sous la Restauration et la monarchie de Juillet : lecture et spectacle », in : Vaillant (A.), Mesure (s) du livre, Ibidem., p.147-164 ; p.147.
189
Pour cette catégorie littéraire, LITAF affiche un volume global de 1106 fiches ; soit une moyenne annuelle de production d’environ 10/an sur l’ensemble de la périodeétudiée. Par rapport au roman, la production du théâtre est restée modérée dansl’ensemble ; néanmoins, son évolution s’est faite de façon progressive et le théâtreconserve un certain dynamisme, en se maintenant parmi les catégories littéraires les plus denses du corpus. Nous avons analysé son évolution à travers trois cycles périodiques.
a. De 1920 à 1950
Graphique 12- Évolution annuelle de la production théâtrale entre 1920 et 1950
La courbe de production du graphique montre que la production théâtrale dans la littérature francophone subsaharienne a démarré dans les années 1930, précisément, en 1934 pour la première publication. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la production du genre, est exclusivement restée une œuvre collective et l’année 1937 a étéla plus prolifique, avec un total de huit parutions pour les dix-neuf que rassemble la période. Dans l’ensemble, la production théâtrale s’est faite de façon très disparate aucours de la période, même si, le taux de production par rapport aux autres genres reste assez élevé.
190
À l’origine, le théâtre subsaharien de langue française s’est constitué dans le cadrescolaire 214, qui lui aussi octroyé une « impulsion décisive », pour reprendre l’expressionde Jacques Scherer. En général, l’activité théâtrale inclut des aspects très larges, et sa pratique avait été insérée dans l’enseignement de la langue française et surtout dans lespratiques de lecture et d’écriture utilisées de la première moitié du XXe siècle. Jusqu’audébut des 1950, le théâtre a joué un rôle important dans l’encadrement scolaire, dans lescolonies françaises, notamment en AOF.
À ses débuts, le théâtre s’est majoritairement déployé à travers de multiples spectacles publics (notamment les fêtes de fin d’année). Mais, la diffusion des textes s’estfaite un peu plus tardivement, à travers deux périodiques locaux : le Bulletin deL’Enseignement en AOF et l’Éducation africaine qui ont été les premières voies de publication du genre.
Entre 1938 à 1946, le genre n’a enregistré aucune production. Cette absence deproduction, peut s’expliquer par le transfert en 1937, de l’École normale William Ponty à Sébikhotane, d’une part, et, d’autre part, par le départ de Charles Béart (dirigeant de la troupe de théâtre), muté comme chef de service de l’enseignement en Mauritanie et auSénégal. Ces deux mutations ont sans doute impacté la production du genre puisqu’àcette période, elle était entièrement l’œuvre des « potins ». En outre, le déroulement des hostilités de la Seconde Guerre mondiale, qui avait défavorablement impacté l’ensemblede la production écrite, pourrait aussi avoir, durant cette phase, temporisé celle de la production théâtrale.
Ce n’est qu’en 1947, que l’on note une reprise timide, en plus, cette année a étémarquée par la première parution d’une pièce théâtrale à titre individuelle : il s’agit de La mort du Damel d’Amadou Cissé Dia, qui avait été publiée par la revue Présence Africaine. Rappelons qu’avant cette date, on ne relève aucune publication individuelle,l’ensemble des productions théâtrales, était signé comme étant l’œuvre de la troupe William Ponty toute entière. Cette tendance a pris fin avec la création de la revuePrésence Africaine qui, à partir de cette année, a redonné une impulsion à la production dramaturgique ; sur les huit publications qu’enregistre la période, cinq d’entre elles ont
214
On parle dans ce cas de la troupe théâtrale de William Ponty créée par Charles Béart qui avait étédétaché dans l’enseignement en AOF en 1931. Elle réunissait des élèves de l’École normaleWilliam Ponty.
191
été diffusées par le canal de Présence Africaine. Toutefois cette reprise a été très transitoire, car dès 1949, le graphique indique une chute importante dans la production dugenre et elle n’enregistre aucune production l’année d’après (1950).
En somme, tout au long de cette phase, la production théâtrale a beaucoup plus étél’œuvre des élèves de William Ponty, même si on enregistre des changements importants après 1946. Si la revue Présence Africaine, dès sa création, a insufflé un certain dynamisme à la production du genre, on constate toutefois que l’édition des œuvres complètes n’est pas encore une réalité effective. La diffusion du genre se faisaitpresqu’entièrement, à travers des périodiques qui ont été d’un soutien considérable dansla diffusion des textes. Quelle a été l’évolution du genre au cours du cycle suivant ?
b. De 1950 à 1980
Graphique 13- Évolution annuelle de la production théâtrale entre 1950 et 1980
Pour ce second cycle, LITAF affiche une production totale de 298 notices, soit une moyenne d’environ 10/an. Par rapport au cycle précédent, on note une formidable expansion. Le mouvement de la courbe du graphique indique une production très fluctuante au cours de cette seconde phase. Toutefois, elle se caractérise par une plusgrande régularité dans la production du genre, même si, certaines années n’ont enregistré
192
aucune publication. Durant les douze premières années du cycle, la production théâtrales’est faite de façon très timide, la moyenne de production annuelle est restée très faible ;elle n’a pu atteindre la moyenne de 5/an. Ce n’est qu’au milieu des années 1960, que le genre a pu connaitre une véritable lancée, avec un rythme de production plus intensif, malgré quelques des années de régression et de très courtes phases de stagnation. Dansl’ensemble, les années 1970 ont été les plus prolifiques ; durant cette décennie, la production du théâtre a gagné en importance avec une hausse des chiffres de production qui cependant, n’ont pu atteindre des hauteurs exponentielles.
L’essoufflement de la Troupe William Ponty, qui régissait toute l’activité théâtralejusqu’en 1946, a en quelque sorte été une rupture profonde dans l’histoire du genre. En effet, après cette période, le théâtre francophone subsaharien a dû évoluer autrement,c’est-à-dire hors de ce cadre premier, au sein duquel il avait pris une certaine orientation. Ainsi, si le genre enregistre toujours une production après William Ponty, on constatetoutefois qu’il a eu du mal à s’émanciper en dehors de ce cadre originel
En effet, jusque dans les années 1960, la diffusion du théâtre s’est faitepresqu’entièrement en dehors du cadre éditorial traditionnel. Contrairement aux autres genres (le roman, la poésie), le théâtre a été tardivement inséré dans le circuit éditorial donc, il n’a pu bénéficier comme d’autres catégories littéraires, de cette visibilitéqu’offre toute l’organisation éditoriale d’un texte et d’un auteur. Hormis les parutions des textes de théâtres dans les colonnes de la revue Présence Africaine, la diffusion du genrea été plus récurrente localement, c’est-à-dire, qu’elle ne s’est pas exportée à Paris qui était devenue depuis la fin de la guerre, la capitale de l’édition littéraire francophone subsaharienne. De ce fait, le théâtre par rapport aux autres genres, n’a pas bénéficié d’unegrande visibilité. Il a été relégué en arrière-plan et tout au long des années 1950, ce genre littéraire était plus ou moins considéré comme un genre marginal.
Selon Jacques Scherer, l’activité théâtrale au cours des années 1950 n’a pu semaintenir que par «l’action des groupes théâtraux, prolongée par celle des centres culturels, qui voient le jour en 1953. Deux ans après, ils étaient cent dix-sept en Afrique occidentale française » 215. On peut comprendre alors que le théâtre durant les premières
215
Scherer (Jacques), Le théâtre en Afrique noire francophone, Paris : Presses universitaires de France, 1992, p. 25.
193
années du cycle, s’est principalement réorganisé comme un art du spectacle et non, comme une production littéraire. Cette situation a été soutenue par, la création des cercles culturels (notamment le cercle culturel et folklorique de Côte d’Ivoire 1953-1958), des centres culturels français (CCF), par l’ouverture des écoles d’art dramatique (l’Institut National des arts à Bamako), ainsi que par la création de troupes théâtrales nationales notamment : au Sénégal en 1959 et le théâtre National Congolais en 1963. Tous ont joué un rôle déterminant dans le développement du théâtre francophone subsaharien, ils ont donné au genre une certaine envergure durant les premières décennies du cycle. À travers eux, l’art dramatique a pu être dispensé et les locaux adaptés aux représentations des troupes professionnels, scolaires et universitaires, pouvaient être fournies. De plus, toutes ces structures ont fortement contribué à la mobilisation d’acteurs et actrices nécessaires àla création des troupes et à l’animation des spectacles. En somme, entre les années 1950et 1960, toute une organisation pratique s’était constituée, en dehors de la production imprimée du genre. La plupart des pièces jouées à cette période, n’ont été rattachées à lalittérature que quelques années après.
Ainsi, c’est quasiment au milieu des années 1960, que la production théâtrale a pu prendre un véritable envol. Cet accroissement qu’enregistre le genre au cours de cettedécennie, est d’abord dû à l’édition de quelques pièces de théâtre, mais c’est surtout, lapublication d’une œuvre collective (Le théâtre populaire en République de Côted’Ivoire : œuvres choisies, 1966) regroupant plusieurs pièces qui avaient été écrites dansle cadre des activités théâtrales menées par le Cercle culturel folklorique de Côte d’Ivoire entre 1953 et 1958, que le rythme de production du genre, s’est véritablement accentué. Il faut préciser que ces « œuvres choisies », avaient déjà fait l’objet de représentations qui dataient de plusieurs années. À cela, il faut ajouter la contribution du Ministère del’Éducation, de la Jeunesse et de la Culture du Cameroun, qui, à travers le Bulletin du Centre Fédéral linguistique et culturel de Yaoundé, diffusaient plusieurs pièces de théâtre dont la production se faisait dans le cadre des concours scolaires.
Cependant, c’est avec la création en 1968, du concours interafricain, que se sont accentués les rythmes de diffusion du genre. Ce concours avait été créé à l’initiative del’Office de coopération radiophonique (ACORA) qui en 1969, transféra la gestion du concours à la Direction des affaires extérieures et de la coopération (DAEC), puis en 1975, à Radio France International (RFI). Les objectifs de ce concours étaient de collecter et de diffuser « par les radios locales, les pièces, au nombre de plusieurs centaines chaque
194
année, proposer au jury qui leur décernait des prix, d’une valeur modeste pour la France mais non négligeable pour l’Afrique, et aidait à leur publication » 216. C’est aussi àl’initiative de ce concours qu’avait été créée, la collection « Répertoire théâtral africain » qui a été pendant de nombreuses années, une plate-forme d’édition du théâtre francophone subsaharien. Comme peut le voir, la courbe du graphique indique une hausse assez importante à partir de 1969, et cette augmentation a été suivie de la mise en place de ce concours.
En effet, le concours théâtral interafricain a insufflé un dynamisme à la production,mais surtout à l’édition du genre, car les possibilités d’édition n’étaient offertes qu’auxlauréats du concours. Jacques Chevrier affirme que l’organisation de ce concours, « a étél’occasion de révéler au public certain nombre de textes de qualité, dont plusieurs avaient déjà connu un grand succès de représentation » 217. Pour Françoise Ligier qui a animé ce concours pendant plusieurs années, 80% des pièces diffusées dans les années 1970, ontpour origine direct ou indirect l’organisation de ce concours. C’est grâce à lui que la production théâtrale francophone subsaharienne a pu véritablement bénéficier de la visibilité dont elle manquait, mais aussi d’une plus grande possibilité éditoriale, à travers la collaboration des structures éditoriales telles que CLE et NEA dont l’implication s’avérait importante pour l’édition des textes dramaturgiques. On se demande alors sil’organisation de ce concours a eu cette même influence au cours des décennies suivantes.
216 217
Scherer (J), Le théâtre en Afrique noire francophone, op.cit., p.24. Chevrier (J). La littérature Nègre, Paris Armand Colin/VUEF, 2003, p.171.
195
c. De 1980 à 2010
Graphique 14 – Évolution annuelle de la production théâtrale entre 1980 et 2010
Le mouvement de la courbe indique un rythme extrêmement fluctuants’accompagnant de hausses et de baisses succinctes durant toute la période. Jusqu’aumilieu des années 1980, la production enregistre une régression dans son évolution, qui aété suivie d’un bond durant l’année 1986. Tout au long du cycle, la production du théâtre a évolué de façon particulière ; les chiffres sont restés dans un intervalle régulier, ils ne descendent pas en dessous de 10, mais ne dépassent pas aussi le chiffre de 30 et même 25 parutions par an, jusqu’en 2000. Dans l’ensemble, les années 2000 ont été les plus prolifiques et la moyenne de production est de 21/an environ, ce qui reste moyen.
Au cours des années 1980, le concours théâtral interafricain en partenariat avec quelques éditeurs ont continué à réguler la production théâtrale. Cela n’a pourtant pas empêché de voir cette production régresser certaines années.
Cette situation pourrait s’expliquer par la fixité du nombre de lauréats du concours théâtral interafricain, qui est demeuré le même durant plusieurs décennies, malgrél’accroissement constant du chiffre annuel des manuscrits reçus dans ce cadre. Selon les chiffres du concours, on parle de 52 pièces choisies lors de chaque édition, 12 qui étaient
196
retenues pour la finale et 40 pièces pouvant être éditées dans une série dramatique dite de la « première chance sur les ondes ». Ces chiffres indiquent clairement la sélection qui se faisait dans le cadre de ce concours, et qui a aussi influencé le rythme de production du genre.
En effet, grâce à la régularité de son organisation, le concours théâtral interafricain était devenu une sorte de « véritable carrefour » pour toute la publication dramaturgique en Afrique noire francophone. Si bien que toute l’activité de création et de publication en liant avec le théâtre, ne se déployait que très modestement en dehors du cadre de ce concours. Rogo Koffi soutient ainsi que, à cette époque, « pour devenir dramaturge africain, il fallait obligatoirement passer par Radio France et ce concours institutionnalisé»218. Par ailleurs, aussi bien, les festivals de tout genre et autres initiatives permettant de galvaniser le théâtre dans la sous-région, s’axaient surtout sur les mises en scène et considéraient d’abord le théâtre comme un art du spectacle. Il faut préciser que ce concours détenait le monopole sur la production imprimée du genre, ainsi, les circonstances de son organisation ont influé sur les flux de sa publication.
Dans ce contexte, les pièces non sélectionnées ou non récompensées étaient pour la très grande majorité, simplement mises de côté. Jacques Scherer explique par exemple que, dans un pays comme le Burkina Faso, « au moins cinq cent cinquante pièces avaient été écrites entre 1958 et 1986; malheureusement, huit seulement avaient été publiées » 219. Un tel déséquilibre laisse penser qu’une bonne partie de la productionlittéraire théâtrale est restée inédite.
L’influence de ce concours a tellement été central pour le genre que les problèmes liés à son organisation, ont immédiatement impacté les chiffres de sa publication. Dès 1989, on peut voir que le niveau de production décroit légèrement pour rebondir en 1993 seulement. Cet essoufflement de la production, a été le fait des nombreux remaniements et les nouvelles orientations qu’a pris le concours vers la fin des années 1980. Ainsi, à partir de 1992, le concours théâtral interafricain est devenu d’abord « RFI- Théâtre », et incluait désormais, la production dramaturgique de plusieurs autres espaces francophones. Par la suite, il a pris l’appellation de « Théâtres-Textes et Dramaturgies du
218 219
Fiangor (Rogo Koffi), Le théâtre africain francophone, Paris : L’Harmattan, 2002, p. 12.Scherer (J), Le théâtre en Afrique noire francophone, op.cit., p. 23
197
Monde » avant de prendre fin en 1996, à une époque durant laquelle la courbe de production fléchit considérablement.
Mais, dès 1997, la reprise a été immédiate, et malgré l’arrêt définitif du concoursthéâtral interafricain l’année avant, la production dramaturgique est restée constante ets’est timidement accrue au fil des années, même si, on note un recul léger durant les trois dernières années du cycle. Depuis, les années 2000, le genre bénéficie d’une plus grandeouverture éditoriale, les éditions L’Harmattan et Acoria, entre autres, lui offrent une place importante avec la création des collections spécialisées qui contribuent à la vitalité de sa production.
En somme, de son avènement, jusqu’en 2010, la production théâtrale a eu un rythme de production moyen. Cependant, cette production se déploie aussi, au-delà de son aspect littéraire, car le corpus imprimé n’intègre qu’une partie de la production du genre qui par ailleurs, se fait à travers d’autres canaux de diffusion, notamment : la scène. On pense ainsi que la production théâtrale francophone subsaharienne, est plus abondantequ’elle n’y parait, surtout, si on intègre toute la production qui se fait en dehors des activités purement littéraires. En outre, le théâtre francophone subsaharien est resté longtemps très encadré par le concours théâtral interafricain, qui a toutefois, rétréci sa diffusion, du fait de la sélection très restreinte des manuscrits qui y était fait. De ce fait,ce genre littéraire n’a pu se développer au-delà d’une certaine limite. Mais dans les années 2000, le théâtre francophone subsaharien a pu s’émanciper en dehors de ce cadre, il a pris une nouvelle tournure qui s’est accompagnée d’une hausse des chiffres de sa production.
3° Évolutions périodiques de la production poétique
La poésie a très souvent été présentée comme le genre premier de la littérature francophone subsaharienne, à telle enseigne que l’avènement de la Négritude, s’assimilede façon maladroite à la naissance de cette littérature. Pour certains historiens et critiques,c’est le genre poétique qui a donné à la production littéraire francophone subsaharienne dans son ensemble, une certaine impulsion. Dans cette logique, certains écrivent que :
[p]eu après la guerre, l’anthologie de Léopold Sédar Senghor (Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, 1948), qui suivait de quelques mois celle, plus générale du Guyanais Léon Damas (Poète d’expression française, 1947),
198
marquait la naissance d’une littérature d’Afrique noire en langue française. [...] En annonçant une « nouvelle poésie », l’anthologie de L.S. Senghor sedémarquait des formes littéraires traditionnellement et majoritairement pratiquées en Afrique : celles de l’oralité coulées dans les langues africaines, étroitement associées à la vie profonde des sociétés 220.
Cet extrait de texte met en lumière la concomitance qui est souvent soulignée entre la naissance de la littérature francophone subsaharienne et le mouvement littéraire de la Négritude. Toutefois, le dire ou le penser, c’est remettre en cause ou omettre toutel’activité littéraire qui se déroulait à l’intérieur même des colonies bien avant la SecondeGuerre mondiale (cf. chapitre 2). Guy Mossito Midiohouan (1986) pense à cet égard quedater l’avènement de la littérature francophone subsaharienne à partir des années 1940,reste intentionnellement une volonté de faire de Paris le lieu de naissance de cette littérature. Or, cela n’en n’a pas été le cas.
Par ailleurs, l’histoire de l’évolution du genre poétique dans la littératurefrancophone subsaharienne, reste souvent cantonnée à celle de la Négritude et l’œuvre deLéopold Sédar Senghor dans ce cas, reste souvent, la référence la plus marquante. Au-delà de ce contexte, l’évolution genre demeure assez mal connue, d’autant plus que la poésie suscite peu d’intérêt critique (cf. graphique 27). Cette catégorie littéraire est présentée comme un genre contestataire ; une tonalité qu’elle a pris à ses débuts, maisdont elle n’arrive toujours pas encore à se défaire.
Dans cette partie, l’analyse du genre accorde une priorité à son évolution quantitative dans le temps.
220
Joubert (J-L), Lecarme (J), Tabone (E), Vercier (B), Les littératures francophones depuis 1945, Paris, Bordas, 1945, p. 21.
199
a. De 1940 à 1950
Graphique 15 – Évolution annuelle de la production poétique entre 1940 et 1950
Le graphique indique une production qui a débuté au cours de la Seconde Guerre mondiale, plus précisément en 1943. Cependant, sa production n’a été constante qu’àpartir de 1947, après la guerre et concomitamment à la création de la revue Présence Africaine, qui a insufflé un certain dynamisme à la diffusion du genre. Toutefois, il estpossible qu’avant cette date, d’autres parutions de textes poétiques d’auteurssubsahariens, avaient pu se faire dans des revues, dont la brièveté de diffusion due à la censure encore très vive, aurait réduit les possibilités de visibilité. Durant l’entre-deux- guerres, les revues ont été des tribunes essentielles pour ces écrivains-poètes ; c’est à travers elles qu’ils ont pu pour la première fois, débatte des problématiques spécifiques etpublier leurs premiers écrits avant d’être plus amplement repris par Présence Africainequi elle, a bénéficié de la recomposition de la vie culturelle, littéraire et socio-politiqued’après-guerre.
Contrairement aux autres genres, la poésie dans la littérature francophone subsaharienne s’est dans les premiers temps, largement développée hors du Continent ; sur les vingt notices qu’enregistre la période, quatre seulement sont des parutions locales et le reste, sont toutes des publications parisiennes. En effet, si la naissance de la poésie est souvent maladroitement ou intentionnellement renvoyée à celle de la littérature
200
francophone subsaharienne, il faut reconnaitre que c’est le premier genre littéraire à avoir accéder au circuit éditorial traditionnel, et de ce fait, à avoir bénéficié de cette visibilitéqu’offre tout le marketing éditorial.
Il faut souligner qu’au lendemain de la guerre, la poésie est entrée « dans une phase extrêmement riche et reconnue de son histoire, tant du point de vue de la création que des pratiques de diffusion. » 221. Son influence littéraire, à ce moment, ne s’est pas limitée à la littérature française: elle a eu aussi des effets sur la littérature francophone subsaharienne, dans laquelle la production poétique a pris une certaine importance, même si son niveau de production est resté très bas durant cette toute la décennie.
On se demande, si cela a été aussi le cas pour la phase suivante. b. De 1950 à 1980
Graphique 15- Évolution annuelle de la production poétique entre 1950 et 1980
Malgré la visibilité qui lui est accordée depuis la fin de la guerre, la poésie, durant les années 1950, a connu une progression très timide. C’est seulement à partir des années
221
197.
Tonnet-Lacroix (Éliane), La littérature française et francophone de 1945 à l’an 2000, op.cit., p.
201
1960 que son rythme de production s’est intensifié, comme le traduit le mouvement versle haut de la courbe du graphique. Toutefois, entre 1968 et 1974, le genre enregistre une régression dans sa production, qui a été suivie au milieu des années 1970, d’une reprise importante et constante jusqu’en 1980.
En effet, tout au long des années 1950, la diffusion de la production poétique s’estmajoritairement faite à partir du circuit éditorial traditionnel, hormis les quelques publications de la revue Présence Africaine. Bon nombre de parutions, sont des éditions (recueils ou anthologies) publiées par des éditeurs comme Seghers qui s’était largementinvesti dans l’édition du genre, mais aussi les éditions du Seuil, qui se sont surtout centrées sur l’œuvre de Senghor. Durant les premières années du cycle, le rythme de production est resté très lent; ce n’est que durant les années 1960 qu’il s’estconsidérablement accéléré. Cette hausse peut être annexée à l’élargissement des canaux de diffusion. En effet, durant cette décennie, quelques imprimeries nationales installées dans les grandes villes africaines, accordent une place importante à la diffusion du genre.De plus, d’autres possibilités de diffusion s’offrent aux écrivains-poètes notamment, les revues littéraires dont la multiplication a été bénéfique à la diffusion des textes poétiques. Laura Watcher soutient effectivement l’idée que « la revue a toujours été un supportprivilégié pour l’édition de la poésie »222 ; dans ce cas, la forme courte du poème est propice à la publication du genre. Néanmoins, cela n’a pas empêché une chute du rythme de production vers la fin des années 1960 jusqu’aux premières années de la décenniesuivante. Cette régression est d’autant plus marquante, que l’essor de l’édition dans la sous-région, y a été remarquable.
On pense que cette baisse de production a très certainement été causée parl’essoufflement de la Négritude, qui avait orienté la production du genre depuis son avènement. En effet, la désuétude de ce mouvement intellectuel, a mis à mal laproduction du genre qui s’en est retrouvé affaibli. Mais, au milieu des années 1970, unregain d’intérêt lui est accordé, il s’accompagne d’ailleurs, d’une hausse des chiffres deproduction. Les détails des notices laissent constater qu’à cette période, les éditeurs222
Watcher (Laura), Éditer la poésie contemporaine, Mémoire de Master en ingénierie éditoriale et communication, Université de Cergy-Pontoise sous la direction d’Olivier Berlin et de JérômeCaressou, 2014, p. 12-13. [En ligne] http://www.masteriec.fr/wp- content/uploads/2014/04/M%C3%A9moire_%C3%89diter-la-po%C3%A9sie- contemporaine_Laure-Wachter.pdf . Consulté le 24 février 2018.
202
locaux, nouvellement créés, ont pris le relais dans la diffusion des textes. Ce sont ces nouveaux acteurs, ainsi que quelques éditeurs français, notamment : les éditions Saint- Germain-des-Prés et les éditions Jean-Pierre Oswald qui, jusque dans les années 1980, ont soutenu la production du genre.
c. De 1980 à 2010
Graphique 16- Évolution annuelle de la production poétique entre 1980 et 2010
L’évolution de la production au cours de ce cycle s’est faite de façon très instable. La courbe de production fléchit presque continuellement durant les années 1980, pour reprendre plus vivement à la fin des années 1990. La dernière décennie a été marquée par une stagnation, mais avec un niveau de production assez élevé.
Les chutes du niveau de production, qui caractérisent l’ensemble du cycle, ne prouvent pas qu’on écrive moins de poèmes. Par contre, cela montre que l’édition littéraire obéit désormais à d’autres logiques, celles qui ont bouleversé l’activité littérairedans son ensemble et notamment celle de la poésie. Rappelons une fois de plus que, versla fin des années 1980, l’édition est rentrée dans une grande phase de mutations qui s’est
203
traduite par une financiarisation accélérée, qui tend à standardiser l’offre éditoriale surdes produits éditoriaux à forte valeur marchande. Or la poésie, bien qu’étant un genredominant dans la littérature, n’entre pas dans cette classification. Laure Watcher, dans son analyse sur l’édition de la poésie contemporaine, explique que
[l]e genre poétique est aujourd’hui laissé pour compte. La poésie contemporaine se laisse caractériser par son « insignifiance économique » [...] ses tirages sont faibles : elle n’est tirée au mieux qu’à un millier d’exemplaires et surtout, elle ne représente que 0,3% des ventes globales de livres si on lui ajoute le théâtre 223.
Cet extrait donne un bel aperçu de la valeur éditoriale de cette catégorie littéraire, dont la vente n’atteint même pas 1% du taux global. Le manque de profit, dans ce cas, amène les acteurs de la vie littéraire (écrivains et éditeurs) à s’orienter beaucoup plus vers des productions littéraires plus adaptées aux conditions actuelles de l’édition, notamment lestextes de fiction, l’essai et la littérature de jeunesse, plus susceptibles de toucher un public plus large et d’obtenir des tirages plus importants. Claire Ducournau, en s’appuyant sur le témoignage d’un poète subsaharien (qui publie dans de petitesstructures françaises), souligne « les incitations que plusieurs d’entre eux reçoivent pour écrire un roman » 224. On peut comprendre que l’introduction de nouvelles logiques économiques dans le secteur éditorial, depuis ces dernières décennies, pèse lourdementsur l’édition et la production de cette catégorie littéraire qui, pour se maintenir, emprunte de plus en plus d’autres voies de diffusion obéissant le plus souvent à d’autres logiquesde publication. Toutefois, cette seule réalité ne pourrait entièrement expliquer le désintérêt que connait la poésie dans son ensemble.
En effet, aussi bien la production que la diffusion poétique peuvent aussi être limitées à cause du caractère jugé trop élitiste du genre. Comme le note Laura Watcher, la poésie est « l’art du sens caché » dans la mesure où elle vise plus souvent un public de connaisseurs ou d’avertis, contrairement à la fiction qui est présentée comme un genre plus populaire, donc plus accessible. À titre d’exemple, les éditeurs ayant une certaine renommée ne lui consacrent généralement que des collections très sélectives, bien plus
223 224
Wachter (L.), Éditer la poésie contemporaine, op.cit., p. 12-13. Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Ibidem., p.172
204
que celles réservées au roman par exemple. En plus, la poésie renvoie, à tort ou à raison,à un langage hermétique qui parvient à dérouter plus d’un lecteur.
Néanmoins, malgré tous ces inconvénients, force est de constater que la production poétique dans la littérature subsaharienne de langue française se maintient avec encore plus de dynamisme depuis les années 2000. Quelques éditeurs français : Silex,L’Harmattan, Saint-Germain-des-Prés, La pensée universelle, et quelques éditeurs africains : Akpagnon, les Flamboyant au Togo, les éditions Khoudia à Dakar, les éditions des Lagunes à Abidjan, les éditions Zaïrama en RDC, entre autres, lui consacrent toujours une place, aussi infime soit-elle dans leurs catalogues. Mais, c’est surtout grâce aux revues littéraires et aux « microstructures » qu’a pu se maintenir la diffusion de ce genre littéraire. Elles lui ont donné une dynamique en étant des relais de diffusion importants, mais aussi un espace de visibilité pour de nouveaux auteurs et pour la publication des textes inédits.
À la lumière de ces analyses, on peut dire que la crise de la poésie dans la littérature francophone subsaharienne reste surtout liée aux modalités de publication. Les circuits plus classiques, comme les maisons d’édition, offrent de moins en moins de place augenre. Même si d’autres voies de diffusion (périodiques, sites internet, blogs, petitséditeurs spécialisés) soutiennent largement encore cette activité littéraire. Depuis les années 2000, ce sont surtout des éditeurs africains nouvellement installés quimaintiennent fortement les chiffres de production qu’enregistre le genre (cf. chapitre 5).
4° Évolutions périodiques de la production de la nouvelle
Le classement hiérarchique et traditionnel des genres dans la littérature n’accordeen général pas à la nouvelle une place importante. De l’avis général, la nouvelle estsouvent présentée comme un genre mineur, derrière le roman, la poésie et le théâtre quel’on présente comme étant les principaux genres de la littérature. À cet égard, Thierry Ozwald écrit que :
du point de vue strictement historique, la nouvelle ne jouit certainement pas du même prestige que les autres genres : on reconnait, certes le talent de Poe, l’art de Mérimée et la subtilité impeccable de Tchekhov, néanmoins les nouvellistes souffrent de la comparaison avec les grandes constructions romanesques,
205
spectaculaires, ambitieuses, auxquelles l’on s’accorde à décerner tous les titresde gloire, voire avec la poésie qui s’est approprié le domaine du sublime. 225
L’auteur souligne dans cet extrait la marginalité qui caractérise généralement le genre dela nouvelle ; elle est d’autant plus accrue qu’elle est très souvent comparée au roman ; pourtant, elle s’en distingue aisément.
En littérature francophone subsaharienne, la nouvelle est le genre dont on ne sait généralement rien, hormis les quelques rares travaux, portant sur des analyses des questions thématiques essentiellement. À titre d’exemple, lorsqu’on tape sur la barre de recherche de Google « la nouvelle dans la littérature francophone subsaharienne ou la nouvelle dans la littérature négro-africaine francophone », on n’obtient aucun résultat se rapportant directement au genre, mais, plutôt, des informations englobant la littérature francophone subsaharienne tout entière, ou encore des problématiques liées à cette littérature et comportant le terme « nouvelle » dans leurs énoncés. Ce qui n’est pas le cas,pour les trois genres littéraires étudiés précédemment.
Paradoxalement, cette catégorie littéraire surprend agréablement avec une production assez dense, dont le volume global s’élève à 1402 notices selon LITAF. Cette abondante production soulève des interrogations à savoir : ce chiffre traduit-il l’état réeldu genre dans cette littérature ? Dans ce cas, comment expliquer cette importante production du genre ?
a. De 1926 à 1950
225
Ozwald (Thierry), La nouvelle, Paris : Hachette, 1996, p. 3.
206
Graphique 17- Évolution annuelle de la production nouvelliste entre 1926 et 1950
La nouvelle a fait son entrée dans la littérature francophone subsaharienne en 1926, mais ce n’est qu’après 1945 que la production du genre est devenue plus constante et plus importante, comme l’indique la courbe du graphique. À partir de 1946, l’augmentation qu’enregistre la production nouvelliste a principalement été le fait de deux périodiques aris-Dakar (périodique hebdomadaire, 1933-1961, qui, à chacune de ses parutions après 1945, publiait une nouvelle) et Présence Africaine qui, dès sa création, a accordé une place importante au genre en publiant des nouvelles. Pour cette période, la production du genre affiche un total de 19 notices. Les détails des notices fournis par la banque de données montrent que, durant cette phase, le genre s’est entièrement émancipé hors ducircuit éditorial traditionnel, ce lui a certainement permis d’avoir une production aussi abondante en comparaison à d’autres genres, et compte tenu des possibilités d’édition qui étaient encore très limitées.
En somme, durant la première moitié du XXe siècle, la nouvelle s’est imposéecomme un genre assez important sur le plan quantitatif. On se demande si l’évolution du genre, s’est faite avec la même vivacité au cours du cycle suivant.
b. De 1950 à 1980
Graphique 18- Évolution de la production nouvelliste entre 1950 et 1980
207
La fluctuation très particulière de la courbe du graphique montre d’emblée que laproduction de la nouvelle n’obéit à aucune logique éditoriale. Tout au long de ce cycle,l’évolution du genre s’est faite de façon très confuse, c’est-à-dire, sans phase de production bien distincte. La production est restée très modérée durant les premièresannées du cycle, et ce n’est qu’au milieu des années 1950 que la tendance s’est inversée, avec un rythme plus accéléré, bien qu’il soit marqué à la fois de chutes, de hausses, de rechutes et de rebondissements.
Ce rythme très saccadé, trouve sa justification dans le fait que la production du genre a souvent suivi la cadence des publications périodiques, à travers lesquels, les nouvelles étaient publiées. En effet, dans le cadre de cette littérature, la publication des nouvelles, s’est majoritairement faite à travers des revues et des journaux, qui ont été ses principaux supports de diffusion. Toutefois, ces périodiques, sont souvent caractérisés par une parution très instable, marquée par des phases de suspension, des changements de période de parution (hebdomadaire à mensuelle ou mensuelle à trimestrielle…) ou encoredes arrêts définitifs, très souvent dus aux problèmes de financement. Toute cette mouvance, s’est largement répercutée sur l’évolution de la production nouvelliste. À titred’exemple, la fin de la publication du périodique hebdomadaire Paris-Dakar en 1961 (qui jouait un rôle fondamental pour la diffusion des nouvelles) a occasionné une régression
208
assez marquée tout au long des années 1960. Ce n’est qu’à partir des années 1970 que cette tendance s’est progressivement inversée.
Par ailleurs, c’est aussi durant cette décennie que la nouvelle a été véritablementintroduite dans l’édition classique à travers deux éditeurs principaux que sont CLE etNEA. Ces éditeurs ont énormément contribué à la diffusion des textes et favorisé la hausse des chiffres de production. En outre, la création des revues Afrique littéraire et artistique, Peuples noirs-peuples africains qui n’est intervenue qu’à la fin de la décennie, les périodiques tels que Bingo, Amina et la contribution permanente de Présence Africaine, n’ont pas été sans conséquence sur la progression quantitative de ce genre littéraire. À cela, il faut ajouter, la mise en place d’un concours littéraire : « La nouvelle en compétition », organisé par l’ACCCT en partenariat avec l’Office de radiodiffusion- télévision française (ORTF) et par la suite RFI à partir de 1973, qui est venue renforcer à la fois la création et la diffusion du genre.
En somme, ces différents facteurs ont soutenu, certains plus que d’autres, la production du genre, tout au long de cette phase.
c. De 1980 à 2010
Graphique 19- Évolution annuelle de la production nouvelliste entre 1980 et 2010
209
La production de la nouvelle, au cours de cette période, a évolué de façon très mouvante; cependant, elle a été marquée par trois phases distinctes qui couvrent entièrement chacune des trois décennies. Les années 1980 sont une phase de récession, tandis que les années 1990 se présentent comme une phase de reprise et, au cours des années 2000, on note une rechute de la production. Toutefois, il faut noter que, durant ce cycle, il y a dans l’ensemble une hausse assez importante de la production qui se traduit par le changement des indicateurs de mesure : ils sont passés de cinq pour le cycle précédent à dix au cours du présent.
En effet, dans les années 1980, la nouvelle a davantage bénéficié de la multiplication des supports et canaux qui diffusaient ses textes. Par ailleurs, la publicationdes textes de nouvelles s’est étendue hors du continent, grâce à des éditeurs comme :L’Harmattan, Sépia, Hatier, Le Serpent à plumes (éditeur et revue), dont la contribution a favorisé l’essor du genre. En plus de ces éditeurs, des structures nouvellement créées sur le continent ont aussi soutenu la hausse du rythme de sa production. À titre d’exemples,on a les éditions Les petites fleurs et Edilis à Abidjan, les éditions Koudhia au Sénégal, Flamboyant au Bénin entre autres, qui ont aussi contribué à la diffusion du genre.
Durant les années 1990, le genre a pris une tournure plus vive dans sa production, grâce surtout à l’organisation des concours littéraires portant sur l’écriture d’unenouvelle.
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En effet, si le concours sur la nouvelle, organisé par l’ACCT/RFI existe toujours, deux autres ont apporté une dynamique dans la production nouvelliste. Il s’agit duconcours lancé par la radio Africa n°1 en 1990, à l’occasion de la célébration du 30eanniversaire d’indépendance de la grande majorité des pays francophones au sud du Sahara ainsi que le concours intitulé « La meilleure nouvelle en langue française », lancée à Bamako en 1994. Toutes ces initiatives, ont été favorables à la production du genre. Mais dans les années 2000, les détails des notices fournis par la banque de données, indiquent une diminution des supports de diffusion du genre et par conséquent, un ralentissement du rythme de production comme l’indique la courbe du graphique. En effet, plusieurs des revues qui soutenaient la diffusion des textes à cette période, avaient cessé leurs activités. De plus, la publication de la nouvelle, dans la littérature francophone subsaharienne, durant les années 2000, s’est restreinte au niveau local, à travers de jeunes éditeurs comme les maisons d’édition Ndzé à Libreville, Pangolin à Kinshasa, Proximité à Yaoundé, pour ne citer que celles-là, qui accordent une place au genre dans leurs catalogues.
En somme, la brièveté de la nouvelle ainsi que son accessibilité du point de vue dela lecture, ont permis au genre d’accroître plus aisément sa production. Dans la littérature francophone subsaharienne, l’évolution de la nouvelle a suivi les rythmes de parution de ses principaux supports de diffusion, notamment les périodiques, qui ont joué un rôle important dans l’essor qu’a connu le genre au fil des décennies. Dans l’ensemble, lanouvelle, dans ce contexte, s’est largement déployée en dehors du circuit éditorial traditionnel. De ce fait, son évolution a échappé à toutes les restrictions que pouvaient lui imposer les politiques éditoriales. Toutefois, cela a aussi été un désavantage pour la production du genre, car malgré la vitalité de sa production, la nouvelle dans la littérature francophone subsaharienne, n’a pu acquérir une grande visibilité. Elle se présente toujours comme un genre marginal, auquel on n’accorde pas un réel intérêt.
En guise de conclusion de nos analyses, un examen comparatif de l’évolution des quatre genres tout au long du XXe siècle, a paru plus significatif. Il permet de situer leur niveau de production les uns par rapport aux autres, au fil du temps et aussi, de saisir les différents écarts, les divergences et les convergences dans leurs progressions périodiques.
211
Graphique 20- Évolution comparative de la production des genres majeurs entre 1900 et 1950
L’évolution des genres s’est faite de façon assez similaire tout au long de la première moitié du XXe siècle. On constate que tous les quatre enregistrent une hausse plus importante après 1945 seulement. C’est le roman qui a fait en premier, son entrée dans cette littérature. Il est suivi de la nouvelle, ensuite du théâtre, et enfin, de la poésie dont la production n’intervient que durant les années 1940. La production romanesque semble avoir dominée l’ensemble de la période, toutefois, un examen des faits bruts, montre que ce genre a été le moins important quantitativement, car sa production intègre plusieurs traductions et rééditions, qui augmentent son chiffre de production. De tous,c’est le théâtre qui le premier, a connu un véritable essor quantitatif ; il est suivi de la poésie qui, malgré une entrée plus tardive, a eu une évolution assez rapide. La production de la nouvelle quant à elle, est restée disséminée, avant de se stabiliser comme toutes les autres après la Seconde Guerre mondiale.
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Graphique 21- Évolution comparative de la production des genres majeurs entre 1951 et 2000
À partir de 1951, la production de tous les genres s’est faite de façon plus constante et ascendante. La production théâtrale durant la première décennie reste la plus modeste, celle du roman et de la nouvelle se sont maintenues à un niveau relativement moyen. Par contre, la poésie domine l’ensemble de cette production littéraire. Cette hiérarchie a été lamême jusque dans les années 1980, au cours desquelles, il y a eu un renversement des tendances avec un reclassement de la hiérarchie des genres. La production romanesque est devenue la plus dense, suivie de celle de la poésie et l’écart entre le théâtre et lanouvelle s’est accentué au profit de la nouvelle. En effet, le succès critique et éditorial du roman lui a conféré la première place du classement ; la poésie, malgré les grands changements intervenus dans la vie et l’édition littéraires, se maintient en deuxième position avec une production importante. La nouvelle, quant à elle, s’est imposéeprogressivement à travers une production abondante, au détriment du théâtre, dont la production est restée la plus modeste.
En somme, la production littéraire des genres évoqués dans ce chapitre a évolué de façon presque similaire au cours de la première moitié du siècle, avant que ne surviennent
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les écarts et les disparités plus évidentes au cours des décennies suivantes. Qu’en est-il des autres catégories littéraires de cette banque de données ?
B. Mesures de l’évolution d’autres catégories littéraires
La production littéraire ne se limite pas essentiellement autour des quatre genres analysés précédemment, bien qu’elle soit très souvent présentée à partir du triotraditionnel roman-poésie-théâtre. Pourtant, hormis ces genres littéraires, elle se déploieabondamment à travers d’autres genres et catégories littéraires qui en plus, l’enrichissenténormément comme nous l’avons vu précédemment (Cf. Chapitres 1 et 2). Dans cetteanalyse, nous voulons étendre cette bibliométrie générique à d’autres catégories ducorpus ; cependant, plusieurs d’entre elles posent un souci de clarté dans les résultatsqu’elles fournissent. De ce fait, cette analyse ne peut se faire que sur la base des catégories et genres littéraires qui offrent plus de clarté dans leurs compositions et donc, plus d’objectivité à nos analyses. Pour cela, nous avons établi deux micro-corpus rassemblant des catégories littéraires ayant quelques similarités typologiques, afind’établir une évolution comparative et périodique de leurs productions. On a, d’une part, l’autobiographie, la biographie et les mémoires, qui ont été regroupés sous la désignation de « genres biographiques » qui constituent le premier micro-corpus, d’autre part, nous avons regroupé, le dictionnaire, l’anthologie et la bibliographie, comme second micro- corpus. Hormis, ces deux ensembles, cette analyse intègre l’essai et la critique qui serontanalysés distinctement. Dans notre démarche, la critique reste une catégorie particulière, dans le sens où, elle servira de base pour mesurer aussi bien, l’intérêt critique accordé aux catégories littéraires, que celui qui est accordé à quelques auteurs de cette littérature.
1° Évolutions quantitatives et comparatives des genres biographiques
L’autobiographie, la biographie et les mémoires ont été regroupés dans cette analyse, afin de mesurer l’évolution de « l’esthétique du biographique » et de saisir, par ailleurs, la place qu’occupe la notion de l’intime dans la production littéraire francophone subsaharienne. En effet, ces catégories littéraires abordent toutes la vie plus ou moins privée de l’auteur, même si, elles n’obéissent pas aux mêmes modalités d’écriture. C’est
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aussi pourquoi, elles sont réunies sous l’appellation de « genres biographiques ». Dans la banque de données, elles se déclinent à travers différent supports : on a aussi bien, des édités que de simples monographies parues dans des magazines littéraires et culturelles, des revues et des articles de presses (surtout en ce qui concerne la biographie). Cette quantification tiendra compte de l’ensemble de ces notices.
Dans l’histoire générale de la littérature, l’« écriture de l’intime » remonte au commencement de l’écriture. La notion du moi, s’est progressivement constituée au fil de l’histoire et s’est progressivement intégrée à l’activité littéraire, et la vie personnelle y est devenue une thématique récurrente. Dans la littérature francophone subsaharienne, on ne saurait véritablement dire quelles places occupent ces trois genres et comment ils ont évolué à l’intérieur de toute cette production imprimée. Très souvent, leurs évolutions restent englobées dans celle de l’histoire générale de cette production littéraire. Ainsi, croiser leurs évolutions à partir d’un graphique permet de saisir leurs progressions àl’intérieur de cette littérature et de peser leurs poids au sein de cette production littéraire.
Cette analyse débute à partir de 1950, et elle se fera à travers deux cycles successifs. Rappelons qu’avant cette année, la biographie n’enregistre aucune notice, et la production des deux autres genres est restée très faible. L’autobiographie, fait son entrée dans cette littérature en 1926, avec le roman Force et bonté 226 de Bakary Diallo, suivi en1932 d’un roman traduit de l’anglais, dû à Lobagola et intitulé Lobagola, histoire d’unenfant sauvage africain par lui-même 227. Les mémoires, quant à eux, n’enregistrent aussi que deux parutions avant 1950 : les mémoires de Mademba, Capitaine d’Abd-El-Kader, intitulés Au Sénégal et au Soudan français 228, parus en 1930, suivis en 1943 des mémoires de Coyssi Anatole, intitulés Taguiéta, un poste de brousse au Dahomey 229. Le corpus n’enregistre en tout que 4 notices avant l’année 1950 et, compte tenu du rythme de production lent et très irrégulier, il a été préférable de commencer cette analyse à partir de
226 227
228
229
Bakary, (Diallo), Force bonté, Paris : F. Rieder et Cie, 1926
Lobagola, Lobagola, histoire d’un enfant sauvage africain par lui-même, trad. de l’anglais par
G.H. Michel Drucker, Paris : Albin Michel, 1932.
Mademba, (C.A), Au Sénégal et au Soudan français, Bulletin du comité d’études historiques et
scientifiques de l’AOF, Gorée, vol° 13, 1930, p. 101-216.
Coyssi, (A.), Tanguiéta, un poste de brousse au Dahomey, Lille, : [Helio, N.E.A], 1943.
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1950, puisque ce n’est qu’après cette date que les parutions sont devenues plus fréquentes.
Graphique 22- Évolution comparative de la production des genres biographiques entre 1950 et 1979
Comme l’indiquent les courbes du graphique, les trois genres affichent une faibleproduction durant presque toute cette phase de production. C’est seulement dans les années 1970 qu’on note une amélioration, avec une hausse de production pourl’autobiographie mais, surtout, pour la biographie. De tous les trois, l’autobiographie s’est plus imposée par la régularité de sa production, même si sa moyenne de production annuelle est restée très modeste : environ une parution par an. Les mémoires affichent une production très faible et disparate à la fois, tandis que la biographie dont l’avènement a été très tardif (1964), est produite de façon plus régulière qu’à partir de 1974 seulement, avec toutefois, un rythme plus rapide par rapport aux autres genres. De tous, c’est legenre le plus prolifique de la période.
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La modestie et les irrégularités dans l’évolution de la production des trois genres traduisent le fait qu’à cette époque, les écrits qui relèvent de la vie personnelle ne suscitent pas un très grand intérêt chez les auteurs et dans la littérature francophone subsaharienne dans son ensemble. On peut l’expliquer par les conditions de productiondes genres qui imposent une motivation à la fois psychologique et personnelle. Dans cette logique, la poésie a peut-être été une alternative plus efficace, car elle est à ce moment un genre plus émancipé, dont l’écriture rend autant possible les émanations du moi. On peut penser, dans ce cas, qu’elle a pu éclipser d’une manière ou d’une autre le déploiement des catégories touchant à la vie de l’auteur. Par ailleurs, la littérature francophone subsaharienne a, surtout à ses débuts, fait état d’une condition communautaire. De ce fait, ce qui relève de la vie personnelle a pu être relégué au second plan.
Le détail des référencements dans la banque de données rend par ailleurs possiblel’approfondissement de cette analyse. À travers cela, on a pu constater que l’essor de labiographie, au milieu des années 1970, a été le fait de la mise en place de la « collection grandes figures africaines », dont les œuvres avaient été coéditées par les éditions CLE et NEA (entre 1975 et 1977). Les textes de cette collection portaient sur la vie et l’œuvre deplusieurs figures historiques emblématiques de l’histoire de l’Afrique. L’arrêt desparutions dans cette collection a entrainé en 1978 (comme on peut le voir sur le graphique) une chute du niveau de production, qui s’était maintenue assez haut au cours de ces deux années. Concernant l’autobiographie, cette chute prend des proportions moins importantes ; on enregistre même, une hausse légère grâce notamment à trois éditeurs : Présence Africaine, CLE et NEA. On se demande, comment a été leur évolution lors de la phase suivante.
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Graphique 23- Évolution comparative de la production des genres biographiques entre 1980 et 2010
Une autre tendance apparaît au cours de ce cycle, et elle s’accompagne à la fois,d’une plus grande régularité et d’une augmentation dans la production des trois genres, malgré les nombreuses fluctuations des courbes du graphique. Les mémoires, moins présents les trente années précédentes, ont pu gagner en constance, tandis quel’autobiographie et la biographie ont continué sur leur lancée. Chacune des catégories présente une évolution bien singulière, même si, aucune d’entre elles n’a pu enregistrer une progression fulgurante (la moyenne annuelle ne dépasse pas les 9/an pour les trois catégories).
Durant cette phase, l’autobiographie s’impose comme le genre le plus prolifique du corpus. Il s’est enrichi avec quelques traductions, en français, d’auteurs subsahariensd’autres espaces linguistiques et, de ce fait, a pu acquérir une place plus importante dans cette production littéraire. Par ailleurs, l’augmentation de la production biographique s’est faite grâce à la revue Présence Africaine principalement. En effet, dans plusieurs de ses numéros, cette revue publiait des notices biographiques qui, en grande majorité, étaient des hommages rendus à personnalités, comme des hommes de lettres et de culture, plusieurs hommes politiques et quelques personnalités historiques. La plupart desbiographies qu’enregistre la période sont des monographies portant sur des élucidations
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de parcours, et sont axées sur des faits précis de la vie des personnalités choisies dans ce cadre.
Quant à la production des mémoires, elle a pris un réel envol avec une écriture oscillant entre témoignages et confidences comme le montre le détail de ses notices sur la banque de données. Au milieu des années 1980, ce genre a pris une connotation politique parfois militante à travers plusieurs témoignages d’expériences carcérales. Dans les années 1990, la production du genre a pris une tournure plus importante dans sa production, et la quasi-totalité des mémoires, à partir de cette période, ont une vocation mémorielle collective avec une narration des évènements brulants du génocide rwandais. La plupart des œuvres enregistrées à cette période, avaient été rédigées à l’initiative duprojet « Rwanda : écrire pour un devoir de mémoire » de Nocky Djedanoum.
En définitive, cette analyse nous a permis de constater que les genres biographiques se sont constitués dans les premiers temps, comme des catégories marginales. Jusqu’à lafin des années 1960, elles peinaient à se faire véritablement une place au sein de la production littéraire francophone subsaharienne. Ce n’est qu’à partir des années 1980, que ces trois genres, se sont véritablement insérés dans cette littérature. Toutefois, cetteinsertion jusqu’en 2010, reste toujours timide, leurs productions n’ont pu prendre une certaine envergure dans cette production littéraire.
2° Évolutions quantitatives et comparatives des ouvrages de référence
Ce second micro-corpus rassemble trois catégories littéraires : l’anthologie, labibliographie et le dictionnaire. Les trois ne se déploient certes pas de la même manière, mais elles présentent tout de même quelques légères similitudes typologiques, à partir desquelles elles ont été rassemblées. En effet, leur objectif commun est de rassembler des documents et, dans ce contexte, la production littéraire sur laquelle elles prennent appui. Ainsi, les variations de la production littéraire francophone subsaharienne ont grandement influencé les niveaux production de ces trois catégories littéraires. Il sera question, dans cette analyse, de mesurer l’évolution de la production de ces ouvrages de référence, dans le but de saisir le rôle qu’ils ont joué dans cette littérature.
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Comme la précédente, cette analyse débute en 1950, car durant la période antérieure à cette date, les chiffres de production des trois catégories sont restés insignifiants.
Graphique 24 – Évolution comparative de la production des ouvrages de référence entre 1950 et 1979
Ce graphique met en lumière l’évolution des trois catégories littéraires à partir de 1950. Avant cette date, le dictionnaire et la bibliographie n’affichent aucune parution,mais seule l’anthologie avait pu avoir une production au cours des années précédentes. Pour la première moitié du XXe siècle, cette catégorie littéraire enregistre une production totale de huit notices. En effet, l’anthologie dans la littérature francophone subsaharienne fait son entrée en 1921 avec Anthologie nègre : folklore des peuplades africaines 230 de Blaise Cendras. Mais, durant cette période, elle a été presque exclusivement l’œuvre d’auteurs français ; ce n’est qu’en 1948 que Léopold Sédar Senghor a publié l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, qui est la première anthologie écrite par un auteur subsaharien.
230
Cendras (Blaise), Anthologie nègre : folklore des peuplades africaines, Paris : Éditions de la Sirène, 1921.
220
L’entrée précoce de cette catégorie littéraire, par rapport aux deux autres, traduitl’importance qu’elle a eue dans cette littérature. En effet l’anthologie a joué un rôle décisif en tant que support de visibilité des textes et des écrivains subsahariens ; elle a aussi permis de définir, dès ses débuts, les contours d’une littérature francophonesubsaharienne, par rapport à d’autres espaces littéraires.
Jusqu’au début des années 1960, la production de l’anthologie s’est faite de façon très timide, avant d’enregistrer une hausse légère, les années qui ont suivi. Durant les premières décennies du cycle, cette catégorie littéraire est restée très axée sur la poésie ;ainsi, ce n’est qu’en s’élargissant à d’autres genres qu’elle a pu enregistrer uneproduction plus importante.
Si le dictionnaire n’affiche aucune parution, la bibliographie, quant à elle, fait son entrée en 1959, mais sa production n’est devenue plus constante qu’en 1962. Cettecatégorie littéraire s’est très vite imposée dans cette littérature et, malgré son entrée assez tardive, elle est rapidement devenue une catégorie prolifique. Les premières bibliographies sont celles de Roger Mercier (plus englobante) et de Thérèse Barrate-Eno Belinga, dont l’ouvrage a été plusieurs fois réédité dans des versions revues et augmentées. L’augmentation des chiffres de production des deux catégories dans lesannées 1960 s’explique par la hausse qu’enregistre de la production littéraire dans son ensemble. En effet, à partir de cette décennie, la matière à traiter est devenue plus abondante.
De même que les anthologies, les bibliographies aussi ont joué un rôle important dans la littérature francophone subsaharienne. Elles ont été les premières sources dedocumentation de cette littérature. Cette catégorie littéraire s’est enrichie avec des bibliographies de tous types, à savoir : les inventaires de fonds, les inventaires d’auteurs et des œuvres, les bibliographies analytiques, des guides bibliographiques et plusieurs bibliographies en anglais contenant des informations sur la littérature francophone subsaharienne et ses auteurs. Quelles ont été les tendances d’évolution au cours du cyclesuivant ?
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Graphique 25- Évolution comparative de la production des ouvrages de référence entre 1980 et 2010
Le dictionnaire, absent durant la phase précédente, a fait son entrée en 1981. Toutefois sa production est restée très infime, à part un très léger bond, au début des années 1990. Cette catégorie a eu très certainement du mal à s’imposer par rapport à labibliographie, mieux implantée grâce à de nombreuses parutions. Concernant l’anthologie, cette catégorie littéraire a progressé avec un rythme presque similaire à celui de la phase précédente. Sa production est restée modérée, mais régulière jusqu’en 2010.Enfin, la production bibliographique a largement supplanté celle des autres catégories ; elle a atteint des hauteurs plus importantes durant les années 1980 ; mais, depuis les années 1990, son rythme de production est devenu bien lent. Entre 2008 et 2010, ellen’enregistre aucune parution.
Les mouvements des courbes du graphique montrent une similarité entre laprogression de la production de l’anthologie et celle de la bibliographie. Toutes les deuxsemblent avoir suivi les rythmes de production de la littérature francophone subsaharienne dans son ensemble. Elles affichent une hausse durant la décennie la première décennie, une régression la décennie suivante, et une légère reprise la dernière
222
décennie. Ces phases de production sont les mêmes que celles enregistrées pour la production littéraire dans sa globalité.
3° Évolutions périodiques de la production de l’essai
Généralement, l’essai est perçu comme un genre « intellectuel », un discours « savant » sur un sujet quelconque. Il octroie une place primordiale à la réflexion et aux idées et, de ce fait, il rentre dans le registre didactique. Dans l’histoire de la littérature,l’essai reste une catégorie littéraire « aux contours mal définis, difficile à faire entrer dans une logique » 231, et cette ambiguïté devient plus évidente lorsqu’on veut proposer une définition précise du genre. Dans la littérature francophone subsaharienne, l’essai admet une grande flexibilité. Il se situe à l’entrecroisement de plusieurs types de textes à la fois : philosophique, historique, sociologique et religieux entre autres qui enrichissent sa production.
Souvent, l’essai est présenté comme une production scientifique qui nécessite de ce fait, un savoir bien ficelé et un certain sens critique dans son écriture aussi bien que dans sa réception. Sa production entretient ainsi, un rapport plus sensible avec la hausse des niveaux scolaires. Makouta M’Boukou explique à cet égard que « la critique, l’essai et l’histoire, exigent que quiconque s’en mêle ait une solide formation universitaire ou, en tous les cas, qu’il soit un autodidacte chevronné » 232.On peut comprendre alors quel’essai demande une réflexion aigue sur une problématique donnée, et la rigueur exigée dans ce cas, a pu être un obstacle à sa production. Cette analyse consistera à montrer comment a évolué la production de cette catégorie littéraire et de saisir les facteurs qui ont influé cette évolution.
231 232
Glaudes (Pierre) ; Louette (Jean-François), L’essai, Paris : Hachette Supérieur, 1999, p.8
Makouta M’Boukou (Jean-Pierre), Introduction à l’étude du roman négro-africain de langue française, Abidjan : NEA, 1980, p.181.
223
Graphique 26 – Évolution de la production de l’essai entre 1950 à 1979
Le choix de commencer cette analyse à partir de 1950 relève du fait que laproduction du genre n’a pu être abondante et constante que durant la seconde moitié duXXème siècle.
En effet, jusqu’en 1949, on relève un total de six parutions seulement, dont la première remonte à l’année 1939. Selon le critère quantitatif, l’essai s’implanteréellement après la Seconde Guerre Mondiale. Sa production s’est poursuivie de façon progressive et constante au cours de la seconde moitié du siècle, hormis l’année 1955, qui affiche une production nulle. On note toutefois aussi, quelques années de régression, quin’alternent cependant pas, le mouvement vers le haut de la courbe de production. Dansl’ensemble, la production du genre est restée moyenne durant ce cycle, l’essai enregistreune moyenne de production d’environ 7/an seulement.
En comparaison à d’autres genres et catégories littéraires, l’essai a fait une entréeassez tardive comme on peut le lire sur le graphique. Si dans les années 1930, il enregistre déjà une production, c’est seulement dans les années 1960, qu’elle a pu prendreun peu plus d’envergure. La timidité de son rythme de production, peut se justifier par
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plusieurs raisons. Premièrement, la censure qui était très vive avant la Seconde Guerre mondiale, a certainement écarté certains types de textes tel que l’essai, dont la tonalité pouvait prendre une connotation revendicative ou polémique. Ensuite, l’installation assezrécente de l’école et les taux d’alphabétisation encore très bas jusque dans les années 1960, ne pouvaient être favorables à la production du genre, qui demande en plus, une certaine érudition. Enfin, l’édition très sélective dans les premiers temps, s’est par la suite ouverte prioritairement aux textes poétiques et de fictions avant d’intégrer d’autrescatégories de la littérature francophone subsaharienne.
C’est dans les années 1950 que la production de l’essai, a commencé à être plus stable, c’est-à-dire plus régulière. Cette constance a été la conséquence des grandesmutations de l’après-guerre, qui ont permis une plus grande liberté d’expression en plusde la réorganisation du secteur éditorial qui est devenu plus accessible aux auteurs des espaces colonisés. Si la revue Présence Africaine a fait paraitre les premiers textes queLITAF a rangé comme dans cette catégorie, ce sont prioritairement les éditeurs Présence Africaine et Maspéro qui ont donné une dynamique au genre durant cette décennie. Les détails des notices fournies par la banque de données montrent que les premières parutions dans cette catégorie, portaient sur les questions d’identité et des thématiquesaxées sur la culture noire. Dans les années 1960, l’essai s’est plus orienté sur des thématiques politiques avec une connotation dénonciatrice. Toutefois, on pense que cette nouvelle position qu’a prise le genre, a défavorablement servi à sa production, car elle a très certainement engendré des réserves chez plusieurs éditeurs. On note par exemple,qu’à cette période, l’édition de nombreux textes s’est faite « Chez l’auteur » comme il est marqué sur LITAF, dans ces cas, l’auteur a été son propre éditeur.
À partir des années 1970, les éditions CLE principalement et d’autres structures éditoriales, sont venues renforcer la production du genre. Durant cette décennie, sonrythme de production s’est davantage accéléré. Qu’en est-il pour les décennies suivantes ?
225
Graphique 27- Évolution de la production de l’essai entre 1980 et 2010
Durant les premières décennies de cette phase, la production n’a pu prendre qu’unelégère importance par rapport à la dernière précédente. C’est au cours des années 2000que l’on note une augmentation assez importante avec une production annuelle qui atteint et dépasse la moyenne de 30 parutions par an, même si le rythme de production ralentit légèrement les dernières années du cycle.
En effet, malgré les transformations du paysage littéraire (augmentation del’alphabétisation, implantation et création des structures éditoriales, hausse des niveauxscolaires…), la production de l’essai n’a pu connaitre de hausse spectaculaire. Or, depuis les années 1980, l’essai bénéficie d’une édition plus soutenue grâce à l’implication deplusieurs autres éditeurs tels que L’Harmattan, Silex, Karthala, La Découverte, Actes du Sud pour ne citer que ceux-là, ainsi que d’autres éditeurs situés sur le continent, avec, àl’appui, la contribution des périodiques qui diffusaient des textes critiques abordant des thématiques diverses. C’est seulement au cours des années 2000 que des éditeurs nouvellement créés, situés sur le continent, ont pu permettre au genre d’enregistrer unrythme de production légèrement plus rapide par rapport aux phases précédentes.
226
En somme, depuis les années 1960, l’essai a pu prendre une dynamique dans saproduction. Mais, depuis lors, il garde un rythme de production très modéré, même si une nouvelle tendance se dessine depuis les années 2000.
4° Mesures et analyses de la réception critique des catégories littéraires et des auteurs
La critique présente une particularité dans cette bibliométrie générique, car elleservira de base pour mesurer d’autres paramètres de la littérature francophonesubsaharienne. Dans le second chapitre de cette thèse, on a pu montrer que cette catégorie littéraire, a largement enrichi la littérature francophone subsaharienne. Son essor s’est faitconcomitamment à l’augmentation des taux d’alphabétisation et des niveaux de scolarisation. Dans cette analyse, il n’est pas question de réinterroger une seconde foisl’évolution de la production de cette catégorie littéraire, mais d’en user pour quantifierd’autres composantes de cette production littéraire.
En effet, la critique est une activité essentielle dans la littérature et elle fait partie intégrante du processus de réception ; on parle à cet égard de la réception critique, qui selon Vincent Engel se définit comme étant
un ensemble d’outils scientifiques qui permettent à ceux qui s’en servent de magnifier l’objet littéraire, d’en extraire des gisements précieux qui, sans elle, seraient restés à jamais insoupçonnés, d’en polir des facettes qui ne le rendent que plus brillant. Bien que certains écrivains s’en irritent avec plus ou moins debonne foi, elle est devenue un des éléments essentiels dans la définition de la littérature ou de la littérarité pour employer dès à présent un des conceptsqu’elle a forgés : une lecture, particulièrement pointue et attentive, lecture sanslaquelle tout livre ne peut rester que lettre morte 233.
La critique s’intéresse ainsi à toute la production littéraire, afin d’en saisir les détails,mais c’est aussi à travers elle que le texte littéraire acquiert une visibilité qui lui estessentielle. Elle s’articule autant sur les textes que les auteurs, et de ce fait, elle constitueun corpus propice pour mesurer l’intérêt scientifique qui est accordé, autant auxcomposantes de la production littéraire, mais aussi, aux auteurs de la littérature. Dans cet examen, la critique littéraire est perçue comme une base sur laquelle on prendra appui,
233
Engel (Vincent), Histoire de la critique littéraire des XIXe et XXe siècles, Louvain-la-Neuve : Bruyant-Academia, 1998, p.7.
227
pour mesurer d’une part, la réception critique de quelques catégories littéraires, et d’autrepart, pour peser la notoriété critique de quelques auteurs.
LITAF rassemble un volume de 10886 notices critiques, réparties entre plusieurs sous-catégories. Notons que la composition générique dans ce tableau est celle qui est fournie par la banque de données.
a. Mesure de la réception critique des catégories littéraires
Graphique 27- Répartition générique et quantitative de la production critique
Cette répartition quantitative de la production critique montre qu’elle s’intéresse defaçon très disproportionnée aux différentes catégories littéraires. Le roman s’imposecomme le genre littéraire qui intéresse le plus cette discipline ; il représente, à lui seul, près de 40% de toute l’activité critique répertoriée sur LITAF. Dans ce cas, la production critique liée au genre est proportionnelle à l’importance de sa production dans la littérature francophone subsaharienne. Cependant, ce rapport n’est pas le même pour les autres catégories listées.
228
Les chiffres du graphique placent la littérature traditionnelle à la deuxième place par rapport à son volume de production critique ; pourtant, cette catégorie littéraire affiche une production beaucoup moins dense. Elle est suivie du théâtre dont l’intérêtcritique est plus important que celui de la poésie qui se positionne pourtant, comme le deuxième genre littéraire le plus prolifique de cette littérature.
Les autres catégories littéraires du graphique ne suscitent pas un réel intérêt critique bien que le cinéma enregistre une production critique relativement dense par rapport àtoutes les autres. Par ailleurs, c’est surtout la modestie de la part de production critique liée à la nouvelle et celle de la littérature de jeunesse qui traduisent plus clairement le déséquilibre pouvant exister entre le niveau de production littéraire et le niveau d’intérêtcritique, étant donné que ces deux catégories littéraires affichent les taux de production les plus denses du corpus, sans toutefois, parvenir à susciter un réel intérêt critique.
Qu’en est-il alors, de la réception critique spécifique à l’œuvre de quelquesauteurs ?
b. Classement par niveau de réception critique des auteurs
Cette prise de mesure est en quelque sorte un « indicateur de réputation » pourreprendre l’expression de Claire Ducounau, mettant en lumière le degré de reconnaissance critique de quelques auteurs, dans le but de déterminer ce qui explique les différents niveaux de notoriété critique.
Pour y parvenir, notre quantification s’est appuyée sur une liste établie par Claire Ducournau dans La fabrique des classiques africains. Cette liste a été construite à partir de trois indicateurs à savoir : « la présence de chaque écrivain sur les listes de visibilités constituées, le nombre de leurs titres littéraires ayant été traduits, et le nombre de thèsessoutenues en France sur leurs œuvres » 234. Les critères choisis dans ce cas expliquent aussi son choix pour cette analyse. Elle rassemble, en tout, une population de vingt-neuf écrivains dont six écrivaines, publiant pour certains sur le continent et pour d’autres horsdu continent, ou encore sur les deux continents.
234
Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Paris, Éditions CNRS, p.311-312
229
Graphique 28- Répartition proportionnelle de la production critique par auteurs
Notons d’abord que le classement en ordre décroissant des données intègre obligatoirement une ligne de pareto qui apparait sur le graphique, mais qui ne nous a pas servi dans cette analyse.
Ce tableau classe par ordre décroissant le nombre de notices critiques portant surl’œuvre de chacun des auteurs apparaissant sur cette liste. Comme on peut le voir, Léopold Sedar Senghor concentre le plus grand nombre d’études critiques ; il est suivi de Sony Labou Tansi et de Mongo Béti. Les derniers de cette liste sont Francis Bebey, Fatou Diome et Alioum Fantouré.
Les différences de niveau de production critique s’expliquent dans un premier temps par la date d’entrée des auteurs sur la scène littéraire (qui reste marquée par la publication du premier titre). Certes, le temps de carrière n’est pas le facteur le plus impactant, mais il influence plus ou moins le volume de production critique d’un auteur.On peut voir ainsi que les auteurs qui ont fait leur entrée sur la scène littéraire dans les années 1940 et 1950 se retrouvent un peu plus haut dans le classement que ceux qui l’ontfait dans les années 1960 à 1970 et durant les décennies suivantes. Par exemple, Fatou Diome (2001), qui occupe la dernière place du classement, est aussi la plus jeune de tous,
230
en termes de carrière littéraire, tandis que Léopold Sedar Senghor, dont la carrière a commencé en 1945, occupe la première place de ce classement. Mais le facteur temporeln’est pas le plus déterminant pour justifier cette notoriété.
En effet, la réception critique d’un auteur, repose surtout sur des critères éditoriaux, des critères de consécration et le niveau de sociabilité de chacun des auteurs. À lui seul, Léopold Sedar Senghor, rassemble tous ces indicateurs. Son œuvre littéraire a bénéficiéd’une notoriété internationale, avec une traduction dans plus de dix-huit langues. De plus, sa stature à la fois, d’homme de lettres et de culture, mais aussi, d’homme politique alargement joué en sa faveur. Senghor, est l’un des auteurs qui a révélé la littérature subsaharienne d’expression française au grand jour ; dans le sens où, cet auteur a très tôt suscité un vif intérêt critique à une période où, l’ensemble de cette production littéraire était encore assez marginal. Enfin, Léopold Sédar Senghor possède la plus haute distinction honorifique, qui est son entrée à l’Académie française en 1983; une distinction qui a davantage renforcé sa notoriété. Très certainement, la réception del’œuvre de Senghor, a été influencée par son immense niveau de sociabilité.
Sony Labou Tansi, qui est le deuxième de cette liste, a fait son entrée en littérature en 1971. La densité de sa production critique peut se justifier par l’immensité de son œuvre littéraire. Pour cet auteur, la banque de données LITAF, enregistre un corpus bibliographique rassemblant 116 notices (composé des écrits de tous genres), derrière Léopold Sedar Senghor (188) et Valentin-Yves Mudimbe qui reste l’auteur le plusprolifique du corpus, avec à son compte 224 notices. On constate que le niveau de production critique des auteurs, dépend plus ou moins aussi, de leur corpus bibliographique. À quelques exceptions, plus la bibliographie d’un auteur est immense, plus la critique de son œuvre affiche des taux de production élevés et inversement. À titred’exemples, les auteurs qui concentrent les plus faibles volumes de production : William Sassine (14), Jean-Marie Adiaffi (12), Francis Bebey (10), se retrouvent aussi, parmi les derniers du classement. Par ailleurs, la réception critique de Mongo Beti, qui arrive entroisième place du classement, s’est largement enrichie avec la création de la revuePeuple noirs, peuples africains, dont il est un des co-auteurs. Cela a augmenté à la fois son niveau de sociabilité et son corpus bibliographique qui affiche une somme de 91 notices.
231
Les consécrations littéraires jouent aussi un rôle important sur le niveau de notoriété critique des auteurs. Senghor qui occupe le premier rang du classement, a obtenu, grâce à son entrée à l’Académie française, la plus haute des distinctions possibles. On constate par ailleurs que la grande majorité des auteurs de cette liste, ont déjà reçu une récompense littéraire. Sony Labou Tansi, Ahmadou Kourouma et Calixthe Beyala qui se trouvent dans les premiers rangs du classement, ont chacun obtenu plusieurs prix littéraires. Toutefois, il ne faut pas oublier que la notoriété critique de certains auteurs reste en devenir, à l’instar de Fatou Diome, Boubacar Boris Ken Bugul, Alain Mabanckou, qui peuvent encore avoir plusieurs années de carrière littéraire.
En outre, le niveau de réception repose aussi en bonne partie sur l’édition. On noteen premier lieu, l’importance du lieu d’édition qui reste une variable importante pour lacritique d’un auteur. Si tous les auteurs enregistrent au moins une parution française, les auteurs publiés par les éditions du Seuil, occupent une place de choix dans ce classement. Sur les quatre premiers sur la liste, trois (sauf Mongo Beti) ont été majoritairement publié chez Seuil. On pense, à cet égard, qu’ils ont pu bénéficier de « l’effet Seuil », c’est-à-dire de la réputation de qualité littéraire qui est souvent associée à cette maison d’édition. Présence Africaine reste cependant l’éditeur le plus présent ; la très grande majorité des auteurs compte au moins une publication chez cet éditeur.
Par ailleurs, la traduction reste un facteur important de cette réception critique. Les auteurs qui ont été les plus traduits de cette liste sont Ousmane Sembène (19), Léopold Sedar Senghor (18), Ahmadou Kourouma (17), Amadou Hampâté Bâ (14), Sony Labou Tansi, Henri Lopès et Mongo Beti (11). En effet, la traduction, dans ce cas, reste un « capital symbolique » qui assure à l’écrivain une certaine stature, sans compter qu’ellelui donne une portée critique internationale, bien que certains auteurs comme Aminata Sow Fall (1), Valentin-Yves Mudimbe (2), Véronique Tadjo (3), qui sont très peu traduits, concentrent tout de même une importante quantité d’écrits critiques. Enfin,l’orientation générique reste aussi un élément important dans la réception critique des auteurs : si plusieurs auteurs affichent une production hétéroclite, la très grande majorité des auteurs se sont illustrés dans la prose.
En définitive, cette bibliométrie générique a permis d’interroger la littératurefrancophone subsaharienne à partir de ses différentes composantes. Les quantifications établies dans ce cadre, ont montré que les productions génériques ont été moins
232
importantes tout au long des premières décennies du XXe siècle. La grande majorité des catégories étudiées, n’ont pu avoir une production plus accrue qu’après 1945. C’est enpremier, le théâtre et la nouvelle qui se sont positionnés comme les genres littéraires les plus prolifiques. Toutefois, ils ont été surpassés par le roman et la poésie au cours des décennies qui ont suivi. De plus en plus, le roman se positionne comme le genre phare de cette littérature, il régule désormais l’essentiel de son activité éditorial, et concentre plus du 1/3 de la production critique. Par ailleurs, la littérature de jeunesse aussi, connait une véritable expansion ; c’est une catégorie littéraire en plein essor, et sa place dans la littérature francophone subsaharienne deviendra certainement encore plus importante. La nouvelle dans cette littérature, enregistre une production importante, mais son niveaud’intérêt critique et la maigreur de sa production éditoriale révèlent le fait qu’elle esttoujours considérée comme un genre mineur au sein de cette production littéraire. L’essaiet le théâtre, ont tous les deux une production modérée, depuis les années 1950, leur rythme de production est resté assez lent.
Les mutations génériques, dans cette production littéraire, ont été la conséquence, des transformations éditoriales qui influencent tout aussi, les niveaux de production des différentes catégories littéraires. Ainsi, les genres tels que : la poésie, le théâtre et la nouvelle, ne doivent désormais leurs productions, qu’à des canaux de diffusion autre quecelui de l’édition traditionnel. À partir de toutes ces analyses, on constate que lalittérature africaine francophone s’enrichit grandement grâce à plusieurs supports dediffusion dont l’apport reste incontestable.
233
CHAPITRE 4 :
LES PRODUCTIONS LITTERAIRES NATIONALES
234
Ce chapitre s’intéresse aux productions littéraires, en français, des dix-huit pays del’Afrique francophone subsaharienne. En effet, lorsqu’on parle de la répartitiongéographique de la littérature francophone subsaharienne, on touche à la question des littératures nationales dont la réalité est devenue beaucoup plus évidente au cours des années 1970, après la proclamation des indépendances de la majorité des États francophones subsahariens, sauf Djibouti qui l’a été en 1977. Chaque production nationale reste un cas spécifique que nous analyserons en détail dans ce travail.
En effet, s’intéresser et mesurer la production littéraire de chaque pays permet de comprendre son « modèle bibliologique », qui, selon Robert Estivals, s’établit à partir des conditions de production qu’offre chaque État. En outre, une étude statistique portant sur les niveaux de production littéraire nationale permet d’établir une répartition géographique et quantitative de cette production littéraire, mais aussi de saisir les écarts de production entre pays, dans le but de mettre en lumière les grands foyers de production, et, aussi, de comprendre la situation de la littérature dans chacun des États, eninterrogeant chaque contexte de production par l’observation des conditions tant socio- politiques, que démographiques.
Dans ce chapitre, on touche à la question de la francophonie, réalité linguistique dont les contours géographiques en Afrique subsaharienne sont encore très imprécis voire instables. Dans plusieurs pays de la région, on note des mutations linguistiques quis’opèrent par des rapprochements avec d’autres sphères linguistiques ou desrevendications d’une identité linguistique plus nationale. À cela s’ajoute toute uneproduction littéraire qui « se diffuse sur la Seine », une autre issue d’autres diasporas dumonde. Tout cet ensemble élargit les contours géographiques et humains de la littérature francophone subsaharienne. Par ailleurs, le nombre des écrivains d’origine subsaharienne qui refusent d’appartenir à cette sphère littéraire continentale ou diasporique « africaine » est en augmentation. Plusieurs de ces auteurs veulent quitter un champ littéraire qui n’est pourtant encore qu’en pleine constitution. À ce propos, Papa Samba Diop écrit :
le nombre est de plus en plus important d’auteurs ayant choisi d’écrire horsd’Afrique, défendant ainsi l’actualité internationale dont ils vivent, et tentant,
235
dans une prose résolument transgressive, d’insérer leurs œuvres dans un champmieux structuré, plus cohérent à leurs yeux 235.
On se demande dès lors si leurs œuvres doivent tout de même encore faire partie de la littérature francophone subsaharienne en général, et être intégrées dans les productions littéraires nationales des pays dont ils sont originaires en particulier. Puisque ces auteurs se rangent désormais dans une sphère littéraire plus englobante, autrement dit, plus mondialisée.
Toutefois, grâce à son paramétrage, LITAF octroie la possibilité de quantifier ces productions nationales. Ainsi, on se basera sur les données qu’elle fournit pour réinterroger leurs productions, sur la base d’une série de quantifications.
En effet, dans l’ensemble de ces pays, la vie du livre, la production écrite etlittéraire restent caractérisées par deux modèles : celui qui avait été établi, à des degrés variables, par l’ancienne puissance coloniale, et le modèle institué par les États après leurs indépendances, même si les deux tendent très souvent à se chevaucher. Dans cetteanalyse, c’est le second modèle qui nous intéresse le plus, car c’est à partir de lui que l’onpeut déceler les éléments qui ont pu favoriser et défavoriser l’évolution de la productionlittéraire dans ces pays.
Cette analyse s’établira sur deux parties, une plus englobante, qui s’intéressera àl’entièreté des productions nationales, et une autre, qui s’axera sur la production desgenres majeurs (le roman, la poésie, le théâtre et la nouvelle) selon les pays.
A. La production littéraire par pays
Chacun des dix-huit pays enrichit à des niveaux variables la littérature francophone subsaharienne. Un graphique détaillé permet de saisir pleinement cette réalité. Les
235
Diop (Samba Papa), « Tentatives de définition du champ littéraire subsaharien », in : Chiron (Pierre) ; Claudon (Francis), dir., Constitution du champ littéraire, Paris : L’Harmattan, 2011, p.363-389 ; p. 384.
236
chiffres ont été obtenus à partir de l’indexation « pays auteur » dans la banque de données.
Graphique 29- Réparation géographique et quantitative de la production littéraire
Cette répartition littéraire apparait plus évidente à travers ce graphique, et le classement quantitatif met en évidence la contribution plus ou moins abondante de chacun des dix-huit pays. La répartition globale de cette production littéraire classe le Cameroun comme le pays où la production est la plus prolifique ; il est suivi du Sénégal et ensuite de la République Démocratique du Congo. Les pays les moins prolifiques sont : le Rwanda, la Mauritanie, la Centrafrique, Djibouti et le Burundi qui occupe la dernière place de ce classement. Précisons toutefois que dans cette quantification, la production du Niger pose un souci de clarté, car elle intègre aussi celle du Nigéria, du moins, celle des auteurs Nigérians qui ont été traduits en français, et il est impossible de les dissocier. Ce pays enregistre sans doute une production plus modeste que celle qui s’affiche lors desquantifications.
À travers ce graphique, on peut voir que les écarts de production sont très significatifs entre les grands foyers de productions (les premiers dans le classement) et les pays les moins productifs. Mais comment peut-on les justifier ?
237
En général, la production littéraire et, plus globalement, la production écrite d’unpays dépendent presque entièrement de la situation à la fois économique, politique, sociale, éditoriale, démographique propre à chacun des États. Si tous ces facteurs peuvent expliquer les différences des niveaux production, c’est surtout le positionnement linguistique par rapport à la langue française qui constitue l’un des facteurs de disparitéles plus importants. En effet, le statut de la langue française varie en fonction des pays de la sous-région, et depuis l’acquisition des indépendances, cette langue a été intégrée à des degrés variables dans la communication au sein même des différents États. Il faut toutefois préciser que l’implantation de cette langue dans cette partie du monde n’est pasaussi récente que l’est la notion d’État ou de Nation ; elle remonte à des périodes antérieures. De ce fait, pour comprendre comment se déploie le français dans cet espace, il est nécessaire de remonter au-delà de la période des indépendances.
En effet, l’usage du français en Afrique subsaharienne s’est installé selon les modalités très variables dans les anciennes colonies et se présente aussi de diverses façons dans les États indépendants. Même si la francophonie, qui est un terme récent, se déploie comme une représentation commune, celle-ci masque cependant, la réalité sociolinguistique propre à chaque espace. Comme le soutient Dominique Combe, « derrière le mot francophonie, se trouvent des réalités linguistiques disparates » 236, qui se traduisent à travers les différents statuts sociolinguistiques qui sont accordés au français dans ces pays.
On pense qu’il existe une corrélation entre le positionnement linguistique d’un pays par rapport à la langue française et la production littéraire qu’il génère dans cette langue. Ce positionnement linguistique est cependant déterminé par plusieurs réalités telles quel’usage exact qui y est fait de la langue française, et la quantité de la population francophone dans chacun de ces pays. Dans ce cas, une analyse comparative est nécessaire, afin de vérifier si le lien entre ces différentes réalités est évident.
Notons d’abord que tous les pays d’Afrique francophone subsaharienne sontd’emblée plurilingues, mais certains, plus que d’autres, usent du français pour assurerl’essentiel des besoins communicationnels de la population. On parle à cet égard de pays
236
p. 242.
Combe, (Dominique), Les littératures francophones, Paris : Presses universitaires de France, 2010,
238
francophones unilingues. Dans d’autres cas, le français et une des langues locales, ou une autre langue étrangère assurent tous les deux la communication interethnique ; on parle ici de pays multilingues. Dans cette première analyse, il s’agit de montrer si le statutfonctionnel de la langue a une influence sur le niveau de production littéraire nationale.
Ce tableau rassemble les différents éléments de comparaison ; voyons si les chiffres permettent d’affirmer cette réalité.
Tableau 10- Classement productif des pays et statut fonctionnel de la langue française
Pays |
Classement |
Statuts de la langue française |
||||||
Cameroun |
1 |
Multilingue |
||||||
Sénégal |
2 |
Unilingue |
||||||
Rép.Dém.Congo |
3 |
Unilingue |
||||||
Côte d’Ivoire |
4 |
Unilingue |
||||||
Congo |
5 |
Unilingue |
||||||
Bénin |
6 |
Unilingue |
||||||
Togo |
7 |
Unilingue |
||||||
Niger |
8 |
Unilingue |
||||||
Mali |
9 |
Unilingue |
||||||
Burkina-Faso |
10 |
Unilingue |
||||||
Guinée |
11 |
Unilingue |
||||||
Gabon |
12 |
Unilingue |
||||||
Tchad |
13 |
Multilingue |
||||||
Rwanda |
14 |
Multilingue |
||||||
Mauritanie |
15 |
Multilingue |
||||||
Centrafrique |
16 |
Unilingue |
||||||
Djibouti |
17 |
Multilingue |
||||||
Burundi |
18 |
Multilingue |
Ce tableau permet de saisir plus clairement la corrélation existante entre le statut de la langue française et la production littéraire dans cette même langue. Comme on peut le
239
voir, la plupart des pays multilingues sont aussi ceux qui se retrouvent dans les dernières places du classement. À deux exceptions près : le Cameroun, premier du classement avec un statut de pays francophone multilingue, et la Centrafrique qui, malgré son unilinguisme, affiche une production très modeste. La production littéraire en langue française, dans cette partie du monde, s’appuie sur un parallélisme constant impliquant lasituation linguistique propre à chaque territoire
Ce premier état des lieux explique en partie les écarts de production. En effet, dans les pays multilingues, la production littéraire, et même la réception peuvent davantage se déployer dans une langue autre que le français. On peut comprendre alors que le statut qui est accordé au français confère aussi un dynamisme à la production écrite dans cette langue, même si cette réalité n’est pas forcément évidente dans tous les cas.
En dehors du statut de la langue, la démographie francophone propre à chaque pays, peut aussi être déterminante pour son niveau de production. En effet, la production littéraire dépend en partie souvent de la population à laquelle elle s’adresse, qui peut toutefois, varier selon la population nationale. Cette réalité peut se mesurer à partir d’unecomparaison biblio-démographique, qui intègre à la fois les chiffres de production littéraire en français et ceux de la population francophone. Toutefois, le terme francophone intègre plusieurs corollaires et dans ce cas, on désigne comme francophone, toute personne ayant « nécessairement une compétence active, et non passive, en français [...] avec une capacité du locuteur à s’exprimer en français, à comprendre et à être compris en toutes circonstances »237.
Notons que les chiffres de la population repris dans le graphique sont indiqués en milliers; ils sont tirés d’un rapport de l’Organisation Internationale de laFrancophonie 238 (OIF) et ils datent de 2014 (nous n’avons pas pu trouver des données plus récentes). Tandis que les données de production sont en valeur absolue.
237
238
Haut Conseil de la Francophonie, État de la francophonie dans le monde, Paris: La Documentation française, 1990, p.28.
La langue française dans le monde, Rapport de l’OIF, dirigé sous la coordination d’AlexandreWolff, p.15-16. [En ligne] https://www.francophonie.org/Langue-Francaise-2014/projet/Rapport- OIF-2014.pdf ,consulté le 14 avril 2017.
240
Graphique 30- Comparaison biblio-démographique par pays
Afin de mieux comprendre ce graphique, il faut garder à l’esprit que le nombre de francophones, dans chaque pays, varie en fonction de la population nationale, et cela n’arien à avoir avec le degré de francophonie du pays. À titre d’exemple, un pays comme la République démocratique du Congo, qui affiche dans ce graphique le taux le plus élevé de francophones, n’est pourtant pas le plus francophone de tous. Le Gabon, par exemple,reste le pays le plus francophone du point de vue de l’usage fréquent et récurrent de lalangue française. Toutefois, compte tenu de sa population qui est fixée à moins de deux millions d’habitants, il ne peut qu’afficher un nombre de francophones plus bas que les autres pays qui sont bien moins francophones que lui. Les chiffres de la démographie francophone, dans ce cas, n’ont rien à avoir avec la dimension purement francophone de chaque État.
Ce graphique rend évident le parallélisme existant entre la proportion démographique et la production littéraire. Dans la plupart des cas, on constate que les pays qui ont une importante démographie francophone sont aussi les plus productifs. De même, ceux avec une démographie moins élevée, sont en général, les moins productifs.
241
Dans ce cas de figure, on a la Centrafrique, la Mauritanie, le Rwanda, le Burundi etc. Toutefois, on a des pays qui affichent un juste équilibre entre production et population notamment : le Sénégal et le Congo-Brazzaville, où ce parallélisme reste plus équilibré. La production littéraire y reste assez performante dans ces deux cas ; par rapport à leurs populations francophones, ces deux pays enregistrent les moyennes de production les plus élevées. Dans d’autres cas, on note un déséquilibre se traduisant par l’écart ou la différence très marquée entre le poids numérique de la production littéraire qui est relativement faible, et une population francophone assez élevée. La République Démocratique du Congo reste l’exemple le plus marquant dans ce cas. Ce pays concentre la plus vaste population francophone de la sous-région, mais sa production littéraire enfrançais n’est pas aussi dense. Dans une moindre mesure, on retrouve aussi ce déséquilibre, au Bénin, au Tchad, au Togo, au Mali et en Guinée.
Cette disproportion s’explique par la situation sociolinguistique de ces pays. En effet, si plusieurs pays affichent une population francophone plus ou moins dense,l’importance accordée à la langue française, ainsi que son usage dans la vie courante, sont des réalités moins mesurables, des réalités de terrain, mais pouvant avoir un réel impact sur le niveau de production littéraire. En effet, la plupart des pays les moins performants 239 en termes de production sont des pays dans lesquels le français n’assure qu’une partie de la communication et où une autre langue locale, ou d’autres langueslocales, assurent l’essentiel de la communication interethnique. Parmi les pays concernés, bon nombre se retrouvent dans ce cas.
Au Burundi, la langue unitaire du pays est le kirundi et non le français. Cette langueest celle de l’alphabétisation et de l’enseignement, et dans ce cas, la primauté de cettelangue est sans doute un obstacle pour l’essor de la production écrite en langue française. La situation sociolinguistique de ce pays, rend par ailleurs difficile, la mise en place d’unsystème éditorial de grande ampleur, car dans ce cas, la diffusion ne peut être cantonnéequ’à une dimension nationale. Cette situation reste la même pour le Rwanda où, il existe, une langue nationale qui est parlée et comprise par tous les Rwandais : le kinyarwanda. Cette forte unité linguistique à favoriser la préférence de cette langue aux langues étrangères notamment, au français qui occupe une place de langue seconde. Depuis ces
239
population.
On parle de performance dans ce cas, pour indiquer un certain équilibre entre production et
242
dernières années, la langue française est de plus en plus reléguée dans ce pays, au profitde l’anglais. En Centrafrique, le sango est la langue qui assure l’unité de la nation. Il est parlé par la quasi-totalité de la population et occupe une place très importante dans la communication au quotidien. À Djibouti, au Tchad et en Mauritanie, parmi les derniersdu classement, l’arabe reste une langue très importante dans la vie courante ; elle est largement plus utilisée que le français. Par ailleurs, au Gabon, la langue française reste la langue la plus couramment utilisée, mais la minceur du poids démographique dans ce cas,ne permet pas d’avoir une production très importante.
Dans ces pays, la mise en place d’une activité éditoriale de grande ampleur reste très difficile. Puisque la consommation reste le premier moteur de la production, maissurtout aussi de l’édition. Les taux démographiques et la relégation du français en tant que seconde langue ne permettent pas de soutenir une véritable activité éditoriale. Robert Escarpit, dans sa sociologie de l’édition, fixe à six millions, le nombre d’individusnécessaires (lectorat potentiel) pour démarrer une réelle activité éditoriale. Si on se base sur ce chiffre, on peut comprendre qu’il serait alors difficile, que la production littéraire en langue française dans ces pays, connaisse un développement important. Ainsi, seuls le Cameroun, la Côte d’Ivoire et la RDC pourraient maintenir une activité éditoriale àl’intérieur de leurs frontières. Ce sont aussi les pays qui concentrent les productions littéraires parmi les plus denses. Dans ces cas, le poids démographique est un élément favorable ; il reste un support essentiel au maintien d’une activité éditoriale et contribue aussi à la hausse des chiffres de production.
Dans ces pays, la vie littéraire se déploie considérablement, grâce à des structures comme CLE à Yaoundé dont le rôle n’est plus à démontrer, ainsi que les éditions NEA etCEDA à Abidjan, les éditions St-Paul (devenues Médiaspaul) et les éditions du Mont noir en RDC. L’immensité de la population francophone, dans ces cas, offre la possibilitéd’une activité littéraire plus dynamique et surtout plus soutenue.
Malgré la densité de sa population, la moyenne de production littéraire en RDC resteassez faible. En effet, la situation linguistique de ce pays est très particulière. Il possède quatre langues nationales, qui ont été promues en tant que langues officielles : le kikongo, le swahili, le lingala, le tshiluba et qui font toutes fortement concurrence au français. En effet, en RDC, le français n’est pas la langue la plus couramment utilisée, d’autant plusque l’usage de l’anglais est aussi en pleine progression dans l’ensemble du pays. Ainsi, si
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le français occupe un statut de langue officielle, dans la réalité quotidienne, les langues nationales, surtout le lingala, restent celles qui assurent l’essentiel de la communicationinterethnique. Par ailleurs, il y a aussi la situation politique du pays qui est très perturbée. En effet, ces dernières décennies, la RDC a très souvent été le théâtre de nombreux soubresauts qui font de ce pays, l’un des plus instables de la sous-région. Les tentatives de sécession, la formation de nombreux groupes de rebellions plongent plusieurs parties du pays dans un climat de crise continuel. Ce contexte de guerre ralentit certainementl’essor de la production intellectuelle dans son ensemble, et de la production littéraire en particulier. En outre, la notion d’authenticité énoncée et prônée par Mobutu dès 1965, et durant toute sa présidence, a considérablement relégué l’usage de la langue française dans l’ensemble du pays. Grâce à cela, plusieurs auteurs ont fortement pu contribuer àl’accroissement d’une production littéraire dans les langues nationales. Dans ce fait, la production en langue française pourrait souffrir d’une forme de marginalisation, car elle est soumise à une population dont la grande majorité reste acquise aux langues du pays. Enfin, la censure instaurée durant la présidence de Mobutu a aussi retardé l’essorquantitatif de la production littéraire dans son ensemble. La plupart des auteurs à cette époque, n’ont pu asseoir leur carrière littéraire qu’en dehors des frontières du pays. Enfin, dans son mémoire faisant état de l’édition du livre littéraire en RDC 240, Billy Mangole parlait des taxes fiscales comme de véritables obstacles pour la diffusion et pour la consommation du livre dans ce pays. Dans son analyse, il explique que la production du livre en RDC fait l’objet d’une lourde taxation aussi bien sur les auteurs et les éditeurs que les libraires. Elle a ainsi été un facteur défavorable au développement de l’activité éditoriale dans l’ensemble du pays.
Le Sénégal quant à lui, affiche une production très dense, il occupe la deuxième place du classement établi à partir du graphique. Ce pays constitue, à lui seul, une part importante de l’activité littéraire de langue française en Afrique francophone subsaharienne. En effet, le Sénégal rassemble un certain nombre de conditions qui maintiennent l’évolution de sa production littéraire. D’abord, il bénéficie d’une grandestabilité politique, d’une activité éditoriale assez dynamique, d’une vie littéraire assez
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Mangole (Billy), État des lieux de l’édition du livre en RDC de 2000 à 2010, Mémoire en commerce et marketing, l’Institut supérieur de statistiques de Kinshasa, sous la direction de Makiese Longa, 2012. [En ligne] https://www.memoireonline.com/01/14/8582/Etat-des-lieux-de-l- edition-du-livre-litteraire-en-RDC-de-2000–2010.html consulté le 23 mars 2017.
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riche, avec à l’appui l’influence des hommes de lettres tels que : Léopold Sédar Senghor, Alioum Diop, Birago Diop, Sembène Ousmane pour ne citer que ceux-là. Ce pays a souvent été présenté comme un carrefour de la vie littéraire en Afrique subsaharienne. En outre, la vie littéraire y est née très tôt dans ce pays ; LITAF enregistre la première production sénégalaise en 1850, soit plusieurs années avant que le Mali ne fasse en second, son entrée sur cette scène littéraire en 1918. Le Sénégal possède près d’un siècle d’avance dans la vie littéraire par rapport à plusieurs autres pays de la sous-région.
Selon Albert Gérard, la production littéraire de langue française en Afrique subsaharienne, « offre une diversité que l’uniformité du medium écrit ne réussit pas àdissimuler entièrement » 241. À propos de cette diversité, il explique que
[l]a durée de la colonisation linguistique en est un élément important. Une présence française significative existe au Sénégal depuis la fondation de Saint- Louis en 1638 ; ce pays fut le premier à se manifester en force sur la scène dela production littéraire en français. Par contre, le Gabon n’a guère encore contribué à l’essor de la littérature francophone : les Français ne s’installent sur ses côtes (pour faire la chasse aux négriers) qu’en 1839. Néanmoins, l’efflorescence littéraire inattendue du Congo doit résulter de l’action d’autres facteurs qu’il faudrait définir. L’inévitable interaction linguistique revêtira desformes différentes selon les pays, et même, très vraisemblablement, selon les ethnies. Chaque cas exige un examen particulier 242
La vie littéraire a démarré très tôt au Sénégal, et la production littéraire a pu prendre une certaine longueur d’avance par rapport au reste des pays. L’implantation précoce del’école coloniale dans ce pays a largement favorisé cette situation. En outre, l’auteursouligne « l’efflorescence littéraire inattendue du Congo », qui dans cette analyse, resteun cas exceptionnel dans l’ensemble. Ce pays affiche une production littéraire importantepar rapport à la moyenne générale. Cette profusion soulève des interrogations, car aucunélément n’a pu véritablement nous permettre, de comprendre ce positionnement. Hormisle fait que les écrivains congolais de langue française, ont en majorité une œuvre littéraire très prolifique, comme le montre les détails des notices contenus dans LITAF.
242
241
p.51.
Gérard (A.), Afrique plurielle : étude de littérature comparée, Amsterdam/Atlanta : Rodopi, 1996, Gérard, (A.), Afrique plurielle, Étude de littérature comparée, Idem., p. 52.
245
La situation sociolinguistique du Congo reste similaire à celle des autres pays, et deux langues assurent l’essentiel de la communication; il s’agit du munukutuba désormais appelée kituba, langue parlée sur les deux rives du fleuve, et du lingala. Le français langue seconde est utilisé pour la communication, l’enseignement et l’écriture.La démographie francophone y est assez dense, mais bien moins que celle des pays comme le Mali, le Burkina-Faso, la Guinée, le Togo et le Bénin qui affichent cependant des taux de production plus bas que celui du Congo.
Le classement du graphique (34) répartit géographiquement la production littéraire à partir à des volumes globaux et cela ne permet pas de saisir les mouvements ou encoreles mutations qu’il y a pu avoir dans ces productions littéraires nationales. De ce fait, établir une évolution périodique et quantitative de ces différentes productions, nous a paru nécessaire. Cette façon de procéder, offre la possibilité d’observer l’ensemble des mouvements de production et à partir de cela, s’intéresser à d’autres facteurs pouvant justifier le niveau de production propre à chaque pays. Dans cette analyse, nous avons interrogé la production à partir de trois phases : de 1900 à 1950, de 1950 jusqu’en 2000 et de l’année 2000 jusqu’à l’année 2017. La dernière phase se fera à partir d’un classementqui nous aidera à déceler les pays qui connaissent un essor littéraire depuis ces deux dernières décennies.
246
1° État de la production littéraire des pays durant la première moitié du XXe siècle
Graphique 32- Production littéraire par pays entre 1900 et 1950
Ce graphique met en lumière la quantité des productions nationales entre 1900 et 1950. Soulignons tout de même qu’à cette époque, on parle encore de colonie, et toutesn’étaient pas entièrement constituées comme telles. La production est restée faible dansl’ensemble des territoires, et certains n’ont pu enregistrer de production durant cette phase.
Le Sénégal affiche le taux de production le plus élevé, il est suivi du Bénin dont la production avait été énormément enrichie grâce aux travaux de Kiti Gabriel, Maximilien Quénum et, un peu plus tard, de Paul Hazoumé. Ce graphique laisse constater la disparitéexistante entre les colonies de l’AOF et celles de l’AEF. En général, les colonies de l’AEF,hormis le Cameroun, affichent une production moins élevée que celle de l’AOF. Cet écart se justifie par la « constitution précoce d’une élite sociale vigoureuse » 243 en AOF, tandisqu’en AEF, elle n’a pu se faire qu’après la Seconde Guerre mondiale. De ce fait, la vie littéraire y a aussi démarré plus tardivement. Dans les anciennes colonies belges, seul leBurundi n’enregistre aucune production au cours de ce cycle. La République
243
M’Bokolo (Elikia), L’Afrique au XXe siècle, Paris : Seuil, 1985, p.132.
247
Démocratique du Congo (Congo Belge à cette époque) affiche une production assez importante comparée aux autres pays. Le Tchad et la Centrafrique font partie del’Oubangui-Chari jusqu’en 1925 et la Mauritanie n’a été qu’une colonie à part entière dès1956.
2° État de la production littéraire par pays entre 1950 et 2000
Graphique 33- État de la production par pays entre 1950 et 2000
Durant cette phase, tous les pays ont pu accentuer leurs volumes de productions littéraires. La République Démocratique du Congo devient le pays le plus productif, dans ce cas, le poids démographique et les années de stabilité politique (entre 1965 et 1974) ont sûrement joué un rôle important. À la seconde place, on retrouve le Cameroun, où les éditions CLE et plusieurs revues locales ont donné une forte impulsion à la production littéraire, et contribué à son l’essor. Le Sénégal occupe la troisième place de ce classement, il est suivi du Congo, de la Côte d’Ivoire et du Bénin. Tous ces pays, affichent une dynamique dans leurs productions littéraires au cours de cette période.
248
La production littéraire du Mali, du Togo, du Niger et du Burkina-Faso, s’estaussi modérément accrue. Le reste des pays enregistrent toujours une production assez faible, voire très faible pour certains. Le Burundi, le Djibouti, et le Rwanda n’ont puatteindre une production de 100 notices durant la période. Rappelons tout de même que le Djibouti a fait une entrée très tardive dans cette littérature, la première œuvredjiboutienne est enregistrée en 1972 seulement.
3° Classement géographique de la production littéraire depuis les années 2000
Graphique 34- Classement de la production littéraire par pays entre 2000 et 2017
Ce graphique présente un classement géographie de la production littéraire depuis les années 2000. Ainsi, on peut constater que la République Démocratique du Congo qui occupait la première place au cours de la période précédente, est relégué à la quatrième place. Le Cameroun est désormais le pays le plus productif selon les données fournies par la banque de données. Il est suivi de la Côte d’Ivoire, dont la production a pu se maintenirintensément au fil des décennies. La production littéraire du Congo-Brazzaville se fait à un rythme accéléré : ce pays occupe désormais le quatrième rang du classement, sa production suit de très près celle de la Côte d’Ivoire, et pourrait la supplanter d’iciquelques années. Trois autres pays, connaissent aussi, ces deux dernières décennies, une augmentation de leurs productions ; il s’agit du Bénin, du Togo, et surtout du Gabon qui
249
souvent parmi les derniers, se retrouve désormais dans les dix premiers du classement.Tandis qu’au Mali, au Burkina-Faso, et en Guinée, la production littéraire tend plutôt à stagner voire à régresser légèrement.
Ce premier examen a porté sur analyse globale de la production des dix-huit pays, voyons comment ces productions nationales se répartissent à travers les genres littéraires que sont le roman, la poésie, le théâtre et la nouvelle.
B. Analyse de la production des genres majeurs par pays
La quantification géographique de la production littéraire a permis de mettre en lumière les grands foyers de production et de comprendre, à travers cette démarche, les disparités géographiques de cette production littéraire. Après cette analyse portant surl’ensemble de la production, il s’agit dans cette partie de s’intéresser aux catégoriestextuelles majeures que sont le roman, le théâtre, la poésie et la nouvelle, afin de mesurer leur production dans chacun des pays concernés et d’en faire un classement. Cette analyse permettra d’établir les spécificités littéraires propres à chaque pays.
Dans cette partie, les graphiques prennent en compte l’ensemble de la productionromanesque.
250
1° Production géographique du roman
La répartition proportionnelle de la production géographique du roman se présente comme suit :
Graphique 35- Répartition géographique de la production romanesque
D’après les résultats du graphique, on constater que les pays qui concentrent les productions littéraires globales les plus denses ont aussi les productions romanesques les plus abondantes. Le Cameroun concentre la plus grande production romanesque ; il est suivi du Sénégal, ensuite de la Côte d’ivoire et du Congo-Brazzaville qui a relégué la RDC au cinquième rang.
La production du roman dépend en grande partie de l’activité éditoriale ; de ce fait, la répartition de sa production donne, plus ou moins aussi, un aperçu concernant l’activitééditoriale de chacune des zones géographiques. Dans ce cas, les pays les plus productifs (Cameroun, Côte d’Ivoire, Sénégal) sont aussi les plus grands foyers éditoriaux. En effet,
251
dans ces pays, il existe une activité éditoriale bien établie, avec des maisons d’éditionscomme CLE à Abidjan, NEA à Dakar et à Abidjan. Par ailleurs, ces trois pays ont aussi une production romanesque plus ancienne que la moyenne : dans ces pays, la production romanesque date de depuis la première moitié du XXème siècle.
2° Production géographique du théâtre
Graphique 36- Répartition géographique de la production théâtrale
Dans ce graphique, on peut voir que la grande majorité des productions théâtrales rassemblent moins de cinquante notices. La répartition géographique de la production du théâtre, affiche une nouvelle configuration. Le Cameroun, tel que précédemment, possèdela production du genre, la plus dense, il est suivi de la Côte d’Ivoire, un pays dans lequelle théâtre s’est rapidement développé grâce à la création du Centre culturel et folklorique, créé en 1958. Le Congo-Brazzaville et la RDC occupent à égalité la troisième place du classement. Le Sénégal, majoritairement parmi les deux premiers, n’occupe cette fois que
252
le quatrième rang ; il est suivi de très près par le Bénin, puis, par le Togo. Ces deux pays, par rapport au reste, affichent une quantité assez importante dans la production du genre.
3° Production géographique de la poésie
La production poétique de langue française en Afrique francophone subsaharienne se répartit comme suit :
Graphique 37- Répartition géographique de la production poétique
Le Cameroun occupe toujours la première place du classement, il est suivi du Sénégal et ensuite de la RDC. La Côte d’Ivoire vient en cinquième position duclassement, il est précédé du Congo-Brazzaville. Hormis le Bénin, le reste des pays, enregistrent une production de moins de cent notices au total. Dans la plupart des cas, la production poétique reste moins importante que celle du roman, sauf à Djibouti.
253
254
4° Production de la nouvelle par pays
La production géographique de la nouvelle se distribue ainsi :
Graphique 37- Répartition géographique de la production de la nouvelle
La répartition de production de la nouvelle classe le Sénégal à la première place ; il est suivi de la Côte d’Ivoire. Le Cameroun, souvent à la première place du classement, est relégué cette fois à la troisième place. Sa production de nouvelles est très moyenne par rapport à celle des autres genres.
On constate dans ce graphique que la répartition de la production de la nouvelle reste plus équilibrée par rapport à celle des autres genres. Les proportions montrent que la plupart des pays enregistrent une production assez marquée et les écarts de production sont beaucoup moins importants. Cela s’explique par le fait que la nouvelle, contrairement aux autres genres littéraires étudiés, n’a pas une diffusion encadrée. Elle sefait à partir d’une multiplicité de supports, qui confèrent au genre une certaine densité.Cette situation a permis au genre d’avoir une production importante dans des pays
255
comme le Mali, le Burkina-Faso, la Centrafrique, qui affichent généralement des taux de production moyens.
En conclusion, faire une quantitation des productions littéraires nationles en francais a permis de comprendre que le développement de l’activité littéraire en français, dans la majorié des États, dépend beaucoup de sa population francophone. Plus elle est dense, plus le pays concentre une production plus importante. Toutefois, ce détail nes’applique pas exactement l’entièreté des cas. Certains pays, ayant une population francophone assez importante, enregistrent des taux de production moyens voire faibles par rapport au poids numérique de leurs populations. Dans ces cas, les causes sont àchercher selon nous, au niveau de l’importance de l’usage de la langue française dans la communication, des conditions d’édition et de diffusion et enfin des conditions sociaux- politiques, qui jouent un rôle important dans ce cadre. Les pays les plus performants restent le Congo et le Sénégal, ils affichent un taux plus équilibrés entre population et production.
Mais dans la grande majorité des cas, le Cameroun se maintient à la première place des classements : sa production a supplanté celle de la RDC, qui fut, durant la seconde moitié du XXème siècle, le pays le plus prolifique de la sous-région. Le Sénégal, quant à lui, maintient sa place parmi les premiers des classements, de même que la Côte d’Ivoire, qui affiche une production importante, et dont les rythmes se sont maintenus à des niveaux assez élevés. La situation du Congo-Brazzaville reste assez particulière dansl’ensemble. Malgré une entrée plus tardive (par rapport à d’autres pays) dans lalittérature, sa production connait une certaine dynamique et la positionnne comme l’undes pays les plus prolifiques de la sous région. Cette progression reste assez difficile à expliquer ; on pense que la carrière littéraire assez prolifique de ses auteurs peut jouer un rôle important dans ce sens. Le Bénin est aussi un pays dans lequel la production littéraire se maintient à des niveaux assez hauts ; elle connait un essor assez marqué. Il faut dire que ce pays bénéficie d’une grande stabilité politique et d’une population francophoneparmi les plus importantes, ce qui, très certainement, favorise sa production littéraire.
256
CHAPITRE 5 :
MESURES DE L’ÉDITION LITTERAIRE
257
Plusieurs sources des données éditoriales rassemblées dans cette banque de données sont tirées des catalogues d’éditeurs et de libraires. La banque de données LITAFcomporte une indexation « Éditeur », à partir de laquelle nous avons fait toutes nos quantifications. Toutefois, il faut souligner que cette indexation comporte, en tout, 4075 termes, rassemblant des maisons d’édition et plusieurs autres types de diffusion (imprimeries, institutions privées et publiques et même des périodiques…) ; c’est-à-dire tout un ensemble qu’il a fallu réduire, afin de faire une prise de mesure plus pondérée. De ce fait, nos dénombrements ont essentiellement été axés sur les maisons d’édition, mais ilse peut que certaines d’entre elles ne soient pas représentées dans les tableaux qui vont suivre. Cela relève du fait qu’il en existe une multitude, et que nous ne les connaissons pas toutes. Cependant, nous avons tenu à en tirer le maximum d’informations possible.
Au fil des années, le nombre d’éditeurs s’intéressant à la littérature francophonesubsaharienne s’est accru et si, aujourd’hui, d’autres canaux de diffusion permettent d’enrichir cette production littéraire, l’édition reste toujours un mode de publication trèsprisé, malgré les multiples transformations qu’enregistre le secteur éditorial. Ainsi, la partd’édités dans cette production littéraire est très significative et laisse percevoir l’influencede chacun des éditeurs.
Par ailleurs, la répartition et l’analyse de la production des éditeurs, permet decomprendre d’autres enjeux notamment: le poids éditorial de quelques catégories littéraires, et celui de chaque éditeur de cette littérature.
Les quantifications intègrent l’ensemble des données contenues dans LITAF et lesnoms d’éditeurs y sont inscrits tels que sur la banque de données
258
A. Mesure de la part de publications par éditeurs
Tableau 11- Répartition de la production littéraire par éditeurs
Éditeurs |
Lieux |
Année de la 1ère édition |
Volume de production |
A. Carrière |
Paris |
2006 |
3 |
A. Colin |
Paris |
1971 |
18 |
Albin Michel |
Paris |
1932 |
65 |
A.F.R.C.A. Éditions du Bénin |
Porto-Novo |
1995 |
1 |
Acoria Éditions |
Paris |
1997 |
98 |
Actes Sud |
Paris |
1990 |
133 |
Akpagnon |
Lomé |
1979 |
56 |
AML Éditions |
Bruxelles |
2012 |
1 |
Ana Éditions |
Bordeaux |
2004 |
2 |
B Grasset |
Paris |
1972 |
22 |
BD Éditions |
Dakar |
2005 |
25 ( jeunesse) |
Bordas |
Paris |
1981 |
5 |
Buku Éditions |
Kinshasa |
2012 |
1 |
CEDA |
Abidjan |
1972 |
224 |
CEDI |
Kinshasa |
1972 |
15 |
CEFOD-Éditions |
N’Djamena |
1993 |
7 |
CLE |
Yaoundé |
1964 |
2969 |
Dagan Éditions |
Cameroun |
2009 |
8 |
Didier Erudition |
Paris |
1974 |
23 |
259
Denoël |
Paris |
1973 |
8 |
Édilivres |
Paris |
2007 |
80 |
E. Flammarion |
Paris |
1913 |
1 |
E. Larose |
Paris |
1924 |
2 |
E. Yanou |
Yaoundé |
0000 |
1 |
E. O. Zinsou |
Cotonou |
1993 |
1 |
Éditions Afrique Nouvelle |
Saint-Légier (Suisse) |
1990 |
3 |
Éditions Akohi |
Abidjan |
1992 |
6 |
Éditions Balafons |
Abidjan |
2011 |
2 |
Éditions Belles-Lettres |
Kinshasa |
1964 |
23 |
Éditions Bantoues |
Brazzaville |
1983 |
4 |
Éditions Clairière |
Kinshasa |
1988 |
4 |
Éditions Continents |
Lomé |
2013 |
4 |
F. Maspéro |
Paris |
1960 |
14 |
F. Nathan |
Paris |
1958 |
58 |
Fasquelle |
Paris |
1947 |
1 |
Fayard |
Paris |
1969 |
18 |
Gallimard |
Paris |
1940 |
194 |
Grasset |
Paris |
2007 |
3 |
Hachette |
Paris |
1953 |
32 |
Hatier |
Paris |
1964 |
164 |
Heinemann |
Londres |
1969 |
56 |
Julliard |
Paris |
1956 |
16 |
260
Karthala |
Paris |
1980 |
297 |
Klincksieck |
Paris |
1969 |
11 |
L’Harmattan |
Paris |
1977 |
2926 |
La découverte |
Paris |
1991 |
4 |
La Doxa Éditions |
Libreville |
2013 |
15 |
La Maison gabonaise du livre |
Libreville |
2003 |
1 |
La pensée universelle |
Paris |
1971 |
128 |
La Sahélienne |
Bamako |
2005 |
8 |
Larousse |
Paris |
1915 |
11 |
Larose |
Paris |
1935 |
4 |
Le Figuier |
Bamako |
1996 |
42 |
Le Flamboyant |
Cotonou |
2000 |
4 |
Le Flambeau |
Yaoundé |
1978 |
7 |
Lekaso |
Lubumbashi |
1987 |
3 |
Le Serpent à plumes |
Paris |
1990 |
81 |
Médiaspaul |
Kinshasa |
1991 |
35 |
Nouvelles Éditions Africaines |
Abidjan-Dakar-Lomé |
1973 |
674 |
Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal |
Dakar |
1983 |
149 |
Nouvelles Éditions Africaines du Togo |
Lomé |
1990 |
17 |
Nouvelles Éditions ivoiriennes |
Abidjan |
1989 |
253 |
NEI-CEDA |
Abidjan |
2010 |
27 |
P.J. Oswald |
Paris |
1960 |
79 |
261
P. Seghers |
Paris |
1952 |
7 |
Passerelle Éditions |
Abidjan |
2014 |
2 |
Payot |
Paris |
1922 |
20 |
Plon |
Paris |
1953 |
30 |
Présence Africaine |
Paris |
1950 |
528 |
Presses universitaires de Dakar |
Dakar |
2009 |
3 |
Presses universitaires du Congo |
Kinshasa |
2001 |
1 |
Presses universitaires de Yaoundé |
Yaoundé |
1998 |
29 |
Presses universitaires de Kinshasa |
Kinshasa |
2001 |
1 |
Presses universitaires de Ouagadougou |
Ouagadougou |
2005 |
12 |
R. Laffont |
Paris |
1950 |
21 |
Semences Africaines |
Yaoundé |
1970 |
11 |
Seghers |
Paris |
1949 |
27 |
Seuil |
Paris |
1945 |
168 |
Silex |
Paris |
1981 |
175 |
Stock |
Paris |
1930 |
40 |
St-Paul |
Kinshasa |
0000 |
4 |
L’influence de chaque éditeur est plus visible sur ce tableau. On peut y voir que chacun contribue à des degrés variables à la production littéraire francophone subsaharienne. En particulier, une maison d’édition a entrainé un bouleversement important dans cette production littéraire : il s’agit de L’Harmattan, qui concentre à lui
262
seul une part de de plus de 2000 édités. Il faut seulement souligner que les chiffres fournis par la banque de données à propos de CLE comportent de nombreux éléments non pertinents. De ce fait, ils ne sont pas exacts comme ceux des autres éditeurs. Toutefois, cet éditeur possède un des catalogues les plus riches (en termes de quantité) de cette production littéraire, et son poids numérique traduit aussi le rôle qu’il a joué dansl’édition en Afrique. L’Harmattan concentre la plus grande part d’édités dans la répartition, et son rôle dans l’évolution à la hausse de cette production littéraire reste sansdoute important. Mais cet éditeur reste très critiqué, du fait de sa stratégie de publication tous azimuts, sans travail éditorial, avec par conséquent des qualités très inégales ; et dufait qu’il ne rémunèrerait pas ses auteurs 244 ou parce qu’il impose aux auteurs des fraisde publication sous la forme soit de subventions à percevoir soit de promesses d’achat d’un certain nombre d’exemplaires. Ces pratiques ne sont sans doute pas idéales, maiselles témoignent à leur manière des difficultés du marché de la librairie et de l’édition dulivre africain (continental et diasporique), où l’auto-édition et les différentes pratiques ducompte d’auteur jouent un rôle important.
Dans l’ensemble, les maisons d’édition parisiennes sont les plus représentées, mais il faut dire aussi que, dans ce contexte, les chiffres de production sont aussi plus accessibles, beaucoup plus que sur le continent, où les données se retrouvent très souvent dispersées, et dans ce cas, des efforts supplémentaires sont nécessaires pour les réunir, ou parfois, elles n’existent tout simplement pas.
Cette première répartition éditoriale a pris en compte l’ensemble de la production. Il s’agit de voir maintenant comment cela s’effectue à partir des catégories génériques.
244
En réalité, il y a très longtemps que L’Harmattan fait signer des contrats qui prévoient une rémunération de l’auteur au pourcentage à partir, par exemple, du 500e exemplaire imprimé ; or les tirages, dans beaucoup de cas, ne dépassent plus guère les 100 ou 200 exemplaires, les commandes ultérieures éventuelles étant satisfaites par des impressions à la demande. Les conditions sont meilleures pour les livres numériques.
263
B. Répartition quantitative des publications génériques par éditeurs
Cette répartition générique s’appuie sur cinq catégories littéraires à savoir : leroman, la poésie, le théâtre, l’essai et la critique. Ce sont les catégories les plus éditées dans cette littérature. Nous avons exclu de cette sélection la littérature de jeunesse,compte tenu de l’amalgame que présentent les notices qui la composent. Par ailleurs, certains éditeurs ont été retirés dans ce second tableau.
Graphique 12- Répartition éditoriale de quelques catégories littéraires
Catégories littéraires |
|||||
Éditeurs |
Roman |
Poésie |
Théâtre |
Essai |
Critique |
A. Carrière |
2 |
0 |
0 |
0 |
- |
A. Colin |
0 |
0 |
0 |
0 |
5 |
A. Michel |
47 |
0 |
0 |
1 |
0 |
ACCT |
11 |
4 |
1 |
4 |
44 |
Acoria |
15 |
25 |
20 |
2 |
8 |
Actes Sud |
67 |
1 |
13 |
14 |
2 |
Akpagnon |
15 |
12 |
2 |
9 |
4 |
Grasset |
11 |
1 |
0 |
4 |
0 |
CEDA |
62 |
18 |
13 |
8 |
20 |
CLE |
105 |
78 |
70 |
38 |
1038 |
Denoël |
4 |
0 |
0 |
1 |
2 |
Didier Erudition |
0 |
0 |
0 |
0 |
16 |
Édilivres |
40 |
16 |
3 |
2 |
5 |
264
E. Flammarion |
1 |
0 |
0 |
0 |
0 |
F. Maspéro |
0 |
0 |
0 |
8 |
2 |
F. Nathan |
4 |
0 |
0 |
1 |
32 |
Gallimard |
94 |
2 |
2 |
13 |
29 |
Hachette |
0 |
0 |
0 |
1 |
19 |
Heinemann |
0 |
0 |
0 |
0 |
43 |
Hatier |
33 |
3 |
14 |
0 |
14 |
Julliard |
8 |
0 |
0 |
1 |
0 |
Karthala |
10 |
3 |
1 |
25 |
158 |
L’Harmattan |
785 |
355 |
127 |
137 |
793 |
La Doxa Éditions |
5 |
3 |
0 |
0 |
0 |
La Sahélienne |
1 |
3 |
1 |
0 |
0 |
La pensée Universelle |
41 |
47 |
4 |
16 |
2 |
Larousse |
4 |
0 |
0 |
0 |
7 |
Le Serpent à plumes |
52 |
0 |
0 |
8 |
0 |
Médiaspaul |
21 |
0 |
0 |
0 |
0 |
NEA |
136 |
71 |
41 |
18 |
107 |
NEA Sénégal |
40 |
25 |
6 |
2 |
8 |
NEA Togo |
3 |
3 |
4 |
0 |
3 |
NEI |
134 |
7 |
3 |
6 |
1 |
Nouvelles éditions latines |
7 |
1 |
0 |
1 |
0 |
P.J. Oswald |
2 |
43 |
22 |
6 |
1 |
265
P. Seghers |
0 |
5 |
0 |
0 |
4 |
Semences Africaines |
3 |
4 |
2 |
0 |
0 |
R. Laffont |
12 |
0 |
0 |
1 |
1 |
Seuil |
97 |
15 |
0 |
11 |
15 |
Silex |
15 |
47 |
6 |
8 |
83 |
Stock |
30 |
0 |
0 |
3 |
1 |
Plon |
19 |
0 |
0 |
3 |
1 |
Présence Africaine |
148 |
55 |
24 |
79 |
113 |
Dans ce tableau, notons d’abord que la production critique des éditions comporte aussi des éléments non pertinents qui augmentent faussement la part d’édition liée à cettecatégorie littéraire. Cette répartition des productions génériques confirme la place du roman au sein de cette édition littéraire ; il est suivi de la critique et ensuite de la poésie.L’essai et le théâtre affichent les parts d’édition les plus faibles.
En somme, prendre la mesure des proportions éditoriales de quelques éditeurs etcatégories littéraires a permis de saisir l’influence de chacune des structures éditoriales sur la production littéraire francophone subsaharienne. Le roman concentre la partd’édition la plus dense ; la plus grande partie des éditeurs, hormis ceux qui sontspécialisés dans l’édition critique, lui consacrent une place dans leurs catalogues. À travers les résultats obtenus, on a pu quantifier l’apport des éditions L’Harmattan dansl’essor quantitatif de cette littérature. Cet éditeur a entrainé un bouleversement bibliologique ; à lui seul, il concentre plus du 1/3 de l’ensemble de cette productionéditoriale. Les parts éditoriales de la poésie et du théâtre, assez faibles, chez les éditeurs, montrent la place qui leur est accordée dans cette édition littéraire. On peut comprendre alors que la publication de ces genres se fait de plus en plus hors du circuit éditorial classique, débouchant sur une diffusion et une distribution commerciale, mais plutôt viades structures qui ne sont pas forcément payantes mais qui n’assurent en réalité que la vente en ligne (sur la base de l’impression à la demande), ou, plus directement, via l’auto- édition (avec mise en ligne sur Amazon, par exemple).
266
Toutefois, les données fournies par la LITAF ne permettent pas de saisir facilementla réelle part d’édition des structures situées sur le continent.
267
CONCLUSION
268
Cette thèse est partie d’une problématique principale qui est celle de démontrer enquoi les méthodes quantitatives pouvaient être utilisées pour réinterpréter l’histoire de lalittérature africaine francophone subsaharienne. Pour répondre à cette interrogation, notre analyse s’est basée sur la banque de données LITAF, qui fournissait un ensemble de données concernant la production littéraire francophone subsaharienne et permettait, grâce à la numérisation des notices, d’obtenir les chiffres de production nécessaires à notre analyse. Le travail a été établi à partir d’une bibliométrie analytique qui s’estdéployée à travers de nombreuses quantifications et classifications sur lesquelles ont porté toutes nos analyses interprétatives. Toutefois, passer à cette phase interprétative nécessitait de nous appuyer sur une démarche pluridisciplinaire qui permettait de mieux saisir et prendre en compte, à la fois, tous les facteurs exogènes qui ont influencél’évolution de cette production littéraire à travers le temps.
Cette analyse nous a permis de comprendre la production littéraire francophone subsaharienne sur la base de deux postulats : un premier, plus englobant, à partir duquel nous avons pu mettre en lumière la progression séculaire de l’ensemble de cetteproduction littéraire, et un second, qui s’est construit autour même des catégorisations génériques, géographiques ou éditoriales. Ces deux postulats ont permis de suivre le rythme et de tracer les cycles de production propre à cette littérature.
Les données contenues dans LITAF couvrent une vaste période, allant du début du XIXème siècle jusqu’en 2017. Nous nous sommes d’abord basées sur une périodisation par siècles pour commencer à établir cette histoire littéraire quantitative. En effet, tout au long de cette première phase séculaire (le XIXe s.), la production littéraire francophone subsaharienne n’existait pas encore, si on se base sur des critères quantitatifs. On notetout de même l’existence de quelques monographies, en majorité des récits detémoignage qui sont l’œuvre d’auteurs français et franco-sénégalais. Au début du XXesiècle, cette production littéraire a continué sur sa lancée, mais elle n’a pu se faire à un rythme plus régulier que durant la période de l’entre-deux-guerres qui reste la première phase de développement dans l’évolution quantitative de cette production littéraire. Eninterrogeant le contexte de production jusqu’à cette époque, on a pu comprendre que la littérature francophone subsaharienne n’a pu gagner en importance qu’à travers l’expansion géographique et humaine de l’école, car c’est à travers cette institution que le
269
français s’est installé de façon durable en Afrique subsaharienne, et c’est la progression de cette langue, dans cette partie du monde, qui a déterminé l’issue de la littérature francophone subsaharienne. Mais la langue n’est sans doute pas déterminante par elle- même ; elle aurait pu, en tant que langue étrangère, constituer un frein. L’alphabétisationest un facteur plus décisif, auquel on peut ajouter différentes formes de motivation liéesaux perspectives de mobilité sociales que paraissait ouvrir cette scolarisation. Quoi qu’ilen soit, on voit que l’avènement de cette littérature exigeait au préalable une ressource humaine capable de lire, d’écrire et de parler correctement français. Cette condition sine qua non est aussi celle qui a déterminé la hausse des productions jusque dans les années 1980. C’est pourquoi, afin d’expliquer les niveaux de production, nos analyses se sont largement appuyées sur les différentes configurations qu’a pu prendre l’école, d’aborddans les anciennes colonies et, à partir de 1960, dans les nouveaux États, avant des’intéresser à d’autres facteurs.
Dans cette démarche, on a pu constater que la production littéraire a évolué proportionnellement à la démographie scolaire : son augmentation a entrainé une hausse de la production littéraire. Par ailleurs, c’est la population scolarisée qui a permisd’augmenter, d’une part, le « personnel littéraire », et, d’autre part, de former un lectoratessentiel pour le maintien et l’essor de la diffusion littéraire, puisque le processus decréation littéraire s’appuie surtout sur la consommation, et donc, sur le lectorat qui en devient le moteur premier. Toutefois, malgré les nombreuses réformes scolaires qui ont accentué progressivement les taux d’alphabétisation, cette production littéraire a évoluéde manière très fluctuante dans l’ensemble, avec une rythmique que l’on peut scinder en trois grands cycles : un premier plus lent, allant du début du XIXe siècle, jusque dans les années 1940, un second cycle plus soutenu qui s’est établi à partir de 1946, jusqu’à la findes années 1980, et une dernière phase régressive, qui tend à persister depuis les années 1990.
En effet, durant la première phase, plusieurs facteurs faisaient obstacle à l’évolutionà la hausse de cette production littéraire. On enregistre à cette époque une moyenne de parutions de moins de 5/an. Le faible taux d’alphabétisation ne permettait pas d’avoir uneproduction plus importante. Il faut dire que cette période a été marquée par les premières implantations des écoles françaises, hormis quelques-unes, qui existaient déjà, notamment au Sénégal. Dans ce cas, le taux de production littéraire traduit explicitementle niveau d’usage du français dans les populations locales. Hormis cette réalité, on a aussi
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la restriction des possibilités et des conditions d’édition et de diffusion, qui ont maintenu la lenteur du rythme de production. En effet, tout au long de cette phase, l’activitélittéraire était encore très encadrée, et sa diffusion restait limitée à quelques périodiques qui ont été, au cours des premières décennies, les seules voies de publication. De ce fait,elle n’a aussi pu se déployer que par la volonté des institutions qui détenaient et délivraient « les privilèges de publication ».
C’est après la Seconde Guerre mondiale que le rythme de production a pus’intensifier; les indices de production changent complètement et la littérature francophone subsaharienne se mesure désormais sur une échelle de 100 parutions par année. On note aussi durant la même phase, une augmentation importante du nombred’édités dans cette production littéraire. En effet, l’après-guerre a été une époquefavorable à l’essor de la littérature francophone subsaharienne. L’accélération du rythmede production à partir de cette époque a été le fait des nombreuses mutations éditoriales, qui ont énormément assoupli les conditions d’accès à l’édition, une situation qui a été très bénéfique aux auteurs subsahariens, qui y avaient été très peu intégrés jusque-là. À partir de cette période, le rythme de production de la littérature francophone subsaharienne a été énormément influencé par les transformations du secteur éditorial. Il faut souligner que c’est dans les années 1950 que s’est véritablement stabilisée cette production littéraire : la plupart des catégories littéraires enregistrent, pendant cette décennie, une production plus régulière, accompagnée d’une évolution à la hausse des moyennes de production. Si elles sont assez timides durant les premiers temps, c’est dans les années 1970, qu’elles ont prisdes hauteurs très importantes qui se sont maintenues jusqu’à la fin des années 1980. Cette accélération a été soutenue par le développement d’une activité éditoriale dans la sous-région, qui s’est accompagné de l’installation et de la création de plusieurs maisonsd’édition, ceci ayant entrainé un bouleversement bibliologique dans cette production littéraire.
Par ailleurs, on note aussi un élargissement progressif des acteurs de la production et de la vie littéraires. La moyenne de la production critique, qui avoisine et finit par supplanter la production littéraire en elle-même, traduit la tournure qu’a prise la littérature francophone subsaharienne au cours de cette décennie. Sur le plan quantitatif, les années 1980 ont été les plus marquantes à plusieurs niveaux. D’abord, on note une augmentation de la population d’écrivains, suite, notamment, à une entrée plus significative des femmes sur la scène littéraire ; ensuite, on a la multiplication des canaux
271
et supports de diffusion, qui s’est faite grâce à la création d’éditeurs français spécialisésdans les espaces francophones du Sud ; et enfin, on a aussi une extension des collections en lien avec cette production littéraire. Une fusion de facteurs, qui a fait de cette décennie la décennie la plus prolifique, selon les données fournies par LITAF.
Toutefois, après une longue phase de croissance constante, les années 1990 ont misfin à cette extraordinaire expansion qu’enregistrait la littérature francophone subsaharienne depuis la fin des années 1940. Le rythme de production, durant cette décennie, a stagné dans un premier, puis a régressé légèrement jusque dans les années 2000. En effet, si la détérioration du climat politique et social ainsi que la crise économique ayant surgi dans les années 1980 ont fortement dégradé le contexte de production en Afrique francophone subsaharienne, et réduit le niveau de productiondurant cette décennie, c’est surtout la globalisation de l’activité éditoriale qui a entrainéune standardisation de la production littéraire et un durcissement des conditions d’éditionqui tendent à reconsidérer d’une autre manière la production littéraire francophone subsaharienne.
En effet, le marketing éditorial instauré depuis la fin des années 1980 a entrainé un bouleversement dans la classification des catégories littéraires et un resserrement de la production francophone subsaharienne, qui tend à graviter autour du roman et de la littérature de jeunesse qui régulent désormais l’essentiel de l’édition littéraire en lien avec cette littérature, même si l’essai et la littérature qualifiée de traditionnelle, et autres genres présents dans cette banque de données, arrivent à se maintenir encore dans le circuit éditorial traditionnel. Mais la plus grande part de cette production littéraire se diffuse à travers d’autres canaux et supports de diffusion dont l’implication mériterait une étudeplus approfondie. Par ailleurs, il ne faut pas mettre de côté l’apport des petits éditeurs situés sur le continent, qui enrichissent énormément la part de production éditoriale, mais dont la contribution n’est pas très souvent soulignée.
Il faut dire que les transformations qui ont eu lieu dans le secteur de l’édition ontconduit à redéfinir les carrières d’écrivains. Gisèle Sapiro parle à cet égard d’une«internationalisation des carrières d’écrivains»245, qui tend à rediriger les choix
245
Sapiro (G.), dir., Les contradictions de la globalisation de l’édition, « Introduction », Paris : Nouveau monde éditions, 2009, p. 8.
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d’écrivains, surtout ceux qui souhaitent atteindre une notoriété, vers des catégorieslittéraires et des lieux d’édition spécifiques. Ainsi, malgré l’accroissement tendancield’autres catégories littéraires, c’est le roman qui occupe le statut de genre le plus représentatif, car c’est par lui qu’un écrivain est le plus susceptible d’obtenir uneimportante réception critique, et c’est aussi grâce à lui que les auteurs acquièrent une certaine notoriété littéraire ; les quantifications ont ainsi pu mettre en évidence la partd’études critiques qui lui sont consacrées. Comme l’affirme Claire Ducournau, « le roman constitue désormais une sorte de passage obligé pour accéder à la visibilité ».246Par contre, la vitalité de la littérature de jeunesse ne lui a pas encore permis de susciter un aussi grand intérêt critique ; jusqu’alors, très peu d’études critiques lui sont consacrées dans le cadre de cette littérature. Concernant la poésie, la nouvelle et le théâtre, ces trois genres littéraires arrivent à maintenir leur production grâce à d’autres modes de diffusion,ou à la publication à compte d’auteur dans le cas de l’édition, même si ces modes touchent aussi le roman, ainsi que le reste de la production littéraire.
Par ailleurs, depuis les années 1980, l’édition de la littérature francophone subsaharienne se fait dans un rapport déséquilibré, avec valorisation de la production éditée hors du continent aux dépens de celle qui est éditée sur le continent. Lorsqu’on s’intéresse aux parts de productions éditoriales, on constate par exemple que les éditeurs situés hors du continent concentrent les parts les plus importantes. Un éditeur commeL’Harmattan affiche une production de plus de 2000 ouvrages. À lui seul, il détientenviron près du 1/3 de la production éditoriale. Ce déséquilibre n’est pas juste axé sur les chiffres de production, mais aussi sur les critères de visibilité et de valorisation de la production. Lorsqu’on s’intéresse à la production critique axée sur les œuvres des auteurs, on constate par exemple que la grande majorité ont assis leurs carrièresd’écrivains en dehors du continent. Ceux qui concentrent la plus grande part d’étudescritiques ont au moins une parution au Seuil, bien que d’autres éditeurs tel que PrésenceAfricaine soit aussi bien représenté dans ce cas. Cette réalité tend à s’imposer comme une condition pour les auteurs subsahariens voulant mener une véritable carrière d’écrivain. On a désormais une production littéraire dont l’avenir se joue en dehors du continent, bien que tout l’apport éditorial fourni par les éditeurs situés sur le continent reste très
246
Ducournau (C.), La fabrique des classiques africains, Paris : Éditions du CNRST, p. 392.
273
difficile à mesurer. Dans ce cas, l’accès aux chiffres reste très difficile contrairement auxéditeurs de l’Hexagone.
En outre, étudier la production littéraire de façon quantitative nous a aussi permis de nous intéresser aux productions littéraires nationales. Celles-ci diffèrent en fonction les dix-huit pays qui constituent l’Afrique francophone subsaharienne. Une étude comparative entre le niveau de production de chaque pays et les chiffres de la population francophone propre à chaque pays a montré que, dans l’ensemble, la production nationalede la littérature écrite en français est déterminée par l’importance de sa population francophone. Ainsi, les pays les plus productifs, dans ce cas, sont aussi ceux qui concentrent la plus grande part de populations francophones. Cependant, le contexte de production propre à chacun de ses pays joue aussi un rôle important dans l’évolution de laproduction littéraire en français. La République Démocratique du Congo, qui concentre la plus grande part des francophones en Afrique subsaharienne, a vu sa production littéraire en langue française régresser. Cela est surement le fait des nombreuses déstabilisations politiques qui détériorent fortement le contexte de production très essentiel à la vitalitéd’une production littéraire. Dans ce cadre, les grands foyers de production restent le Cameroun dont les chiffres de production traduisent une activité littéraire en plein essor,la Côte d’Ivoire et le Sénégal qui ont maintenu leurs niveaux de production depuis le début du siècle dernier. Le Congo-Brazzaville reste une particularité dans cette étude. Ce pays affiche une performance remarquable dans sa production littéraire, mais lors de nos recherches, nous pas trouver pu trouver le facteur essentiel qui pourrait justifier cette fulgurante progression. On pense que la carrière très prolifique des écrivains originaires de ce pays peut y être pour quelque chose ; leur sens de ce qu’ils ont eux-mêmes appelé la « phratrie » (les liens à la fois étroits et complexes qui existent entre eux, et notammentd’une génération à l’autre 247) indique une forme particulière d’autonomie qui a pu, à la fois, faire jouer l’émulation et la concurrence, mais qui a pu aussi les préserver, dans une certaine mesure, de l’impact négatif des événements qui avait lieu dans le champ social. Ce cas spécifique mériterait une autre étude qui intégrerait d’autres détails que nous n’avons pu saisir. Hormis le Congo, le Bénin affiche une très grande dynamique dans sa production, le cas de ce pays, mérite aussi d’être analysé plus amplement.
247
Voir par exemple : http://www.adiac-congo.com/content/le-congo-des-ecrivains - c. 10.09.2018274
En définitive, notre étude a retracé le cycle d’évolution de la littérature francophonesubsaharienne. Dans cette démarche, on a pu mettre des chiffres sur des réalités qui avaient déjà sans doute été soulignées, mais dont les chiffres sont venus soutenir la probabilité des faits. Les quantifications ont permis rendre plus visible le rythme de production, et, grâce à lui, de rendre visibles, à partir des phases périodiques successives, tous les facteurs exogènes qui ont pesé sur le développement de cette activité littéraire. Sil’alphabétisation reste comme partout le facteur principal dans cette liste, on peut dire que cette littérature a évolué selon les spécificités historiques propres à cette partie du monde.
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G. Présentation d’autres banques de données en lien avec les littératures
francophones subsahariennes.
Pour terminer cette bibliographie, nous avons choisi de présenter quelques bases de
données ou corpus numérisés en lien avec les littératures francophones subsahariennes.
Mukanda http://mukanda.univ-lorraine.fr/ c_25/09/2018
C’est une banque de données créée à l’initiative de M. Pierre Halen qui en est le
gestionnaire principal. Elle est une plate-forme documentaire axée pour l’instant sur
l’Afrique Centrale notamment sur la République démocratique du Congo, le Rwanda et le
Burundi, et s’ouvre aussi sur d’autres pays de cette région dès lors que des équipes sont
prêtes à intégrer le projet. Cette base de données rassemble une documentation hétéroclite
et n’est axée sur aucune discipline ; encore en pleine constitution, elle compte déjà plus
de 30000 références indexées et compte s’enrichir davantage grâce à la contribution de
ses utilisateurs qui à travers une écriture autonome peuvent introduire des références sur
cette base de données.
CRITAOI : http://www.savoirsenpartage.auf.org c_25/09/2018
C’est une base de données axée sur la production littéraire critique de l’Afrique et de
l’Océan Indien. Elle a pour but, la valorisation de la production critique issue de ces deux
espaces. CRITAOI est hébergée sur le site de l’Agence universitaire de la francophonie.
Toutefois, le lien accéder à ses références, reste indisponible : http://biblio.critaoi.auf.org
« Manuscrits francophones » qui est abritée par le site de l’Institut des textes et manuscrits
modernes: http://www.item.ens.fr/francophone (c_25/09/2018), dont le but est
d’interroger des documents qui sont liés à la genèse des œuvres, afin de contribuer à leur
compréhension.
287
C’est une plateforme documentaire dont les objectifs sont de collecter,
sauvegarder, valoriser et préserver des manuscrits d’auteurs francophones de l’Afrique
subsaharienne et de l’Océan Indien. Elle est coordonnée par une équipe qui est dirigée par
Claire Riffard. On peut y retrouver plusieurs manuscrits en ligne comme ceux de Sony
Labou Tansi, Ahmadou Kourouma et bien d’autres auteurs encore.
288
Table des graphiques et tableaux
TABLEAU 1 : LIVRES D’AUTEURS AFRICAINS SUBSAHARIENS PUBLIÉS EN FRANÇAIS (1954- 1965) ——————————————————————————————————————- 22 TABLEAU 2 : REVUES DÉPOUILLÉES POUR LA MISE EN PLACE DE LITAF ————————- 44
TABLEAU 3 : CATALOGUE DES CATÉGORIES ET DES SOUS-CATÉGORIES INDEXÉES DANS LITAF —————————————————————————————————————— 52 TABLEAU 4 : VOLUMES DE PRODUCTION DE QUELQUES GENRES ET CATÉGORIES FOURNISPAR L’ANCIENNE GRILLE D’INTERROGATION ——————————————————– 72
TABLEAU 5 : VOLUMES DE PRODUCTION DE QUELQUES GENRES ET CATÉGORIES OBTENUS À PARTIR DES DEUX VOLETS DE LA NOUVELLE GRILLE D’INTERROGATION
————————————————————————————————————————– 73 TABLEAU 6- PRODUCTIONS GLOBALES DES CATÉGORIES MAJEURES —————————– 75 TABLEAU 6- RÉCAPITULATIF DE LA PRODUCTION ÉCRITE AU XIXE SIÈCLE ——————– 86 TABLEAU 7 – RÉCAPITULATIF DE LA PRODUCTION ENTRE 1900 ET 1920 ————————– 95 GRAPHIQUE 1 ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION ÉCRITE ENTRE 1900 À 1950 ——————— 98 TABLEAU 8- LIVRES ET MONOGRAPHIES PORTANT SUR LA RECHERCHE ETHNOLOGIQUE
(1900-1950) ——————————————————————————————————— 109 TABLEAU 9-MESURE DE LA PART DE PRODUCTION DE PRÉSENCE AFRICAINE ENTRE 1947
ET 1950————————————————————————————————————– 123 GRAPHIQUE 2- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION ÉCRITE ENTRE 1951 ET 2000 126 GRAPHIQUE 3- VARIATIONS DÉCENNALES DE LA PRODUCTION ÉCRITE ENTRE 1951 ET 2000
———————————————————————————————————————— 127 GRAPHIQUE 4- VARIATIONS DÉCENNALES DE LA PRODUCTION CRITIQUE ENTRE 1951 ET
2000 —————————————————————————————————————— 128 TABLEAU 10 – RÉPARTITION DE LA PRODUCTION ÉDITORIALE DE QUELQUES ÉDITEURS
FRANÇAIS ENTRE 1951 ET 1960 —————————————————————————- 133 GRAPHIQUE 5- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION ÉCRITE ENTRE 2000 ET 2010 159 GRAPHIQUE 6 – CLASSEMENT GÉNÉRIQUE DE LA PRODUCTION ÉCRITE———————— 170 GRAPHIQUE 7- RÉPARTITION QUANTITATIVE ET GÉNÉRIQUE DE LA PRODUCTION
LITTÉRAIRE——————————————————————————————————- 172 GRAPHIQUE 7- RÉPARTITION PROPORTIONNELLE DES GENRES MAJEURS ——————— 175 GRAPHIQUE 8- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION ROMANESQUE ENTRE 1900 ET
1920 —————————————————————————————————————— 180 GRAPHIQUE 9- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION ROMANESQUE DE 1920 À 1950
———————————————————————————————————————— 182 GRAPHIQUE 10 – ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION ROMANESQUE ENTRE 1950
ET 1980————————————————————————————————————– 185 GRAPHIQUE 11- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION ROMANESQUE ENTRE 1980 ET 2010 —————————————————————————————————————— 187
GRAPHIQUE 12- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION THÉÂTRALE ENTRE 1920 ET 1950 —————————————————————————————————————— 190
GRAPHIQUE 13- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION THÉÂTRALE ENTRE 1950 ET 1980 —————————————————————————————————————— 192
GRAPHIQUE 14 – ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION THÉÂTRALE ENTRE 1980 ET 2010 —————————————————————————————————————— 196
GRAPHIQUE 15 – ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION POÉTIQUE ENTRE 1940 ET 1950 —————————————————————————————————————— 200
GRAPHIQUE 15- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION POÉTIQUE ENTRE 1950 ET 1980 —————————————————————————————————————— 201
GRAPHIQUE 16- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION POÉTIQUE ENTRE 1980 ET 2010 —————————————————————————————————————— 203
289
GRAPHIQUE 17- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION NOUVELLISTE ENTRE 1926 ET 1950 —————————————————————————————————————— 207 GRAPHIQUE 18- ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION NOUVELLISTE ENTRE 1950 ET 1980—– 207
GRAPHIQUE 19- ÉVOLUTION ANNUELLE DE LA PRODUCTION NOUVELLISTE ENTRE 1980 ET 2010 —————————————————————————————————————— 209
GRAPHIQUE 20- ÉVOLUTION COMPARATIVE DE LA PRODUCTION DES GENRES MAJEURS ENTRE 1900 ET 1950 ——————————————————————————————– 212 212
GRAPHIQUE 21- ÉVOLUTION COMPARATIVE DE LA PRODUCTION DES GENRES MAJEURS ENTRE 1951 ET 2000 ——————————————————————————————– 213
GRAPHIQUE 22- ÉVOLUTION COMPARATIVE DE LA PRODUCTION DES GENRES BIOGRAPHIQUES ENTRE 1950 ET 1979 —————————————————————— 216
GRAPHIQUE 23- ÉVOLUTION COMPARATIVE DE LA PRODUCTION DES GENRES BIOGRAPHIQUES ENTRE 1980 ET 2010 —————————————————————— 218
GRAPHIQUE 24 – ÉVOLUTION COMPARATIVE DE LA PRODUCTION DES OUVRAGES DE RÉFÉRENCE ENTRE 1950 ET 1979————————————————————————– 220
GRAPHIQUE 25- ÉVOLUTION COMPARATIVE DE LA PRODUCTION DES OUVRAGES DE RÉFÉRENCE ENTRE 1980 ET 2010————————————————————————– 222 GRAPHIQUE 26 – ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION DE L’ESSAI ENTRE 1950 À 1979 ———- 224 GRAPHIQUE 27- ÉVOLUTION DE LA PRODUCTION DE L’ESSAI ENTRE 1980 ET 2010 ——— 226
GRAPHIQUE 27- RÉPARTITION GÉNÉRIQUE ET QUANTITATIVE DE LA PRODUCTION CRITIQUE ———————————————————————————————————- 228
GRAPHIQUE 28- RÉPARTITION PROPORTIONNELLE DE LA PRODUCTION CRITIQUE PAR AUTEURS ———————————————————————————————————- 230
GRAPHIQUE 29- RÉPARATION GÉOGRAPHIQUE ET QUANTITATIVE DE LA PRODUCTION LITTÉRAIRE——————————————————————————————————- 237
TABLEAU 10- CLASSEMENT PRODUCTIF DES PAYS ET STATUT FONCTIONNEL DE LA LANGUE FRANÇAISE —————————————————————————————— 239 GRAPHIQUE 30- COMPARAISON BIBLIO-DÉMOGRAPHIQUE PAR PAYS ————————— 241
241
GRAPHIQUE 32- PRODUCTION LITTÉRAIRE PAR PAYS ENTRE 1900 ET 1950——————— 247 GRAPHIQUE 33- ÉTAT DE LA PRODUCTION PAR PAYS ENTRE 1950 ET 2000——————— 248 GRAPHIQUE 34- CLASSEMENT DE LA PRODUCTION LITTÉRAIRE PAR PAYS ENTRE 2000 ET
2017 —————————————————————————————————————— 249 GRAPHIQUE 35- RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE LA PRODUCTION ROMANESQUE —— 251 GRAPHIQUE 36- RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE LA PRODUCTION THÉÂTRALE ——— 252 GRAPHIQUE 37- RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE LA PRODUCTION POÉTIQUE ———— 253 GRAPHIQUE 37- RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DE LA PRODUCTION DE LA NOUVELLE – 255 TABLEAU 11- RÉPARTITION DE LA PRODUCTION LITTÉRAIRE PAR ÉDITEURS ————— 259 GRAPHIQUE 12- RÉPARTITION ÉDITORIALE DE QUELQUES CATÉGORIES LITTÉRAIRES — 264
290
B
Béhar, 6, 9, 16, 281
Bernard, 6, 17, 273, 274, 275, 277, 280 Blachère, 106, 275
Bouche, 91, 101, 102, 104, 282
Kourouma, 229, 284
L
Cévaër, 22, 23, 138, 148, 155, 161, 279 Chevrier, 97, 178, 179, 193, 275, 276 Compagnon, 175, 280
Cooper, 134, 136, 282
Cornevin, 22, 89, 107, 112, 113, 121, 122, 276 Coulon, 1, 3, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 46, 47, 48, 49, 56, 58, 63, 64, 66, 67, 70, 73, 74, 81, 273, 276, 277
D
Dozo, 21, 273
Dubois, 9, 10, 281
Ducournau, 23, 147, 148, 151, 159, 176, 184, 202,
226, 269, 276
Dulucq, 107, 108, 123, 282
E
Escapit, 281
Estivals, 19, 21, 22, 28, 29, 81, 93, 97, 99, 106, 114,
115, 119, 121, 134, 136, 232, 273
G
Gérard, 91, 115, 184, 242, 276 Guy, 20, 181, 197, 274
H
Hausser, 90, 97, 115, 182, 276 Hugon, 155, 282
J
Joubert, 33, 36, 141, 197, 276
K
Manessy, 100, 282
Mathieu, 90, 97, 115, 182, 276 Michon, 21, 274
O
Olivero, 130, 136, 149, 150, 279 Otlet, 27, 274
P
Parinet, 118, 136, 279 Pinhas, 140, 147, 277, 278
Kesteloot, 117, 276
Index des auteurs
CM
Labou Tansi, 227, 228, 229, 284 Locha, 134, 136, 137, 276
Quedama, 274
Q S
Saint-Jacques, 17, 274
Sapiro, 128, 129, 132, 152, 153, 159, 161, 166, 268,
279, 281
Scherer, 189, 191, 192, 193, 195, 278
V
Vaillant, 9, 10, 20, 21, 29, 69, 76, 78, 84, 97, 160, 165, 166, 167, 168, 172, 173, 177, 187, 274, 275, 282
Viala, 186, 187, 281
Vuillemin, 10, 12, 36, 274, 275
W
Wachter, 200, 202, 280 Weber, 84, 85, 86, 89, 159, 278
291
Table des matières
INTRODUCTION GENERALE ……………………………………………………………………………………………….. 5 1. Genèse du sujet…………………………………………………………………………………………………………6 2. Les banques de données littéraires…………………………………………………………………………….11 3. Justification du corpus ……………………………………………………………………………………………..19 4. Problématique…………………………………………………………………………………………………………26 5. Questionnements méthodologiques ………………………………………………………………………….27 6. Organisation……………………………………………………………………………………………………………30
Chapitre 1. LITAF : fondements, évolutions et perspectives…………………………………………………..32
A. Les enjeux de la création d’une banque de données pour les littératures subsahariennesfrancophones ……………………………………………………………………………………………………………..37
- La création de LITAF ………………………………………………………………………………………………….40
- Les sources dépouillées…………………………………………………………………………………………….42 1° Les sources primaires……………………………………………………………………………………………43 a. Inventaires divers …………………………………………………………………………………………………43 b. Les bibliographies et catalogues constitués……………………………………………………………..44 c. Les revues ……………………………………………………………………………………………………………44 d. Les visites rendues ……………………………………………………………………………………………….46 2° Les sources secondaires………………………………………………………………………………………..46 a. Bibliographies thématiques diverses ………………………………………………………………………46 b. Les sources créées par l’arrivée d’internet ………………………………………………………………47 c. Les voyages effectués……………………………………………………………………………………………47 d. Les bibliothèques privées………………………………………………………………………………………48
D. Présentation détaillée de la banque de données…………………………………………………………48
- 1° À propos des mots « littérature, « africaine », « francophone »…………………………………48
- 2° Mises à jour…………………………………………………………………………………………………………50
- 3° Les notices contenues dans LITAF……………………………………………………………………………51
- 4° Le catalogage des genres et catégories littéraires indexés ………………………………………..51
- 5° Les publications « fixes » de LITAF …………………………………………………………………………..57
- 6° Weblitaf ou comment interroger cette banque de données ?……………………………………58
- Présentation du premier volet d’interrogation « Recherche simple ». ……………………. 59
- Présentation du second volet une grille d’interrogation « Recherche avancée »………….60
292
7° Présentation des résultats …………………………………………………………………………………….62E. LITAF aujourd’hui, bilan et perspectives …………………………………………………………………….. 63 1°Les informations manquantes ………………………………………………………………………………..64 a. Plusieurs références manquantes des années antérieures ………………………………………..64 b. Annotations manquantes ou inachevées sur plusieurs notices…………………………………..65 c. L’absence de certains indices signalétiques sur les références……………………………………65 2°Litaf : pour quels usages et pour quels publics ?……………………………………………………….65 3°Les perspectives d’optimisation pour cette banque de données…………………………………66 F. Adaptation du corpus et délimitation du cadre temporel ……………………………………………..69 1°Adaptation du corpus ……………………………………………………………………………………………69 a. La mise en place d’une nouvelle grille d’interrogation ……………………………………………… 72 b. Les problèmes morphosyntaxiques des indexations de la banque de données LITAF……74 c. La question du catalogue générique ……………………………………………………………………….75 2°Délimitation du cadre temporel ……………………………………………………………………………..77 CHAPITRE 2 : ÉVOLUTIONS SÉCULAIRES DE LA PRODUCTION ÉCRITE ……………………………………80 A. Le XIXe siècle : les débuts d’une production écrite ………………………………………………………85
- Les nouvelles données de production écrite au XXème siècle ……………………………………….93 1° Évolutions de la production écrite entre 1900 et 1950 …………………………………………….. 94 a. De 1900 à 1926, l’implantation de la langue française ……………………………………………. 100 b. L’entre-deux-guerres, une première transition quantitative de la production écrite…..104 c. La recherche ethnologique, un facteur favorable à la production écrite…………………….107 d. Le conservatisme éditorial et la censure, facteurs de limitation de l’activité littéraire ..112 e. L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur l’évolution de la production écrite………..116 f. L’après-guerre, un contexte favorable à la production …………………………………………….118 2.°Évolutions de la production écrite entre 1951 et 2000……………………………………………125 a. De 1951 à 1960, l’influence des nouvelles politiques éditoriales ………………………………129 b. De 1960 à 1970, la constitution d’un nouveau lectorat……………………………………………135
c. De 1970 à 1980, une nouvelle configuration de l’édition littéraire en Afrique francophonesubsaharienne ………………………………………………………………………………………………………. 141
d. De 1980 à 1990, l’élargissement des acteurs de la production littéraire ……………………147
e. De 1900 à 2000, une phase de rupture pour la production écrite …………………………….151
- Un nouveau paysage éditorial et littéraire pour le XXIe siècle……………………………………..157
CHAPITRE 3 : BIBLIOMÉTRIES GÉNÉRIQUES………………………………………………………………………165 A. Répartitions quantitatives et comparatives de la production des catégories textuelles …. 169
293
1° Évolutions périodiques de la production romanesque…………………………………………….178 a. De 1900 à 1920…………………………………………………………………………………………………..180 b. De 1920 à 1950…………………………………………………………………………………………………..181 c. De 1950 à 1980…………………………………………………………………………………………………..184 d. De 1980 à 2010…………………………………………………………………………………………………..187 2° Évolutions périodiques de la production théâtrale …………………………………………………188 a. De 1920 à 1950…………………………………………………………………………………………………..190 b. De 1950 à 1980…………………………………………………………………………………………………..192 c. De 1980 à 2010…………………………………………………………………………………………………..196 3° Évolutions périodiques de la production poétique …………………………………………………198 a. De 1940 à 1950…………………………………………………………………………………………………..200 b. De 1950 à 1980…………………………………………………………………………………………………..201 c. De 1980 à 2010…………………………………………………………………………………………………..203 4° Évolutions périodiques de la production de la nouvelle ………………………………………….205 a. De 1926 à 1950…………………………………………………………………………………………………..206 b. De 1950 à 1980…………………………………………………………………………………………………..207 c. De 1980 à 2010…………………………………………………………………………………………………..209
B. Mesures de l’évolution d’autres catégories littéraires ………………………………………………..214 1° Évolutions quantitatives et comparatives des genres biographiques ………………………..214 2° Évolutions quantitatives et comparatives des ouvrages de référence……………………….219 3° Évolutions périodiques de la production de l’essai …………………………………………………223 4° Mesures et analyses de la réception critique des catégories littéraires et des auteurs .227 a. Mesure de la réception critique des catégories littéraires ……………………………………….228 b. Classement par niveau de réception critique des auteurs………………………………………..229
CHAPITRE 4 : LES PRODUCTIONS LITTERAIRES NATIONALES ……………………………………………… 234 A. La production littéraire par pays………………………………………………………………………………236 1° État de la production littéraire des pays durant la première moitié du XXe siècle……….247 2° État de la production littéraire par pays entre 1950 et 2000 …………………………………… 248 B. Analyse de la production des genres majeurs par pays……………………………………………….250 1° Production géographique du roman……………………………………………………………………..251 2° Production géographique du théâtre ……………………………………………………………………252 3° Production géographique de la poésie………………………………………………………………….253 4° Production de la nouvelle par pays……………………………………………………………………….255 CHAPITRE 5 : MESURES DE L’ÉDITION LITTERAIRE……………………………………………………………..257
294
A. Mesure de la part de publications par éditeurs………………………………………………………….259
B. Répartition quantitative des publications génériques par éditeurs ………………………………264 CONCLUSION ……………………………………………………………………………………………………………….. 268 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………………………………………………………….. 276
A. Ouvrages et travaux sur la bibliométrie, la bibliologie et la question des banques de données …………………………………………………………………………………………………………………… 277
B. Ouvrages et travaux sur les littératures francophones subsahariennes ………………………..279C. Ouvrages et travaux portant sur les questions d’édition et sur le livre………………………….282 D. Ouvrages et travaux sur les questions générales de littérature……………………………………284 E. Ouvrages et travaux portant sur les questions d’histoire littéraire……………………………….285F. Ouvrages et travaux sur l’histoire de l’Afrique et sur la francophonie ………………………….. 286
……………………………………………………………………………………………………….. 287
G. Présentation d’autres banques de données en lien avec les littératures francophones
subsahariennes.
295
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